Le procès d'Estelle Derieux, accusée d'avoir assassiné Mandolina, sa fille de presque trois ans, en l'abandonnant dans un sac plastique jeté dans la Deûle à Lille, s'est ouvert jeudi aux assises du Nord, à Douai.
Elle s'est approchée de la rivière, a hésité trois fois puis a fini par passer à l'acte. Estelle Derieux, une mère célibataire qui comparaît depuis jeudi pour assassinat, a raconté à la cour d'assises du Nord à Douai comment elle avait jeté à la rivière Mandolina, sa fille, 3 ans à peine. Aujourd'hui âgée de 34 ans, cette femme aux cheveux courts et à la silhouette menue, qui a grandi dans un milieu plutot favorisé, a livré avec froideur et précision le récit du crime horrible qu'elle avait confessé pendant sa garde à vue, juste après son arrestation.
Nous sommes le 13 août 2013. Accompagnée de l'enfant, non reconnue par son père, Estelle Derieux, établie à Fourmies, prend le train pour Lille, y déjeune dans une cafétéria, va à la librairie Le Furet du Nord lire des comptines à sa fille et l'emmène jouer dans un parc. Puis les deux s'asseoient sur un banc le long de la Deûle, la rivière qui borde la capitale des Flandres. Mandolina s'endort. Vers 05H00 du matin, Estelle Derieux enfile un sac-poubelle autour de sa fille, le ferme "à double tour" - pour qu'elle n'ait pas froid ni ne se mouille, dira-t-elle. "Ma fille a commencé à crier." Estelle s'approche de la rivière.
"Non, maman, câlin !"
"Il y a eu trois hésitations, au bout de la troisième, j'ai dit à ma fille +si on nous retrouve, on sera séparé, tu vas vivre en famille d’accueil avec d'autres parents+, et ma fille m'a répondu +non maman, câlin!+ Puis je l'ai jetée à l'eau, je l'ai vue bouger, elle a arrêté, et là, je me suis dit +j'ai tué ma fille+". A la fin de son récit, un bref silence s'est installé dans la salle d'audience.La mère apparaîtra comme "absente" et "détachée" lors de sa garde à vue, selon l'adjudant en charge de l'enquête. Mais "ma fille me manque beaucoup, j'ai toujours regretté mon geste", a affirmé l'accusée, sanglotante, à un autre moment de l'audience. Une expertise psychiatrique a conclu à "une grave altération du discernement" lors des faits. L'accusée est décrite comme "dépressive", vivant "une relation fusionnelle" avec sa fille selon des experts.
Suivie pour des violences qu'elle aurait exercées sur sa fille, elle avait peur que sa fille lui soit retirée. "Je me suis dit: +Est ce que je la mérite, ma fille?+, +Pourquoi ils ne me font pas confiance?+, +Pourquoi ils veulent m'éloigner d'elle?+, j'ai tellement eu peur", a-t-elle déclaré. "Avec du recul, je comprends mieux qu'on ait voulu m'aider, mais sur le moment je ne l'ai pas bien compris, il y a peut-être eu un manque d'explications", a-t-elle dit depuis son box, la voix tremblotante.
L'enquête de personnalité révèle que la jeune femme déménagera une quinzaine de fois entre 1981 et 2010 au gré des mutations de son père, ancien pilote de chasse et général dans l'armée. Estelle Derieux parle d'une mère "étouffante" et d'un père "taciturne", pointe un manque de communication dans la famille, à laquelle elle est toutefois "très attachée".
Titulaire d'un master 1 en musicologie, elle vivait du RSA. Voulant travailler dans le milieu du spectacle, elle faisait du théâtre dans une association. Les parents d'Estelle Derieux et l'association d'aide à l'enfance en détresse La Voix de l'enfant, se sont constitués partie civile. Le procès doit se tenir jusqu'au 4 novembre.