Soupçonné d'être le 3e terroriste de l'attentat de Zaventem, Fayçal Cheffou a été inculpé samedi pour "assassinats terroristes" avant d'être libéré lundi. Selon son avocat, un alibi le disculpe.
C'est un rebondissement étonnant dans l'enquête sur les attentats de Bruxelles. Fayçal Cheffou a été remis en liberté lundi alors qu'il avait été inculpé deux jours plus tôt pour "assassinats terroristes". Les enquêteurs le soupçonnaient d'être le mystérieux "homme au chapeau" filmé mardi dernier par les caméras de vidéosurveillance de l'aéroport de Bruxelles-Zaventem, aux côtés des deux kamikazes qui se sont faits exploser, Najim Laacharoui et Ibrahim El Bakraoui. Selon Le Soir qui s'appuyait sur des sources policières, le chauffeur de taxi qui a transporté le commando terroriste entre Schaerbeek et l'aéroport l'avait formellent identifié "suite à un "tapissage", une confrontation visuelle, parmi les supects de l’attentat de Bruxelles".
Il était chez lui au moment des attentats
Mais selon Olivier Martins, l'avocat de Fayçal Cheffou, le suspect est parvenu à présenter un alibi solide qui a pu être vérifié par les enquêteurs. "Il a donné un alibi au niveau de la téléphonie, disant qu'il était chez lui au moment des attentats", a-t-il expliqué à la RTBF. "Il a aussi reçu des appels. Et, là aussi, j'ai demandé au juge d'instruction que l'on fasse immédiatement une (analyse de la) téléphonie précise et que l'on borne son téléphone pour savoir si cela confirmait son alibi. Le juge d'instruction a fait exécuter immédiatement ces devoirs et, apparemment, ces devoirs se sont révélés être à décharge. (...) Le chauffeur de taxi a reconnu M. Cheffou. Mais, en réalité, il reconnaissait M. Cheffou, parce qu'il l'avait déjà reconnu sur une photographie qui correspondait à des traits de la personne qu'il avait transportée. Ce qui était toujours très faible, je dirais, en termes d'indices de culpabilité." Une perquisition menée à son domicile n'avait rien donné non plus.Ses empreintes n'ont pas été retrouvées sur le charriot
Autre élément disculpant, les empreintes de Fayçal Cheffou n'ont pas été relévées sur le charriot poussé par "l'homme au chapeau". "Lorsque j'ai demandé au juge d'instruction si on avait pris des empreintes sur le charriot - puisqu'un des auteurs, qui n'avait pas de gant et avait donc des mains tout à fait nues, avait poussé le charriot qui a servi à transporter des explosifs –, le juge d'instruction m'a dit : "On a retrouvé le charriot"", explique l'avocat. "Mais il fallait immédiatement comparer les empreintes et l'ADN. Car s'il y a ses empreintes, cela voudra dire quelque chose. Et s'il n'y a pas son ADN, ce sera complètement à décharge." "Il était très sûr de lui", insiste Olivier Martins. "Il disait : "Maître, vous allez voir, qu'ils fassent les empreintes, on ne va pas retrouver d'empreintes, parce que je n'étais pas à l'aéroport. Qu'on fasse la comparaison des images de manière précise par rapport à mes traits caractéristiques, il n'y aura rien qui correspondra"".Il est trop petit pour être "l'homme au chapeau"
La morphologie de Fayçal Cheffou enfin ne correspond pas à celle de "l'homme au chapeau". "J'ai demandé au juge d'instruction à ce que l'on compare les tailles", raconte Me Martins. "Puisque je savais que M. El Bakraoui (l'un des kamikazes filmé aux côtés de "l'homme au chapeau" NDR), au milieu des trois, était quelqu'un de grande taille. Alors que l'homme au chapeau était à peu près de la même taille que M. El Bakraoui. Or, M. Cheffou mesure 1m66. Il est donc de petite taille, il est plutôt chétif. Le gabarit ne correspondait donc pas à M. Cheffou." Sur une photo anthropométrique d'Ibrahim El Bakraoui, prise par la police turque lors son arrestation à la frontière syrienne en juillet 2015, on voit effectivement que le terroriste mesurait entre 1m85 et 1m90.Âgé de 30 ans, Fayçal Cheffou se présente comme un journaliste indépendant. Ce Bruxellois avait attiré l'attention avec une vidéo militante en juillet 2014. Il y dénonçait le fait que des personnes en séjour illégal, placées en centre fermé, recevaient leur repas du soir avant la rupture du jeûne en période de ramadan En 2015, Cheffou avait été soupçonné par les autorités locales de tenter de recruter des candidats au jihad dans un parc de Bruxelles où s'étaient installés de nombreux réfugiés. "Ce personnage est venu agiter les réfugiés, s'est battu avec les représentants des ONG, Médecins du Monde, Samu social, la plateforme citoyenne qui était sur place, et à plusieurs reprises, j'ai demandé qu'on intervienne", a rappelé Yvan Mayeur, le bourgmestre socialiste de Bruxelles qui a regretté publiquement sa remise en liberté. "La frontière est ténue entre un radical agité et un radical recruteur, et probablement que le magistrat n'a pas voulu franchir la frontière", a-t-il déclaré ce mardi sur France Inter.
"Ce que je connais de ces éléments, c'est qu'il avait une association où il aidait des réfugiés syriensC", a répondu l'avocat de Fayçal Cheffou. "Après, était-ce en lien avec d'autres activités ? Je n'en sais rien. Mais, de toute façon, en soi, ce n'est pas un indice de culpabilité en soi. La personnalité d'une personne, qu'elle soit originale, ou contraire à ce que des personnes puissent penser, ce n'est heureusement pas un indice de culpabilité. Ça, le juge d'instruction ne l'a d'ailleurs même pas retenu en soi."