Le tribunal administratif de Lille "annule" les mises à pied temporaires de six surveillants pénitentiaires, sanctions prises par le ministère de la Justice après l'important mouvement de protestation de janvier 2018 et "entachées d'illégalité" , selon les jugements rendus.
En janvier 2018, un mouvement de protestation sans précédent depuis un quart de siècle, démarré après l'agression de trois surveillants par un détenu radicalisé, avait paralysé pendant près de trois semaines les prisons françaises.
Mais les agents pénitentiaires, dotés d'un "statut spécial" que leur confère leur "mission de service public", n'ont pas le droit de grève et doivent donc être en repos ou en congés pour manifester.
Après le mouvement de janvier 2018, quelque 2.000 d'entre eux avaient été sanctionnés par une retenue de salaire ou une procédure disciplinaire, selon des chiffres communiqués à l'époque par la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP).
Mises à pied
L'hiver dernier, six surveillants des prisons de Lille-Loos-Sequedin (Nord), Annoeullin (Nord) et Longuenesse (Pas-de-Calais), sanctionnés chacun de dix jours d'exclusion temporaire dont cinq jours fermes, via des arrêtés publiés en juillet 2018 par le ministère de la Justice, ont saisi le tribunal administratif de Lille pour demander une "annulation" de ces mises à pied.
Les agents soutenaient notamment que cette décision était "entachée d'un défaut de motivation" et d'un "vice de procédure" et qu'ils n'avaient "pas commis de faute", rappelant qu'ils étaient alors en arrêt de travail et n'avaient pas reçu de "contre-visite" médicale.
Anticonstitutionnel
Pour prendre son arrêté, le ministère s'était notamment appuyé sur une ordonnance du 6 août 1958 relative au statut des agents pénitentiaires selon laquelle "toute cessation concertée du service, tout acte collectif d'indiscipline caractérisée (...) est interdit. Ces faits, lorsqu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public, pourront être sanctionnés en dehors des garanties disciplinaires".
Mais le 10 mai 2019, le Conseil constitutionnel a "déclaré contraire à la Constitution la seconde phrase (...) au motif qu'en prévoyant que la sanction peut être prononcée +en dehors des garanties disciplinaires+, le législateur a méconnu le principe du contradictoire", argue le tribunal administratif.
Les sanctions prises à l'encontre de ces six agents sont donc "entachée(s) d'illégalité" et "annulées", tranchent les juges, "sans qu'il soit besoin d'examiner" les autres motifs invoqués par les agents pénitentiaires.