Le nouveau Premier ministre britannique Boris Johnson réunit ce jeudi les poids lourds de son gouvernement, fraîchement nommés, première étape de sa bataille pour résoudre la crise du Brexit qui dure depuis trois ans et qu'il promet de régler en trois mois.
Après sa première nuit à Downing Street, Boris Johnson réunit son premier conseil des ministres dans la matinée. Il s'est débarrassé d'une très large partie de l'équipe de Theresa May, opérant un virage à droite et nommant aux postes clés de fervents Brexiter comme Dominic Raab, 45 ans, qui a hérité de la diplomatie britannique, Priti Patel, 47 ans, nouvelle ministre de l'Intérieur, ou Jacob Rees-Mogg, 50 ans, chargé des relations avec le parlement.
"C'est la purge la plus brutale de l'histoire politique moderne", affirmait le quotidien conservateur Times. "Massacre ministériel", commentait le tabloïd Daily Mail. Ce gouvernement est "le plus à droite depuis les années 1980", soulignait de son côté le Daily Mirror (gauche). Parmi les ministres rescapés, Steve Barclay, un autre eurosceptique, reste aux manettes du Brexit et Matt Hancock à la Santé.
Fidèle à son style fougueux, Boris Johnson a promis de "sortir de l'UE le 31 octobre, sans conditions", lors de son premier discours devant Downing Street mercredi. Ce jeudi, en fin de matinée, il doit s'adresser pour la première fois aux députés britanniques avant la pause parlementaire estivale qui démarre dans la soirée et se prolonge jusqu'au 3 septembre.
Un Brexit avec ou sans accord
Le 31 octobre est la date butoir fixée après deux reports du Brexit, initialement prévu le 29 mars mais repoussé en raison du rejet par les députés de l'accord de divorce conclu par Theresa May avec Bruxelles. Se moquant des opposants au Brexit, qualifiés de "rabat-joie" et de "pessimistes", Boris Johnson a répété qu'il était prêt à une sortie sans accord, se montrant déterminé à répondre à la frustration des 52% de Britanniques qui ont voté pour le Brexit en juin 2016 mais n'ont rien vu venir.
Il assure qu'il peut obtenir un "meilleur accord" que celui négocié par Theresa May, sans la disposition controversée du "filet de sécurité", solution de dernier recours destinée à éviter le retour de contrôles à la frontière entre la province britannique d'Irlande du Nord et sa voisine la République d'Irlande après le Brexit.
Estimant que le nouveau dirigeant britannique "met la barre extrêmement haut", Anand Menon, professeur de politique européenne au King's College de Londres, juge "difficile de voir, cependant, comment il peut atteindre ses prétentions". "Et pratiquement impossible de voir comment il peut le faire dans les délais qu'il a fixés", ajoute-t-il dans une tribune au quotidien de gauche The Guardian.
Car l'échéance du Brexit est dans moins de 100 jours et Boris Johnson a exclu tout nouveau report. "Suggérer qu'il puisse y avoir un tout nouvel accord, négocié en quelques semaines ou mois n'est absolument pas réaliste", a réagi mercredi le Premier ministre irlandais Leo Varadkar, attendant de voir si Boris Johnson "peut fournir quelques détails derrière certains de ses slogans".
"J'ai hâte que l'on se rencontre afin de discuter - en détail - de notre coopération", a plus sobrement écrit Donald Tusk, qui chapeaute encore pour quelques mois le Conseil européen, l'institution regroupant les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, dans une courte missive adressée à Boris Johnson.
Les Britanniques divisés
Si Boris Johnson est très populaire parmi les membres du Parti conservateur qui l'ont élu à 66%, il divise dans l'opinion publique comme au sein de sa majorité. L'ex-ministre des Finances Philip Hammond, redevenu simple député, a promis d'empêcher un Brexit sans accord.
Jeremy Corbyn, le chef du Labour, principal parti d'opposition, a lui appelé à une manifestation ce jeudi soir pour demander la tenue d'élections législatives anticipées. Bien qu'il ne dispose que d'une majorité de deux voix au Parlement, grâce à l'appui des dix députés du petit parti unioniste nord-irlandais DUP, il est peu probable que Boris Johnson convoque ces élections.
John Curtice, professeur en politique à l'université de Strathclyde, estime que ce serait une "terrible erreur pour les Tories", dans une analyse publiée sur le site du quotidien conservateur The Telegraph. Les Tories atteignent à peine 25% des intentions de vote selon de récents sondages, souligne-t-il, rappelant qu'aux élections européennes, les électeurs ont plébiscité le Parti du Brexit de Nigel Farage, suivi des europhiles du Parti libéral-démocrate.