Les Hauts-de-France comptent plus de 150 sites classés Seveso. Des usines, des lieux de stockage qui ont modifié leurs protocoles de sécurité pour éviter une explosion comme sur le site AZF à Toulouse le 21 septembre 2001.
"Les sites sont très contrôlés. Nous avons plusieurs inspections tous les ans de la DREAL, où l'on doit présenter notre gestion de la sécurité." Selon Mélanie Da Silva Pinto, responsable qualité sécurité environnement à la Noriap, une coopérative agricole présente dans les Hauts-de-France et en Seine-maritime, la sécurité est prise très au sérieux dans son entreprise.
Des plans pour coordonner les entreprises
"Nous avons un système de monitoring automatique pour un contrôle en permanence. Dès qu'il y a une défaillance, le système nous alerte. Une fois par an, nous avons une formation au déclenchement du PPI, le plan particulier d'intervention, commun à tous les sites Seveso de la zone industrielle nord d'Amiens. Cela permet de nous coordonner. Nous avons également des audits mensuels et trimestriels et nous sensibilisons chaque nouveau salarié à son arrivée."
Le magasin central de la Noriap à Amiens, où sont stockés des produits phytosanitaires, est classé Seveso seuil haut et PPRT. Les Hauts-de-France comptent 154 sites classés Seveso, répertoriés en quatre catégories : seuil bas, seuil bas et PPRT, seuil haut, seuil haut et PPRT. Ce sont des sites industriels présentant des risques d'accidents majeurs :
L'héritage d'AZF
Le sigle PPRT signifie "plan de prévention des risques technologiques". C'est un héritage de la catastrophe d'AZF, l'explosion, le 21 septembre 2001, d'une usine chimique toulousaine, dont un hangar contenait des nitrates déclassés.
Institué par la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, dite AZF, le plan de prévention des risques technologiques doit résoudre les situations délicates en matière d'urbanisme héritées du passé (usines englobées dans le tissu urbain) et mieux encadrer ou limiter l'urbanisation et la périurbanisation future.
On essaie toujours d'analyser les retours d'expérience des accidents.
Le PPRT est un exemple de l'évolution des procédures et des législations suite à des événements. Si Mélanie Da Silva Pinto ne travaillait pas encore en 2001, elle peut en revanche témoigner des conséquences de l'incendie, le 26 septembre 2019, dans l'usine Lubrizol de Rouen qui avait généré un panache de fumée toxique : "On essaie toujours d'analyser les retours d'expérience des accidents comme celui de Lubrizol. Il s'est passé la nuit, donc on prend en compte cette contrainte pour vérifier que notre schéma d'alerte puisse y répondre. Est-ce qu'on serait aussi réactifs de nuit, pendant le week-end ?"
Un test du PPI de la zone industrielle nord par la préfecture de la Somme est d'ailleurs prévu dans les prochains mois et devrait justement avoir lieu un jour non ouvré.
Les sites classés Seveso ne sont pas les seuls à risque. Les ICPE, installations classées pour la protection de l'environnement, peuvent présenter des dangers ou des inconvénients pour les riverains. Des sites de stockage de grain de la Noriap relèvent de cette classification : "Le grain peut exploser", rappelle Mélanie Da Silva Pinto.
Des rejets de matières dangereuses dans 7 accidents sur 10
Entre les ICPE et les sites classés Seveso, les risques d'accidents sont importants. Dans son inventaire des incidents et accidents technologiques survenus en 2020, le ministère de la Transition analyse 1 417 événements technologiques survenus en France au 1er avril 2021, tous domaines d’activité confondus.
Si les conséquences humaines étaient en recul pour cette année 2020, il n’en est pas de même pour les conséquences environnementales puisque celles-ci se sont révélées en augmentation. Le taux des accidents ayant entraîné des rejets dans les milieux et des pollutions s’élève à 59 % alors qu’il ne représentait que 47 % en moyenne sur ces dix dernières années.
En 2020, les rejets de matières dangereuses ont concerné 68 % des accidents alors qu’ils ne représentaient en moyenne que 45 % des phénomènes rencontrés dans les accidents survenus entre 2010 et 2019.
Une sucrerie de Tereos en "vigilance renforcée"
L'un de ces accidents mis en avant dans le rapport est la rupture d'une digue de l'usine Tereos d'Escaudoeuvres dans le Nord dans la nuit du 9 au 10 avril 2020, qui a entraîné le déversement d'eaux suspectées d'avoir asphyxié des milliers de poissons dans l'Escaut. Cette rivière traverse la France, la Belgique et les Pays-Bas.
Suite à cet événement, le ministère de la Transition a placé la sucrerie d'Escaudœuvres en "vigilance renforcée".
Mais pour certains observateurs pourtant, il reste beaucoup à faire. C'est le cas de Paul Poulain. Invité mardi 21 septembre de la matinale de FranceInfo, ce spécialiste des accidents industriels, auteur du livre Tout peut exploser (Fayard, 2021) estime à 187 le nombre d'incidents industriels quotidiens en France et déplore que le nombre des contrôles sur les installations classées ait fortement baissé ces 10 dernières années.