Le seul survivant de l'assaut donné par la police en janvier 2015 contre une cellule jihadiste à Verviers (Belgique), Marouane El Bali, a reconnu jeudi, pour la première fois, avoir convoyé d'Allemagne et de France les deux hommes tués dans l'opération.
L'homme de 27 ans originaire de la commune bruxelloise de Molenbeek, qui porte de longs cheveux noirs tirés vers l'arrière, avait été interpellé le 15 janvier 2015 au cours d'un spectaculaire raid policier dans une maison du centre de Verviers, non loin de la frontière allemande. Les deux autres occupants de la maison, Soufiane Amghar et Khalid Ben Larbi, avaient été tués après avoir ouvert le feu à l'arme automatique sur les policiers belges, appuyés par le GIGN français.
Marouane El Bali affirmait depuis son arrestation, et encore en début d'audience jeudi devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, où il est jugé avec 15 autres prévenus (dont neuf par contumace) pour avoir été l'un des "dirigeants d'une organisation terroriste", qu'il n'avait été en contact avec les autres protagonistes de l'affaire qu'à partir du 14 janvier 2015, soit la veille de l'opération de police. Interrogé en détail pour la première fois depuis l'ouverture lundi du procès, qui doit durer jusqu'à la fin mai, Marouane El Bali s'est d'abord enfermé dans des déclarations en contradiction avec les éléments collectés via des écoutes téléphoniques ou des observations de la police.
Voyages en Allemagne et en France
Avant de déclarer, après avoir consulté son avocat, qu'il allait "prendre (ses) responsabilités". "Je ne prétends plus que je n'étais pas présent lorsque nous sommes allés chercher Amghar" le 2 janvier 2015 dans la ville allemande d'Aix-la-Chapelle, à une quarantaine de kilomètres de Verviers, a-t-il lâché. "Mais je n'ai pas fait plus", a assuré Marouane El Bali. Après avoir nié s'être également rendu dans la région lilloise pour récupérer dans la foulée Khalid Ben Larbi, il est finalement revenu sur ses déclarations : "Ben Larbi, j'ai aussi été le chercher", a-t-il avoué au moment où le président du tribunal s'apprêtait à lever la séance.Au cours de son interrogatoire, cet ancien agent de sécurité au chômage, qui avait travaillé notamment à Verviers, a expliqué avoir été un "ami proche" de Soufiane Amghar, originaire comme lui de Molenbeek, et être "le meilleur ami" de Souhaib El Abdi, qui a reconnu au début du procès avoir été le "faussaire" chargé de fabriquer des faux papiers.
L'ombre d'Abaaoud
La bande, qui avait choisi Verviers en tant que base arrière mais dont plusieurs membres étaient originaires de Molenbeek, était dirigée de Turquie puis de Grèce par Abdelhamid Abaaoud, l'homme qui, après la neutralisation de cette cellule, coordonnera quelques mois plus tard les attaques qui feront 130 morts le 13 novembre à Paris. Reclus à Verviers avec Khalid Ben Larbi, Soufiane Amghar, qui était en contact téléphonique avec Abdelhamid Abaaoud, avait réclamé à son ami Marouane El Bali "une arme, une voiture, une carte d'identité pour Abaaoud" ou encore de trouver une nouvelle cachette. "Mais je n'ai pas amené d'arme. Je disais que je m'en occupais, mais je les baratinais. Amghar, je le connaissais comme braqueur, je ne savais pas ce qu'il avait en tête", a-t-il affirmé.Interrogé mardi, Mohamed Arshad avait avoué avoir joué pendant deux mois le rôle de logisticien du groupe. Mais, repéré par la police, il était en passe, d'après les écoutes, d'être remplacé dans cette fonction par un mystérieux personnage uniquement connu sous le pseudonyme de "Gros". S'agissait-il de Marouane El Bali ? "Je ne peux pas dire que c'est moi Gros", a-t-il simplement répondu au tribunal.