Le 17 novembre, un mouvement de protestation, les "gilets jaunes" contre la hausse annoncée des prix des carburants a prévu de bloquer les principaux axes routiers de France. Une action également organisée dans les Hauts-de-France. Mais certains ont décidé de ne pas répondre à cet appel au blocage.
L'opération a été lancée il y a déjà plusieurs semaines sur les réseaux sociaux. Et elle remporte un large succès : de plus en plus de Français, d'habitants des Hauts-de-France, ont décidé de bloquer les principaux axes routiers du pays et de la région le 17 novembre.
Certains pourtant résistent à cet appel.
Lola est étudiante en alternance à Amiens. Elle a 22 ans. Le 17 novembre, elle ne rejoindra pas le mouvement des "gilets jaunes". Elle estime qu'il faut se battre pour des intérêts collectifs. Il y a plus urgent pour cette jeune fille blonde aux grands yeux bleus : "l'écologie, la place des animaux dans notre société, le réchauffement climatique". Un avis qu'elle a du mal à faire comprendre : elle a posté sur sa page Facebook un message expliquant sa position et elle a reçu beaucoup de réponses négatives.
Fabrice Griveaud est artisan taxi à Montataire dans l'Oise. Il comprend le mécontentement de ceux qui bloqueront les routes. Mais, même s'il parcourt presque 50.000 km chaque année, il ne manifestera pas non plus le 17 novembre : "Pourquoi ? Et bien justement parce que c'est ma propre société et je ne pourrai pas dire à mes clients, ce jour là +désolé je fais la grève+. Et bien non ! je dois respecter mes contrats et faire du chiffre. D'un côté, mes charges ont baissé mais de l'autre le gasoil, a un peu augmenté. (...) Bien sûr, respectons l'opinion de chacun, échangeons sur le bon et le mauvais de cette politique. Il n'y a que comme cela que nous trouverons des solutions. Pour les taxes sur les carburants, je trouve anormal que 7 milliards d'euros seulement soient reversés pour la recherche, l'écologie ou le développement des nouvelles technologies alors que le total de ces taxes représentent 37 milliards d'euros. Donc oui il faut changer des choses mais pas en bloquant des routes, des gens vont travailler, des gens fatigués aussi et qui veulent rejoindre leur famille, leurs enfants."
Plusieurs internautes ont également émis un avis identique sur la page Facebook de France 3 Picardie lors de l'appel à témoin lancé par la rédaction :
Johann, lui, est presque ironique lorsqu'on lui demande s'il ira bloquer les routes le 17 novembre : "je serai au contraire en boutique et aux pompes pour faire le plus de tva possible... Pour faire avancer le pays. Cette mesure est bonne pour l'environnement."
Florence n'ira pas manifester le 17 novembre. Et quand elle explique pourquoi, on entend l'exaspération : "non seulement l'état assume et s'en fout royalement, mais les moutons iront brouter dans les centres commerciaux la veille ou le lendemain, pour remplir leurs caddies jusqu à la gueule et faire le plein, sans se poser la question du travail du dimanche... Ils se précipiteront au Black Friday le 23 ou bien sur Amazon, le nouvel esclavagiste ouvert 24h/24 et ce, sans la moindre mauvaise conscience. Noël et les fêtes approchent et leur CB ne chaufferont finalement qu'avec quelques jours de retard...
On touche aux acquis sociaux, à la SECU, à l'hôpital, on dérembourse les soins et les médicaments. On dézingue le code du travail, on traque les lanceurs d'alerte, on facilite les licenciements, on banalise le travail du dimanche, on jalonne d'embûches le parcours de Prud'hommes. On sucre les allocations pour les plus faibles, on attaque les retraités, on accuse ces "salauds" de pauvres, ces "profiteurs" de chômeurs et ces "crevards" de migrants qui osent venir se noyer chez nous, pendant que chaque année on laisse gentiment filer 60 milliards d'euros de fraude fiscale.On dégomme toutes nos institutions et nos valeurs, l'école, l'université, la laïcité, la culture. Partout, en Europe et dans le monde, on assiste à la montée du nazisme, des nationalismes, de l'intégrisme religieux, des barbus et des barbouzes, de la xénophobie, par grandes vagues brunes nauséabondes. Les scientifiques du monde entier appellent désespérément à un sursaut face aux enjeux monstrueux qui nous attendent : réchauffement climatique, 6ème extinction de masse amorcée, déforestation démesurée, disparition en 30 ans de 70% du vivant ! perte de 60% des espèces sauvages en 40 ans, 70% des insectes volants, 30% des oiseaux, surexploitation et épuisement des ressources, pollution de l'air, des océans, des sols, déferlement de plastique, etc... Et les français ne bougent pas.
Mais collez-leur une coupe du monde de foot avec 22 débiles qui courent derrière un ballon, réduisez leur vitesse à 80 km/h sur les axes secondaires et touchez à leur bagnole et les voilà qui sortent par millions et veulent faire, le temps d'une journée, leur révolution ?!
Plutôt que de faire une journée de blocage, qui de toute façon ne servira à rien, si ce n'est à emmerder les travailleurs qui vont bosser, modifiez en profondeur votre mode de vie et votre façon de consommer. Faites un vrai boycott citoyen PERMANENT ET DÉFINITIF de toutes ces marques pourries jusqu à la moëlle dont vous êtes tous friands.
Ce n'est pas en faisant UNE journée de blocage pour revenir ensuite à son train-train pépouze qu'on pourra faire bouger les lignes, mais en agissant chaque jour par petits pas silencieux. Mais pour cela, il faudrait sortir de notre petit individualisme de merde et regarder ailleurs, autour de son nombril !"
Charlotte est intérimaire et mère au foyer dans l'Aisne. Elle utilise tous les jours sa voiture. Augmenter les taxes sur les carburants n'est pas une bonne mesure mais selon elle, "Ce n'est pas ça qui fera bouger les choses. À mon avis, rien ne fera bouger les choses. Si les gens veulent manifester, qu'ils le fassent mais moi, je ne bloquerai rien".
Mehdi vit à Amiens. Apprenti commercial, ce jeune homme de 22 ans n'ira pas manifester le 17 novembre. ce qui le gêne, c'est la violence affichée vis-à-vis du Président de la République : "je ne cautionne pas ce mouvement qui a été récupéré politiquement et ça ne me plaît pas. Et les gens mélangent tout. Tout et n'importe quoi devient la faute du gouvernement. Quand j'ai eu mon permis en 2015, l'essence, je me souviens, était à 1 euro 50. Aujourd'hui, il est à moins d'1 euro 50. En plus, ils ont été élus pour un programme qu'ils appliquent. Donc, je ne vois pas pourquoi j'irai manifester pour des choses qui sont prévues. Je ne dirai pas que c'est une bonne mesure. Moi, j'ai toujours eu une voiture essence et j'ai toujours connu des prix hauts. Ce sont les gens qui mettent du diesel qui sont le plus embêtés. La question est de savoir ce qu'on va faire de l'argent que cette augmentation va ramener. Si ça peut permettre aux gens d'acheter des véhicules moins polluants, pourquoi pas. Mais il faut que ça aille dans ce sens là.".