Coronavirus : "Aujourd’hui, j’ai classe virtuelle", comment parents, élèves et instits abordent l'école à distance ?

S’il n’existe aucun dispositif officiel unique d’enseignement à distance, les enseignants font preuve d’imagination. Blogs de classes, Snapchat ou encore plates-formes dédiées permettent de maintenir une continuité pédagogique et de garder le lien avec les élèves confinés.

Rose, 8 ans, a mis sa jolie robe et s’est coiffée, "comme si j’allais à l’école pour de vrai." À 10h50, son cartable bien en évidence, elle s’installe devant l’ordinateur, clique sur le lien envoyé par mail par sa maîtresse de CE1, et se retrouve sur la page d’accueil de Blackboard Collaborate, une plateforme de conférence web, facile et plutôt rapide d’accès.

C’est la deuxième fois depuis le début du confinement qu’elle assiste à une classe virtuelle. "C’est quelque chose qui nous avait été proposé dès le début du confinement par l’inspection. Au début, je ne pensais pas le faire, je n’étais pas sûre que les enfants disposent du matériel nécessaire, explique Florine, l’institutrice. C’est vrai qu’au dernier cours, je n’avais que 16 élèves sur 25. Et on ne peut pas se dire : tant pis pour les autres ! Mais le premier objectif, c’est de recentrer les élèves. On n’est pas en vacances."
 

"Vous aurez besoin de vos ardoises !"


Comme en classe, on commence par l’appel. Bonne nouvelle : les micros semblent fonctionner. Et déjà les questions fusent : "Vous pensez qu’on va reprendre l’école avant septembre, maîtresse ?", "Elle est où l’image du bonhomme vert où il faut cliquer ?"

Florine recadre : "Bon, on va essayer de faire un petit peu classe quand même. Vous aurez besoin de vos ardoises, on va travailler les additions". Comment décomposer un nombre ? Les unités, les dizaines, les centaines… Les exercices s’enchaînent, les parents en embuscade. Tout d’un coup, on n’entend plus rien. Rose s’impatiente : "Je clique, mais elle ne me donne jamais la parole !"

 

"La technologie a ses limites"


L’enseignante se déconnecte, se reconnecte. Déjà 25 minutes qu’enfants et parents sont installés devant l’écran. Toujours rien. La plateforme est surchargée, d’autres ont eu la même idée. "La technologie a ses limites", admet l’institutrice, "mais ça permet d’aborder des points déjà vus en classe. Et c’est plus facile d’expliquer, j’ai un retour immédiat des élèves."

Le bug informatique permet au moins un moment d’échange entre les camarades, émojis à l’appui. "Tu vas bien ?", "Coucou les amis, vous me manquez." Et entre parents ! "Et vous, vous tenez le coup, les parents ?" "Oui. On jongle entre télétravail, école maternelle et école primaire." Comme un besoin de soutien réciproque.

Le cours reprend. On fait un jeu avant de se quitter et surtout l’enseignante active les caméras, le moment le plus attendu de la séance. Prochain rendez-vous : lundi prochain à 15 heures.
 


 

Inégalité scolaire ?


Certains professeurs alertent sur l’enseignement à distance, craignant que cela accentue l’inégalité scolaire en fonction de  l’origine sociale des élèves. Et que ça mette trop de pression sur les parents. Les outils ministériels, le dispositif prévu par le CNED (le centre national d’enseignement à distance), viennent en effet se heurter à la fracture sociale et numérique.

Dans cette classe d’un quartier plutôt populaire de La Madeleine, près de Lille, ce matin,  22 élèves sur 25 étaient connectés. Certains via leur smartphone ou leur tablette.

"Une fois par semaine, j’échange avec mes collègues de La Madeleine. C’est à chaque enseignant de décider... Le problème se pose quand même pour certaines classes. On a des familles sans internet, sans ordinateur. L’intérêt de cette plateforme c’est qu’elle fonctionne aussi avec téléphones et tablettes."

 

"On est tous dans le même bateau"


"J’essaye de limiter le travail à la maison. C’était peut-être un peu trop au début… Chaque situation familiale est différente et les parents ne sont pas enseignants. Parfois, les deux parents travaillent encore, certains sont soignants ; d’autres télé-travaillent, ont plusieurs enfants à la maison…

"J’ai senti que les parents se mettaient beaucoup la pression
", ajoute-t-elle. "Ce n’est pas grave. On est tous dans le même bateau ! Ce qui compte, c’est que les enfants continuent de travailler, à leur rythme. Il faut aussi, je pense, profiter de ces moments en famille."

 

Garder le lien


L’enseignante fait également le tour des parents par téléphone pour savoir comment se passe le confinement pour chacun de ses élèves. Quotidiennement, elle leur demande de décrire leur "humeur du jour". Une manière parfois pour les parents de comprendre ce que ressentent leurs enfants, soumis à cet enfermement. "Ça m’a rendu joyeuse de voir mes amis. J’ai failli pleurer", écrit Rose.

"Le retour des parents est très positif. Il n’y a pas que l’aspect pédagogique. Les enfants sont contents de se voir, ils attendent tous le moment où j’autorise enfin les caméras ! J’ai vu à quel point ils étaient heureux. C’est une pause dans leur semaine de confinement même si ça ne dure que 45 minutes."

Pour l’institutrice aussi, ce rendez-vous est devenu essentiel : "C’est mon petit plaisir dans la semaine !  Ça ne remplace pas une classe, mais au moins on a un lien direct. C’est cohérent avec les devoirs envoyés par mail." Tous les moyens sont bons pour garder le lien. "Ça fait deux semaines que je travaille à distance. Physiquement, on n’a aucun de retour. C’est ce qui me manque le plus. Le télétravail, ce n’est pas pour moi. Le contact, c’est ce qui fait la vraie nature du métier. J’ai hâte de tous les revoir. En vrai !"
 
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