Coronavirus - Déconfinement : le "rouge" des 5 départements des Hauts-de-France est-il logique ?

Le classement en rouge des 5 départements des Hauts-de-France a surpris de nombreux soignants ou élus. Est-il logique ?

Cinq départements en rouge. Pour le 2ème jour consécutif, les cinq départements des Hauts-de-France sont en rouge sur la carte publiée par le Ministère de la Santé en vue du déconfinement. 

Dès ce jeudi soir, la carte dévoilée par Olivier Véran avait surpris, notamment certains soignants qui estimaient au vu de nombreux indicateurs, que l'épidémie était en grande partie maîtrisée dans la région. Mais les indicateurs choisis par le gouvernement n'ont pas permis d'arriver à la même conclusion. Selon nos informations, l'Agence Régionale de Santé (ARS Hauts-de-France) avait pourtant recommandé de placer les 5 départements en vert avec une vigilance plus particulière pour l'Oise. Avis non suivi. 

"C'est normal qu'il y ait un décalage entre les recommandations sanitaires et les décisions politiques mais là on l'impression que ça décrédibilise un peu le travail qui a été fait dans les Hauts-de-France pour maîtriser l'épidémie, explique une source proche de l'ARS. Les soignants essaient d'être rassurants et là on nous dit "Vous êtes en rouge". Ce code couleur est assez violent, hyper éloigné de la réalité locale."
 


La déception a donc été réelle à la découverte de la carte officielle dévoilée par Olivier Véran, ministre de la Santé. "On demande beaucoup de choses aux gens. On leur doit cette transparence. On pensait que c'était le moment de dire que les efforts ont payé tout en appelant à ne pas se relâcher".

Pour de nombreux soignants, le constat est clair :  le mouvement national principal du virus est allé du Grand est vers la région parisienne sans faire de détour par le nord de la France. "Dans le Nord, la situation n'a jamais été grave. Dans le Pas-de-Calais, il n'y a pratiquement rien. 
Les Hauts-de-France sont plutôt épargnés (...) La décision est politique et non sanitaire
", résume le professeur Philippe Froguel, généticien et endocrinologue au CHU de Lille. 
 
Même les élus se sont montrés surpris par cette carte : "Cette décision ne doit pas nous décourager. C’est un instantané qui nous oblige à redoubler d’efforts, à ne rien lâcher", écrit Jean-Claude Leroy, président du Conseil départemental du Pas-de-Calais.

L'explication est peut-être politique (encourager à maintenir la vigilance jusqu'à la fin du confinement ?) ou stratégique (annoncer le pire maintenant pour revenir au vert la semaine prochaine ?) mais elle est aussi statistique. Les chiffres retenus pour établir les cartes sont effectivement défavorables aux 5 départements des Hauts-de-France.
 

Critère N°1 : La circulation active du virus

 

Si on observe dans le détail les critères, les questions ne manquent pas. Sur le 1er "Circulation active du virus", un seul département des Hauts-de-France a été classé en rouge (jeudi) puis en orange (vendredi) : l'Aisne. Un autre a été classé en vert (jeudi) puis en orange (vendredi) : l'Oise.

C'est la part des passages aux urgences qui concernent des suspicions de Covid-19 (confirmées ou non) sur les sept derniers jours. Au-dessus de 10%, un département est rouge, entre 6 et 10% en orange. Les chiffres pris en compte sont ceux des 7 derniers jours. Il n'est pas question ici d'une prise en compte de l'évolution de l'épidémie depuis deux mois mais bien de faire une photographie à un jour J. Le taux de passages aux urgences liés au Covid-19 est un indicateur "bien connu, maîtrisé, fiable, robuste, extrêmement sensible" de la circulation du virus, assurait Olivier Véran jeudi soir. 
 

Nous avons notamment comparé sur le graphique ci-dessus trois départements à la population à pu près similaire (entre 500 et 600 000 habitants). On observe que le nombre de patients passés aux urgences pour Covid-19 est supérieur dans l'Aisne par rapport à la Sarthe et aux Côtes d'Armor mais la différence est faible entre le rouge et le orange. A suivre dans les prochains jours. L'Aisne pourrait revenir dans le vert. Et l'Oise également.

 

Critère n°2 : la tension hospitalière

 
2ème critère ayant fait l'objet d'une carte : la tension hospitalière. Les départements en rouge sont ceux dans lesquels la part des lits en réanimation habituellement ouverts qui sont aujourd'hui occupés par des malades du Covid-19 sont supérieurs à 80%. Plus exactement, c'est la situation de l'ensemble de la région qui est prise en compte.

Les chiffres du nombre de personnes en réanimation dans les Hauts-de-France entre le 24 et le 30 avril : 408, 389, 390, 391, 390, 367, 360. Des chiffres à comparer à la capacité en lits de réanimation dans la région : 438. En pourcentage, ces 7 derniers jours, cela a donc oscillé entre 93% et 82%, soit juste au-dessus des 80%. D'où le classement en rouge. Mais vu la courbe actuelle, on peut facilement imaginer que l'on va tendre vers les 70-60% dans les jours qui viennent. 
 

Mais ce classement pose tout de même question car il ne tient pas compte de l'évolution forte du nombre de lits en réanimation grâce à la souplesse et la régorganisation de nombreux centres hospitaliers. Les hôpitaux des Hauts-de-France comptent actuellement bien plus que 438 lits en réanimation. Le CHU de Lille a par exemple plus que doublé sa capacité. Au maximum, les Hauts-de-France ont compté, le 7 avril, 583 personnes en réanimation. Aucun service n'a été saturé et des patients d'autres départements ont parfois été soignés dans le Nord. 
 

Critère N°3 : la capacité à tester la population massivement


Le premier ministre avait indiqué que ce 3ème critère serait également analysé. Finalement, il n'en a rien été. Pas de 3ème carte. Seuls les deux premiers critères ont servi à réaliser la synthèse. Un rouge dans une des deux cartes a placé automatiquement en rouge la département. 

Sur ce critère des tests, la région Hauts-de-France se dit prête. Hôpitaux, labos privés, drives... De nombreuses initiatives ont été prises ces dernières semaines. Le nombre de tests quotidiens augmente même si sur ce point, la transparence n'est pas parfaite.
 
 
En rouge ou en vert : qu'est-ce que ça change ?
L'enjeu est important pour les départements. La décision qui sera prise le 7 mai (c'est à cette date que la couleur rouge ou verte sera figée). Dans les départements en rouge, le déconfinement devra "prendre une forme plus stricte", a prévenu Edouard Philippe mais il n'a pas détaillé les restrictions éventuelles ou simplement lancé quelques pistes : les parcs et jardins ne pourront par exemple rouvrir que "dans les départements où le virus ne circule pas de façon active". 

Dans les départements en vert, les parents pourront, s'ils le souhaitent, renvoyer les bébés en crèches (par groupes de dix maximum) et les enfants en maternelle et à l'école primaire dès le 11 mai. Mais ce n'est qu'à partir du 18 mai, que la réouverture des collèges sera envisagée, en commençant par les 6e et 5e. La suite ne pourra être considérée que fin mai notamment pour les lycées.

 En revanche, tous les marchés alimentaires et les commerces pourront rouvrir leurs portes, à l'exception des cafés, bars et restaurants dont le sort sera revu fin mai pour éventuelle réouverture le 2 juin. 

Le Premier ministre a aussi annoncé mardi qu'il serait possible de circuler sans attestation à partir du 11 mai, sauf "pour les déplacements à plus de 100 km du domicile, qui ne seront possibles que pour un motif impérieux, familial ou professionnel".
 
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