Coronavirus : une dizaine de tournages de films ou séries stoppés dans les Hauts-de-France, les producteurs dans le flou

L'épidémie de coronavirus a provoqué dans les Hauts-de-France l'arrêt brutal d'une dizaine de productions de films, téléfilms ou séries, parmi lesquelles la nouvelle saison des "Petits Meurtres d'Agatha Christie". Les producteurs, en proie à de gros soucis d'assurance, restent dans le flou. 

C'est une missive qui résonne comme un cri de détresse. "Monsieur le Président, cet oubli de l’art et de la culture, réparez-le !", demandent ce jeudi matin de nombreuses personnalités du cinéma, de la musique, du théâtre et du spectacle vivant dans une tribune adressée à Emmanuel Macron, parue dans le journal Le Monde. Parmi les signataires, on retrouve notamment Jean Dujardin, Catherine Deneuve, Omar Sy, Patrick Bruel, Guillaume Canet, Benjamin Biolay, Luc Besson, Jeanne Balibar, Fanny Ardant, Isabelle Adjani, Jacques Weber, Juliette Binoche ou encore Corinne Masiero.  

"Le secteur fait vivre 1,3 million de personnes. Il aide aujourd’hui à tenir ceux qui sont en troisième ligne et qui regardent les œuvres de tous styles et en tous genres, que nous avons fabriquées, accrochées, enregistrées, celles aussi que nous mettons en ligne, même confinés, grâce aux savoir-faire que nous avons acquis", peut-on lire. "(...)Personne ne sait quand les théâtres, les salles de concert, les grands musées, les cinémas rouvriront (janvier ?) ni quand les tournages ou les répétitions reprendront (juillet ? octobre ? décembre ?). Et si un retour complet à la normale n’était qu’à l’automne 2021 ? Mais les emplois concernés ne peuvent pas se permettre ces devinettes".
 
Dans les Hauts-de-France, l'agence Pictanovo, qui accompagne la production audiovisuelle et cinématographique, est le témoin de cette crise sans précédent. "Tout est mis en stand-by", déplore Godefroy Vujicic, son directeur général. "L'activité de Pictanovo est maintenue pour rester aux côtés de l'écosystème, pour être prêt à travailler afin qu'il puisse repartir. L'arrêt des activités a été très brutal. Personne ne s’attendait à un confinement strict comme celui que nous vivons".
 

La nouvelle saison des "Petits Meurtres d'Agatha Christie" en suspens


En temps normal, Pictanovo soutient plus de 200 œuvres par an, exclusivement en coproduction, tous genres confondus (cinéma et fiction TV, documentaire, court métrage, animation, jeux vidéo, nouveaux médias, production associative et un fonds dédié à l’écriture et au développement). Cela représente en une année 600 jours de tournage dans la région et cela fait travailler plus de 500 techniciens, comédiens et figurants. 
 

En raison du confinement, onze productions soutenues en cours de tournage - ou dont le tournage devait prochainement débuter - ont dû être subitement stoppées à la mi-mars :
  • trois long-métrages ("Un Hiver en Eté" de Laetitia Masson à Fort-Mahon-Plage, "Le Soleil de trop près" de Brieuc Carnaille à Lille et Roubaix et "Adieu Monsieur Haffmann" de Fred Cavayé à Compiègne)
  • quatre séries télévisées ("Les Petits Meurtres d'Agatha Christie" à Lens, "Germinal" à Wallers-Arenberg, "Les Aventures du Jeune Voltaire" au château de Chantilly et "Police de Caractère", toutes pour France Télévisions)
  • deux téléfilms ("La Petite Femelle" à Dunkerque pour France 3 et "La Bonne Conduite" dans la métropole lilloise pour Arte).  
 

"C'est un gros souci pour les producteurs car les assurances ne fonctionnent pas par rapport au Covid-19", explique Godefroy Vujicic. Et rien ne permet de dire à ce jour quand et comment ces productions pourront reprendre.
 
"Il y a le problème de la disponibilité des comédiens, il y aura aussi des problèmes de raccord au montage : quand on tourne en février-mars et qu'on doit reprendre en septembre-octobre, ce ne sont pas tout à fait les mêmes paysages".
 

Une équipe de dix personnes maximum, pour un court métrage, ça peut passer, pour le reste c'est compliqué.


Sans oublier les règles de distanciation sociale qui limitent encore pour un certain temps les rassemblements et donc les concentrations trop importantes de techniciens et de figurants sur un même plateau. "Une équipe de dix personnes maximum, pour un court métrage, ça peut passer, pour le reste c'est compliqué", note le directeur général de Pictanovo.

Le tournage de la nouvelle saison des "Petits Meurtres d'Agatha Christie" devait débuter le 16 mars, dans un bâtiment du Centre hospitalier de Lens (Pas-de-Calais). Chaque épisode coûte 2 millions d'euros. Avec la suspension du tournage liée au confinement, c'est toute cette troisième saison qui est compromise.
   
"Il va falloir qu'on refasse toute une préparation parce qu'on n'est pas sûr d'avoir tous les comédiens disponibles par rapport au plan de travail qu'on avait établi", explique Laurent Chiomento, directeur de production de cette populaire série policière. "On n'est pas sûr d'avoir les techniciens, ni surtout les autorisations de tournage, sachant qu'on avait notamment des décors qui étaient en vente, des appartements... et je ne suis pas sûr aujourd'hui que tous ces décors soient disponibles"
 

Des producteurs ont déjà adressé plusieurs courriers au ministère de la Culture et à celui des Finances, "surtout sur cette question d'assurance, pour que les assurances puissent participer", insiste Godefroy Vujicic.
 

Xavier Bertrand, plaide pour "un plan culturel d'urgence"


Pictanovo, de son côté, dit mettre tout en oeuvre, à son niveau, pour les aider. "On a maintenu tous les comités de lecture (de scénarios), on a simplifié les règlements d’appels de fonds pour soulager la trésorerie. 500 000 euros d’appels de fonds ont été versés depuis trois semaines", énumère le directeur général. "On essaie de poursuivre au maximum, dans une forme de normalité, nos activités pour ne générer aucun préjudice aux bénéficiaires".

Dans cette période de confinement, seuls les studios d'animation ont pu continuer à travailler à peu près normalement, grâce au télétravail. "L'activité a été un tout petit peu freinée les dix premiers jours le temps, le temps que les studios s'organisent, mais il y a un continuité de production", note Godefroy Vujicic.

Dans une tribune publiée ce jeudi dans Le Point, le président (DVD) de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, plaide pour "un plan culturel d'urgence". Il demande notamment au gouvernement d'"imposer des obligations d'investissements aux plateformes sur Internet comme Netflix, Amazon Prime ou Disney et à modifier, enfin, la chronologie des médias (le temps légal autorisé entre une diffusion d'un film en salle et sa diffusion dans le commerce en DVD/BluRay/VOD puis sa diffusion sur les chaînes TV NDR)".
 
"Nos producteurs audiovisuels et de cinéma ont un besoin urgent de ces investissements pour continuer à travailler !", appuie Xavier Bertrand. "Notre Histoire, notre patrimoine ne sont pas moins passionnants que ceux du Wessex ou de Westeros, et peuvent alimenter, à eux seuls, des dizaines de séries ! Quant à notre littérature, elle ouvre à la création des horizons presque infinis. Il est donc urgent de définir clairement les nouvelles règles sanitaires permettant la reprise des tournages".

La région Hauts-de-France (avec le Centre national du cinéma et de l'image animée) contribue aux 8,8 millions de budget annuel d'investissement de Pictanovo. Selon l'agence, les productions ainsi soutenues ont généré en 2018 22,7 millions d'euros de retombées économiques pour le territoire. Des retombées elles aussi en suspens pour le moment...


 
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