Coronavirus. "Maintenant, il faut que l'on reprenne" : les hôpitaux privés appellent à la reprise des soins

Les établissements hospitaliers privés se sont réorganisés, parfois en vain, pour accueillir des patients atteints par le Covid-19. Réquisitionnés, puis laissés sans activité, ils veulent aujourd'hui reprendre le travail. A quelques jours du déconfinement, ils tirent la sonnette d'alarme. 

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Dans la crise sanitaire actuelle, la collaboration entre les hôpitaux publics et privés n’a pas été tout de suite opérationnelle et surtout utilisée comme renfort dans les soins aux malades du Covid-19. Les établissements hospitaliers privés souhaitent, à la veille du déconfinement, reprendre leurs activités de soins rapidement et font part de quelques enseignements de la crise sanitaire.
 

Collaboration lente voire inexistante


Nous avons beaucoup attendu, maintenant ça suffit, il faut vraiment que l'on reprenne! "  Le docteur Jean-Marc Catesson, président de la fédération de l'hospitalisation privée (FHP) Hauts de France, trépigne. Et derrière lui, c'est tout un secteur qui ronge son frein. Contrairement à ce qu'on pensait, la vague de patients atteints par le virus n'a pas été le tsunami redouté. Et pendant que les cliniques et hôpitaux du privé s'étaient préparés en armant des lits Covid, en déprogrammant toutes les interventions non-urgentes, la majorité des patients sont restés dans le giron de l'hôpital public.


  
Le docteur Catesson constate : "On a été déçus de l'hôpital, alors qu'ils étaient remplis "ras la glotte", ils ne nous ont pas adressé de patients Covid. On a vu passer des malades en train, en hélicoptère, alors qu'on avait de la place dans nos établissements. On s'est dit que ça créerait des ponts, mais on en est restés au stade des paroles".
 

Guéguerre public / privé


Dans la région, l'hôpital privé a été sollicité de façon très hétérogène." Sur nos 73 hôpitaux et cliniques, un seul avait des lits de réanimation. Nous en avons équipé 11, ce qui nous a permis de passer de 10 à 120 lits de réa", détaille Stéphanie Bécuwe, déléguée régionale de la FHP. "Et finalement, la clinique du cambrésis par exemple n'a reçu aucun patient, alors que Saint Côme à Compiègne a été très sollicitée ".

 

Même constat pour l'hospitalisation privée non lucrative. "Il est évident que le public s'est gardé les patients Covid," estime Corinne Darré, déléguée régionale de la Fédération des Etablissements Hospitaliers et d’Assistance Privée - FEHAP -. " Nous avons constaté la même chose après les attentats du Bataclan, où il n'y a pas eu de ventilation dans le privé. La faute à cette guéguerre public-privé. Il faut savoir que derrière, il y a des enjeux financiers importants. On le voit aujourd'hui avec les compensations du ministère : notre rémunération à nous, privé, n'est pas à la hauteur de notre engagement ".
 

Des compensations financières en jeu


D'après Marie-Sophie Desaulle, la présidente de la FEHAP, sur la première enveloppe de 377 millions d'euros d'aides au secteur hospitalier qui vient d'être débloquée par l'Etat, 90% sont destinés au public. "J'attendais que la répartition se fasse sur des bases équitables et justes " regrette Corinne Darré. " C'est vrai que si les SAMU n'adressent pas les malades Covid au privé, on a moins besoin d'être aidés financièrement. Pour moi il y a clairement une sur-compensation des lits Covid à l'hôpital public".

 

Quel est le montant de l'enveloppe globale pour la région ? "J'ai demandé à l'ARS, " poursuit Corinne Darré, " impossible d'avoir des chiffres. Il y a un manque de transparence total là-dessus, en tous cas dans le Hauts-de-France". À cette crise sanitaire, elle voit une vertu politique: "Je ne peux pas m'empêcher de repenser qu'avant le Covid, l'hôpital public était en pleine crise et qu'on ne voulait pas lui donner des moyens. Eh bien maintenant on va pouvoir justifier sans problème une dépense publique qui ne serait jamais passée avant la crise. Forcément, tous les Français vont être d'accord pour qu'on s'endette pour l'hôpital public!"
 

La reprise : une urgence sociale


Depuis 2 mois, les cliniques ne facturent plus, les praticiens ne rentrent plus d'argent. "Alors nous nous sommes adressés à l'ARS - Agence régionale de Santé - pour lui dire que nous étions prêts à reprendre progressivement. Mais a priori le CHU ne l'entend pas de cette oreille car lui aussi voudrait reprendre son activité hors-Covid, ce qui est bien normal, mais il n'est pas prêt. Donc l'ARS nous demande d'attendre" explique le docteur Catesson, pour la FHP. 

 
Il précise que certaines cliniques ont eu recours au chômage partiel. Et alors que des personnels étaient bloqués chez eux pour des problèmes de garde d'enfants ou de santé, ceux qui restaient sur le terrain ont dû parfois mettre les bouchées doubles. "Moi je dis qu'il est urgent qu'on reprenne, sinon nous allons devoir faire face à une guerre sociale!"  
 
"Nous allons devoir vivre avec le Covid" : entretien avec François Guth, directeur du pôle métropole pour le Groupe Ramsay
Quel est votre fonctionnement depuis le début du confinement ?
 
Depuis le 13 mars dernier, nous avons arrêté 80% de nos activités dans l'ensemble de nos établissements de la région. Seules les urgences, la cancérologie et toutes les interventions sans lesquelles il y aurait eu une perte de chances pour nos patients ont été maintenues. Dans le même temps, à Lille, on a monté 90 lits de réanimation. Aujourd'hui nous sommes toujours sous cette injonction ministérielle. 
 
Comment avez-vous vécu la stratégie de mettre l'hôpital public en première ligne, et l'hospitalisation privée en recours ?
 
Je ne souhaite pas polémiquer sur cette stratégie qui s'avère avoir été la bonne. Au moment où l'hôpital public commençait à être saturé, nous avons reçu quelques patients non-Covid, mais ça s'est arrêté là. Alors oui, nous avons été un peu frustrés de ne pas avoir été plus sollicités, mais tout cela n'a pas été en vain. Ca nous a permis de nous préparer à vivre avec le virus. Tous nos établissements se sont réorganisés, notre personnel s'est formé aux nouveaux protocoles, et il n'y a eu aucun chômage partiel. Nous avons également envoyé des équipes lilloises en renfort dans nos établissements parisiens.
 
Comment s'organise la reprise des activités?
 
D'abord nous maintenons 20 lits de réa sur les 90 que nous avions montés. On ne sait jamais, il faut être prêts à l'éventualité d'une seconde vague. Ensuite nos praticiens sont en train d'appeler tous leurs patients dont avait déprogrammé les interventions pour évaluer les choses. Depuis le début du confinement, la notion de perte de chance a évolué. Il y a deux mois, pour une petite hernie, un traitement aux anti-inflammatoires pouvait être un début de réponse. Une cataracte pouvait attendre un peu, ou une prothèse de hanche. Mais ça ne peut plus durer. On espère pouvoir reprogrammer au plus vite car on s'aperçoit que certains patients présentent des signes de pathologies à bas bruit qui risquent d'exploser si on attend trop pour les prendre en charge. En même temps nous ne pouvons pas négliger la peur qu'ont certains de revenir à l'hôpital et d'attraper le Covid.
 

On entend parler de label "Covid-free". Pensez-vous que cela pourra s'appliquer à l'hôpital?
 
Non, ça serait mensonger de prétendre qu'un hôpital puisse être "garanti sans Covid". Ça n'est pas possible et ça serait de toutes façons discriminant. La certitude, c'est que nous allons devoir vivre avec ce virus, et la meilleure façon de rassurer les gens, c'est d'être le plus transparent possible. Chez Ramsay, nous testons systématiquement tous les patients à l'entrée. Nous avons organisé des circuits différenciés pour prendre en charge des patients avec des formes même bénignes de Covid. Ils doivent pouvoir être soignés pour d'autres pathologies sans perte de chance.
 
Avez-vous une date officielle de reprise?
 
L'ARS nous dit qu'elle souhaite, mais ça n'est pas officiel, que nous reprenions en même temps que l'hôpital public. Nous avons d'ailleurs une réunion ce jeudi tous ensemble, et nous espérons rapidement une nouvelle doctrine. Car l'enjeu aujourd'hui c'est d'éviter une deuxième crise dans la crise. Celle qui verrait une explosion des pathologies chez les personnes restées confinées. On doit pouvoir dès maintenant reprogrammer des interventions de façon à ne pas saturer notre système de santé avec ceux qu'on a déprogrammés, plus toutes les nouvelles pathologies apparues ou aggravées pendant le confinement. Nos équipes ne pourront pas absorber ces tensions. On applaudit les soignants tous les soirs à 20 heures, c'est bien. Il faut surtout qu'on pense à les ménager pour les mois à venir.
 
Le groupe Ramsay compte 10 établissements dans les Hauts-de-France, dont la Louvière à Lille, l'hôpital Bois-Bernard à Rouvroy ou la clinique La Roseraie à Soissons.
 
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