Un interne d'un hôpital de la métropole lilloise raconte son quotidien dans une unité Covid-19.
Cela fait cinq ans que Walid Mekeddem, 26 ans, raconte son quotidien d'interne (étudiant en médecine) sur les réseaux sociaux (Instagram, Twitter, Youtube...). Mais depuis le début de la crise du coronavirus Covid-19, il sent que ce qu'il poste, ce qu'il raconte, intéresse plus, interpelle, fait réagir... Il a "gagné" beaucoup d'abonnés et ses publications suscitent de nombreux commentaires.
"Je n'ai rien changé mais ça intéresse plus, constate celui qui se fait appeler Avsicène. Les gens réagissent plus. C'est normal. C'est très important de parler de la santé, de ce qui se passe dans les hôpitaux. Il y a plein de problèmes à régler. Il y a plein de choses à changer. ça me tient à coeur."
En ce moment, Walid Mekeddem, étudiant en 9ème année, interne en médecine générale, travaille dans une unité spécialement aménagée depuis deux semaines pour accueillir des patients atteints du Covid-19. Le coronavirus, c'est son quotidien. Mais l'hôpital de la métropole lilloise dans lequel il travaille accueille peu de patients. "Au niveau charge de travail, on n'est pas surmenés. Le pic ne nous a pas touchés. On a un flux mais on de la place et c'est gérable. Au quotidien, ça ne change pas grand chose. Ce qui change, c'est l'organisation. On a des nouvelles infos. Des circuits différentes. Des mesures qui changent tous les jours... Ce qui est plus difficile, c'est le stress, l'anxiété. On est en première ligne, on est au contact..."
"Mon masque est souillé mais je le garde sur le visage"
Le coronavirus, virus mal connu, fait peur. Aide-soignants, infirmiers, médecins... "On a toujours peur de la choper. On sait qu'on peut avoir la malchance d'être de ceux pour qui ça ne va pas. On a peur de ramener des microbes à la maison. Quand on est à l'hôpîtal, on n' y pense pas trop, heureusement..."
Rapidement, vient dans la discussion, la question des masques et rationnement : "Une infirmière qui fait 8h, elle a le droit à deux masques. Je considère que c'est trop peu. Je porte un masque, je pars voir des patients, je les ausculte, ils toussent, ils crachent. Mon masque est souillé mais je le garde sur le visage. Dans l'idéal, il faudrait mettre un masque à l'entrée de la chambre et, à la sortie, jeter le masque." Un souci majeur dont il a fait une vidéo.
Actuellement, Walid Mekeddem se sent bien à sa place et utile : "Face à une crise comme ça, je peux assumer mon rôle de médecin. Quand on fait médecine, c'est pour être présent. En ce moment, qu'on soit jeune interne ou professeur, on en apprend tous les jours." Et il positive : "Certes, cette épidémie est un fléau mais elle réveille aussi ce qu’il y a de meilleur chez l’homme comme la solidarité", écrit-il en commentaire d'une publication où il pose avec ses collègues autour d'une pizza offerte par un restaurateur.
"On n'était pas prêts"
Le soutien apporté aux soignants, notamment avec les applaudissements de 20h, le touche mais il voit déjà au-delà : "Le soutien ça fait plaisir. Concrètement, après, j'espère que ça restera dans les esprits. Je demande pas à ce qu'on soit des héros. Il ya une épidémie, on travaille dans la santé : c'est normal. En tant que soignant, on est parfois agressé verbalement. Je fais de nombreuse gardes, ça arrive souvent. J'aimerais qu'après cette crise, il y ait plus de respect."
Autre souhait pour l'avenir. Que les dirigeants politiques entendent enfin les appels à mettre plus de moyens dans la santé : "On a plein de revendications. On a besoin d'argent, de personnel, de lits, de matériel. On n'a pas vraiment eu de réponses à tout ça. Maintenant, on se rend compte qu'on n'était pas prêts. J'espère qu'on retiendra que la santé c'est un secteur-clé". Et même s'il n'est pas entendu, Walid Mekeddem continuera à la clamer, sur ses réseaux sociaux...