Coronavirus - “Les médecins ne savent pas si je vais guérir” : malades depuis des semaines, leur état ne s’améliore pas

Des patients qui se croyaient guéris du Covid-19 font état de rechutes, plusieurs semaines après la contamination. Perte de goût et d'odorat, atteinte respiratoire, phlébite, diarrhées, perte cognitive, etc. Un large éventail de symptômes que les médecins ont du mal à soigner. 

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Camille*, mère de trois enfants, est aide-soignante dans une unité de soins longue durée d'un établissement hospitalier picard. Le 10 avril, après une nuit de garde, elle ressent les premiers symptômes : fièvre et maux de tête. "C'était très violent. Les douleurs étaient terribles. Je suis montée à 40°C de fièvre et j'ai été transportée aux urgences une semaine plus tard. J'avais une pneumopathie. Puis, je suis entrée en réanimation avec un pronostic vital engagé. Je suis rentrée chez moi le 4 mai mais j'ai de nombreuses séquelles et un test PCR négatif",  raconte-t-elle. 
 
Dès sa sortie d'hôpital, Camille ressent des douleurs musculaires paralysantes et des brûlures d'estomac. L'infection a atteint le foie, les intestins et les poumons à 60 %. "Je dois réapprendre à respirer car j'ai perdu les réflexes. Je suis incapable de marcher. Je suis très vite essoufflée et ça m'inquiète beaucoup parce que cela fait un mois et demi, poursuit-elle. Les médecins me disent que le virus aurait une atteinte vasculaire mais c'est une supposition. Ils ne savent pas si je vais guérir. Ils sont désemparés."
 

Une multitude de symptômes 

 "Je suis J67..., je suis J73..., je suis J85..." c'est ainsi qu'ils se présentent désomais et se reconnaissent sur la toile. Comme Camille, ils sont des milliers à se retrouver chaque jour sur les groupes et hashtags #aprèsJ20 et #aprèsJ60 sur Facebook et Twitter, pour échanger sur leurs symptômes et leurs craintes.  
 
 
Tous décrivent des symptômes aussi variés qu'inquiétants et sur une longue durée : perte de goût et d'odorat, problèmes respiratoires, phlébites, diarrhées, pertes cognitives... La liste est longue et compte plus d'une vingtaine d'affections. Certains ont développé une forme grave de la maladie. Mais la plupart d'entre eux a été atteint par une forme bénigne. Alors qu'ils se croyaient guéris, ils ont développé de nouveaux symptômes. 
 
Pour les formes légères du Covid, le corps médical décrit une phase d'environ deux semaines, puis, pour certains, vient ce que les professionnels de santé appellent la "lune de miel", une période de rémission, avant que les symptômes réapparaissent avec différentes réactions, parfois sous de nouvelles formes. 
 

« Je ne me reconnais plus. J'ai l'impression d'être sénile. » 

 
Antoine*, 33 ans, est professeur dans un lycée de l'Aisne. Il est tombé malade la semaine qui a précédé le confinement. Un mal de gorge puis des essoufflements pendant deux semaines. "J'avais l'impression que mon thorax était pris dans un étau. La douleur était intense. Au fil des jours, les difficultés respiratoires se sont estompées et j'ai cru que j'étais sorti d'affaire. Mais j'ai rechuté mi-avril. Les symptômes se sont faits plus intenses et j'ai ressenti une grosse fatigue", explique-il. Puis à nouveau, la phase "lune de miel". Le jeune homme reprend espoir mais le scénario se répète. Il découvre alors de nouveaux symptômes : tachycardie et troubles neurologiques. 
 
"J'ai du mal à suivre une conversation, j'oublie des mots, je tremble. Il est difficile de faire classe en distanciel. Je privilégie les tchats avec mes élèves plutôt que la visio. Mon quotidien est chamboulé. Je ne me reconnais plus. J'ai l'impression d'être sénile.", confie le jeune homme.
 

Rien de visible aux examens


Après un scanner, des examens cardiologiques et un test sérologique négatif, tout semblait normal. Mais Antoine n'y croit pas. "Mon généraliste et le cardiologue ne semblent pas croire que l'on puisse souffrir de symptômes sur une durée aussi longue. C'est très frustrant, confie-t-il. Grâce au groupe d'entraide #aprèsJ20, j'ai découvert que je n'étais pas le seul dans ce cas. Nous sommes déjà près d'un millier sur le groupe à compter les jours, rechute après rechute. Notre point commun : nous sommes relativement jeunes et nos tests sérologiques reviennent négatifs pour la plupart. C'est un vrai cauchemar."

Sur ces groupes #aprèsJ20 et #aprèsJ60, les témoignages s'ajoutent quotidiennement et se ressemblent : "On est comme des fantômes. En parfaite santé sur le papier mais on ne tient pas debout en réalité", "Mon médecin ne me croit pas. Il m'a prescrit des anxiolytiques", "Je deviens folle"... 
   

Les médecins semblent démunis face à ce nouveau virus 


Selon une étude menée par le King's College London, 5% des patients infectés seraient dans ce cas. En France, aucune étude n'a jusqu'à maintenant pu établir de statistiques sur ces malades à domicile, atteints de symptômes persistants. 

Les seules études épidémiologiques concernent les personnes hospitalisées. Reste ces malades "à la maison", dont le corps médical ne sait que faire ni comment soigner ces symptômes polymorphes et récurrents. Toutes les spécialités médicales sont impliquées : cardiologie, phlébologie, angiologie, ORL, gastro-entérologie, dermatologie, neurologie... avec, en première ligne, les médecins généralistes. 

"Chez ces patients dont les symptômes persistent, il y a certainement du stress post-traumatique mais il est difficile d'évaluer le pourcentage d'anxiété ou d'effet réel de la maladie. Ce que l'on croit savoir, c'est que 14 jours après les premiers signes, il n'y a plus de contagion. Nous nous appuyons sur les virus connus comme la varicelle et la grippe pour determiner cette période", explique Anne De Saint-Amour, médecin généraliste à Amiens. "Mais nous avons tellement d'informations médicales qu'on ne sait plus ce qui est vrai ou faux. Ce qui est surprenant c'est que tous les tests PCR (virologiques) que j'ai prescrits sont revenus négatifs alors que j'avais une forte suspicion de Covid-19 chez ces patients. Nous sommes démunis car nous n'avons aucune antériorité face à ce virus."

Pour faire face à l'inconnu et orienter au mieux leurs patients, 250 professionnels de santé d'Amiens, des praticiens de ville, des spécialistes, des pharmaciens ont créé un groupe WhatsApp. "Chaque jour, on s'envoie des contacts et on adresse nos patients à nos collègues spécialistes en fonction de leurs pathologies, à travers ce réseau. On échange des informations, des conseils, des conduites à tenir en médecine générale", ajoute Anne De Saint-Amour. 
 

"On expérimente le délai de convalescence de cette maladie"


Durant plusieurs semaines, les personnes présentant des signes bénins du virus avaient pour consigne de rester chez elles et de se soulager avec du Doliprane. Mais pour ces malades "longue durée", l'attente est trop longue. Certains ont commencé un journal de bord avec description détaillée de leurs journées. Après 85 jours de maladie, Mylène, lilloise de 42 ans, a comptabilisé 25 symptômes. "J'ai pris un agenda pour tout noter au jour le jour. Je suis malade chez moi, seule, depuis presque trois mois. Au début, j'avais de la tachycardie et des brûlures dans la poitrine, puis dans les yeux. Après un mois, c'est une toux très forte qui est apparue et je manquais d'air. Puis, j'ai eu des douleurs dorsales telles que j'avais l'impression qu'on me broyait les os. Des nausées, des ganglions, la fièvre, une grande fatigue, mal de tête... C'est les montagnes russes. Chaque jour, c'est différent, raconte-t-elle. Quand le corps souffre à ce point, il faut trouver une résilience. On est en train d'expérimenter le délai de convalescence de cette maladie et personne ne nous aide. Nous n'apparaissons dans aucune statistique, aucune veille sanitaire, aucune étude.

Pour aller plus loin que le simple répertoire des symptômes, des sondages ont été menés par des malades eux-mêmes, aux États-Unis et dans quelques pays d'Europe. Sur les groupes français des réseaux sociaux, un questionnaire a été mis en ligne par une internaute. Malade depuis la mi-mars, Emmanuelle Mougenot, coordinatrice d'études cliniques à l'hôpital d'Auxerre, a récupéré depuis fin avril les données de plus de 1 000 malades volontaires et anonymes. "Je suis inquiète pour nous, les patients qui avons toujours des symptômes et qui sommes restés dans l'ombre pendant plusieurs semaines. J'ai lu de nombreux appels à l'aide sur les posts et j'ai lancé ce questionnaire pour avoir une vision analytique de nos cas. Chaque jour, les personnes concernées peuvent répondre aux questions et automatiquement, ils reçoivent un lien avec les statistiques calculés en temps réel", explique t-elle. 

Les résultats indiquent que sur cette cohorte de patients, 76% sont des femmes, agées de 30 à 50 ans en majorité. Ces malades sont à 76 % non fumeurs. Sur 500 personnes questionnées, près de 70% ont été testées négatifs par PCR et 54% par sérologie. Les symptômes les plus répandus sont de la fatigue, des maux de tête, des essouflements et de la tachycardie. Parmi eux, 96 % n'ont pas été hospitalisés. 

"Je n'ai pas la prétention de réaliser une étude scientifique. Mais ces statistiques peuvent constituer le début de quelque chose. J'espère pouvoir transmettre ces données à des spécialistes pour qu'enfin, on s'occupe de nous. J'ai quelques pistes", ajoute Emmanuelle. 
 

Le début d'une prise en charge 


À la clinique Victor Pauchet à Amiens, le centre de réadaptation respiratoire a particulièrement suivi les malades du Covid-19, à leur sortie de réanimation. Mais récemment, des malades qui n'avaient pas été hospitalisés, ont fait leur apparition dans le service. "Depuis trois semaines, nous avons vu des soignants de notre clinique et du CHU d'Amiens qui ont repris le travail après avoir été contaminés. Ils ont une gêne respiratoire, et d'autres symptômes typiques du Coronavirus comme la fatigue et une sensation d’oppression thoracique. Même si ils ont été testés négatif, on sait que c'est lié au virus", raconte Julien Monconduit, pneumologue chef du service. 

D'autres patients sont suivis par le centre et parfois c'est leur première prise en charge. Durant le confinement, les médecins généralistes, pour la plupart en télétravail ou confinés eux aussi, n'ont pas eu la possibilité de faire des diagnostics précis sur leurs patients. "Certains patients n'ont pas pu bénéficier d'un suivi régulier et révèlent de nombreux symptômes. Dans le service, nous constatons des atteintes musculaires liées directement à la maladie. Les questionnaires réalisés auprès de nos malades nous font évoquer également un choc post-traumatique qui peut se traduire par de l'hyperventilation. Et souvent, cette atteinte est consécutive au manque d'exercice pendant plusieurs semaines."

La Clinique a mis en place des créneaux horaires d'exercices pour ses soignants qui éprouvent des symptômes respiratoires. Deux heures par jour réservées à la rééducation. "Il faut reprendre une activité physique pour réactiver le muscle cardiaque. Pour les personnes à domicile, la reprise de l'exercice doit s'accompagner de kiné respiratoire et l'activité doit reprendre doucement. De petites exercices fractionnés dans la journée avec des altères, un vélo d'appartement, des élastiques et de la marche cinq à dix minutes plusieurs fois par jour. Mais il faut se faire suivre par son médecin traitant", indique Julien Monconduit. 
 

Une lueur d'espoir pour ces malades 


Dès le mois de janvier, le projet French Covid-19 a été lancé sur le territoire français. Une étude sur 2 000 patients hospitalisés pour mieux connaître la maladie, ses manifestations et les éventuelles complications. D'après le professeur Jean-Luc Schmit, chef de service de maladies infectieuses et tropicales au CHU d'Amiens, établissement participant au projet French Covid-19, il est trop tôt pour apporter des réponses précises. "L'épidémie a commencé en février en France. Nous ne sommes qu'au début des recherches. Dans 85% des cas, les patients guérissent seuls. Mais parfois, les symptômes persistent et on ne trouve rien aux examens. C'est très perturbant pour les médecins, admet-il. On est dans une phase d'étonnement face à ces cas. Mais nous savons que pour toutes les maladies infectieuses, il existe une réaction de l'hôte face au pathogène qui peut entraîner des maladies infectieuses et des réactions immunitaires. Dans le cas du chikungunya, certaines personnes développent des formes chroniques, souvent des rhumatismes. Mais nous n'avons que trois mois de recul. Avant, ce n' était pas suffisant pour voir apparaître des formes chroniques. Mais il est temps de s'occuper des patients non hospitalisés. Il faut commencer des essais cliniques, en particulier des études génétiques sur ces cas. Nous sommes d'ailleurs très intéressés pour y participer."

L'Agence Régionale de Santé des Hauts-de-France nous a informés qu'aucune étude sur ces cas n'était en cours. La Direction Générale de la Santé n'a pas donné suite à notre demande d'interview. 

Mais ces malades, les "pionniers" du covid-19, comme ils se nomment parfois, pourraient entrevoir une lueur d'espoir grâce au lancement de deux études menées par l'hôpital parisien de l'Hôtel-Dieu. L' une concerne la persistance des symptômes, l'autre, leur résurgence. L'infectiologue Dominique Salmon-Céron lance un appel aux patients concernés pour y participer. 

Dans une interview accordée au Parisien, elle explique que ces recherches pourraient permettre de déterminer si ces malades avaient d'autres pathologies ou s'ils ont fait une mauvaise réponse immunitaire. Et déterminer s'ils sont toujours porteurs du virus. Pour participer à l'étude, vous pouvez envoyer un mail à anosmie.recherche@gmail.com.

Le corps médical français part de zéro face à cette nouvelle maladie. La Chine n’a communiqué aucune information concernant les séquelles liées au Covid 19, malgré un recul plus important que dans le reste du monde.
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