Coronavirus – "On a dû donner tous nos masques et maintenant on ne peut plus soigner" : le SOS des chirurgiens-dentistes

Dans les Hauts-de-France comme ailleurs, les chirurgiens-dentistes ont été contraints de cesser leur activité dès le début du confinement. Après avoir donné leurs masques à d'autres professionnels de santé, ils peinent aujourd'hui à assurer un service d'urgence qu'ils ont dû organiser eux-mêmes.

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"Nous sommes la profession la plus contaminante qui soit." Le Dr Thomas Balbi est président de l’URPS (Union régionale des professionnels de santé) des chirurgiens-dentistes des Hauts-de-France. Son métier, il l’exerce à 15 centimètres du visage de patients qui ont la bouche ouverte et qui ne peuvent donc pas porter de masque.  
 
Le 17 mars dernier, lorsque la France s’est confinée, tous les chirurgiens-dentistes ont dû fermer leur cabinet. "On nous a demandé d’arrêter parce que notre métier expose beaucoup les patients. On travaille en bouche, et le spray des instruments que l’on utilise diffuse des nuages contaminants", explique le Dr Richard Etienne, président de la FSDL (Fédération des syndicats dentaires libéraux) des Hauts-de-France. 
 
Le même jour, tous leurs masques ont été réquisitionnés pour les autres professionnels de santé. Depuis, aucun des discours du président de la République, du Premier ministre ou du ministre de la Santé ne leur a été adressé. "On se sent complètement délaissés", déplore le Dr Thomas Balbi. 
 

L’incertitude d’une reprise d’activité le 11 mai 

Après avoir donné l’intégralité de leurs stocks de masques, il est maintenant difficile pour les chirurgiens-dentistes d’en trouver pour assurer un service de garde. Pourtant, le 11 mai prochain, chacun devra impérativement acquérir cette denrée, devenue très rare, pour rouvrir son cabinet. D’après le Dr Adélaïde Chatagnon, chirurgienne-dentiste à Saint-Just-en-Chaussée, dans l’Oise : "Le ministre de la Santé nous a adressé une lettre où il disait qu’on aurait 150 000 masques pour 40 000 dentistes pour le déconfinement. Avec ça, je peux travailler une journée puis refermer mon cabinet.
   
Impossible de se procurer des masques autrement. Les chirurgiens-dentistes ne font pas partie de la liste des professionnels de santé autorisés à en obtenir en pharmacie. Le Dr Richard Etienne s’inquiète : "Si on n’a pas assez de matériel pour protéger praticiens, patients et assistants, comment allons-nous faire ? Si on ne peut pas soigner, les patients seront toujours dans l’attente de soins avec des risques majeurs de dégradation de leur santé bucco-dentaire.
 
De son côté, le Dr Thomas Balbi, chirurgien-dentiste dans le Nord, déplore la réquisition de leurs masques dès le début du confinement : "Personne n’a pensé que nous pourrions en avoir besoin. Notre profession n’allait pas surconsommer de masque, mais sans eux on ne peut pas du tout exercer.
 
"Ce dont nous avons besoin, c’est d’un appel aux dons de masques FFP2", assure le Dr Adélaïde Chatagnon.   
 

Un service d’urgence maintenu malgré tout

Pour prendre en charge les cas les plus graves, des services d’urgence ont été mis en place tant bien que mal par les Conseils départementaux de l’ordre des chirurgiens-dentistes. "On a réussi à récupérer du matériel de protection en faisant des pieds et des mains, témoigne le Dr Richard Etienne. On a des masques, des surblouses et des charlottes, mais on n’a pas de visière. Dans la Somme, on travaille avec des lunettes de protection.
 
En cas de problème bucco-dentaire, il faut dans un premier temps appeler son dentiste habituel. "Il leur a été demandé d’assurer une permanence téléphonique depuis leur cabinet", affirme le président de l’URPS des chirurgiens-dentistes des Hauts-de-France. 
 
Si l’état du patient est jugé sévère, il est ensuite dirigé vers une plateforme de régulation propre à chaque département. "Plusieurs questions vont faire que l’on va orienter le patient vers un cabinet de garde. Lorsque la douleur est insupportable, quand il y a des signes de gravité comme un gonflement, ou si le patient présente des signes systémiques comme de la fièvre" explique le Dr Adélaïde Chatagnon.
   
Dans l’Oise, trois cabinets dentaires sont ouverts chaque jour dans différents secteurs du département. Dans la Somme, ils sont quatre cabinets disséminés sur tout le territoire pour assurer ce service d’urgence. "Le but est de soigner les patients qui souffrent au point de ne pas en dormir la nuit. Il faut pouvoir soulager ces gens-là", selon le Dr Richard Etienne. 
 
Dans les cabinets de garde, les praticiens s’organisent pour respecter scrupuleusement les mesures d’hygiène et éviter au maximum la propagation du virus. Le Dr Richard Etienne fait partie des chirurgiens-dentistes volontaires pour assurer ce service d’urgence : "On dit aux patients de venir à une heure bien précise pour réguler les arrivées. Ils attendent sur le parking en attendant qu’on les appelle.
 
Dans un cabinet de garde, deux praticiens sont mobilisés. Le premier s’occupe du patient, et le deuxième désinfecte la salle entre chaque passage.  
 

"Il y a un risque pour la santé de la population" 

Depuis le début du confinement, aucun soin bucco-dentaire bénin ne peut être effectué. Selon le Dr Adélaïde Chatagnon, pourtant, il est impératif "d’assurer le suivi des douleurs dentaires, c’est notre travail au quotidien. On ne peut pas abandonner les patients." Avec le temps, les urgences s’accumulent. Les douleurs bénignes, sans possibilité de soins, se transforment en douleurs graves de plus en plus nombreuses.  
 
"Pour certains traitements, il n’y a que le geste effectué par un chirurgien-dentiste qui peut régler le problème", assure la chirurgienne-dentiste de l’Oise. "Le fait qu’on ne puisse pas gérer cela fait qu’on a de plus en plus de cas douloureux." Dans une lettre ouverte au Premier ministre et au ministre de la Santé, elle souligne ces difficultés liées à l'impossibilité d'exercer sa profession. 
 
De son côté, le Dr Richard Etienne déplore le manque de considération des autorités sanitaires pour sa profession : "Les autorités ont du mal à prendre conscience qu’il y a un risque pour la santé de la population."
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