Coronavirus : vers une pénurie de produits anesthésiants dans les hôpitaux français ?

Face à l’épidémie mondiale de Covid-19, les stocks de médicaments anesthésiants ne cessent de diminuer. L’Etat a contingenté les commandes. À la veille du déconfinement, on craint la pénurie dans les hôpitaux français.

L’Agence nationale de la sécurité du médicament porte une “attention toute particulière” sur les stocks de cinq molécules utilisées en anesthésie et en réanimation. Olivier Véran, ministre de la santé, le reconnaissait dès le 31 mars, à l’Assemblée nationale : “Il y a des tensions sur les stocks de produits anesthésique”. Il s’agit de deux hypnotiques : le propofol et le midazolam, utilisés pour placer les patients dans un coma artificiel et trois curares : l’atracurium, le cisatracurium et le rocuronium, des paralysants musculaires qui permettent notamment aux patients de supporter leur respirateur et de favoriser une bonne ventilation. 

 




Ces produits anesthésiants sont essentiellement fabriqués en Chine et en Inde. Dans ce contexte de pandémie mondiale, la chaîne d’approvisionnement en France se retrouve perturbée. Tandis que la demande explose.

Philippe Lamoureux, directeur général de la Fédération des entreprises du médicament le constate : “Pour certains de ces produits, des commandes 1000 fois supérieures à leur volume habituel ont été passées. Il y a eu tensions d’approvisionnement absolument colossales.” Pas étonnant, quand on sait qu’ils sont utilisés à des doses considérables pour soigner les patients atteints du Covid-19 intubés, qui restent en réanimation en moyenne quatorze jours. 
 

Un problème national : l’Etat contingente les stocks 



Pour pallier les difficultés d’approvisionnement et éviter la pénurie, l’Etat a pris en main, par un décret, l’achat et la distribution de ces cinq molécules essentielles. Depuis le 27 avril, les pharmacies hospitalières ne peuvent plus passer commande auprès des laboratoires pharmaceutiques. L'objectif : éviter que certains établissements ne provisionnent des stocks au détriment d'autres.

Dans les hôpitaux, la consigne est claire : il faut économiser un maximum les médicaments anesthésiants. Pierre Albaladejo, secrétaire général de la société française des anesthésistes et des réanimateurs (SFAR) et deux experts proposent dans une vidéo pédagogique des solutions d’utilisation parcimonieuses de ces médicaments en réanimation. Les médecins peuvent également se référer à un guide, publié par la SFAR, pour éviter tout gaspillage. 
   

Privilégier l’anesthésie locale à l’anesthésie générale 


Sachez également que si vous devez vous faire opérer bientôt, les praticiens privilégieront l’anesthésie locale. “Pour économiser les molécules en tension, on oriente les patients vers l’anesthésie locorégionale - en endormant une seule partie de l’organisme -  plutôt que l’anesthésie générale”, explique Guillaume Chatelain, anesthésiste à l’hôpital privé Le bois à Lille. 
  
Mais ces précautions restent insuffisantes pour éviter la rupture de stock. Dans la clinique de Guillaume Chatelain, des alternatives thérapeutiques ont été trouvées : “près de 50% des interventions qui nécessitaient l’utilisation de ces molécules peuvent finalement être réalisées avec d’autres médicaments ou d’autres techniques.” À Nantes, même problème, même solution : “pour les opérations hors Covid-19, on ressort d'anciennes molécules comme le penthotal. On endort les gens autrement, avec de la kétamine par exemple”, indique un anesthésiste-réanimateur nantais.  

Autre mesure exceptionnelle : en cas d'indisponibilité de certains produits à usage humain, les établissements de santé sont, depuis le 3 avril 2020, autorisés à recourir à des médicaments vétérinaires, dont la composition en principe actif, le dosage et la voie d'administration sont identiques. 

 

On est proche de la rupture de stock.



La France se dirige-t-elle alors vers une pénurie totale de médicaments anesthésiants ? Selon Philippe Lamoureux, directeur général de la Fédération des entreprises du médicament, “la tension devrait durer au moins 6 mois, voire un an. Pas forcément parce qu'il va y avoir une deuxième vague de coronavirus mais surtout parce que les demandes mondiales vont rester à un niveau extrêmement élevé pendant un moment.” 

 

Pour Christian Erb, anesthésiste au CHU de Lille, “ça s’annonce très tendu. On est proche de la rupture de stock. Pour l’instant, on est encore en capacité de travailler, mais pour combien de temps ?” Avec une conséquence désastreuse : “On risque, par faute de produits anesthésiques, de ne pas reprendre l’activité hors-Covid et hors-urgences, bientôt.” 


 
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