Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, la France compte plus de 3000 morts. En Picardie, préfectures et communes se préparent à la gestion délicate mais indispensable de l’augmentation du nombre de défunts.
C’est un appel presque anodin de la préfecture de la Somme au maire d’une petite commune proche d’Amiens, jusqu’à la dernière question : "votre village dispose-t-il d’un caveau provisoire ? Combien de défunts peut-il accueillir ?".
Un entretien téléphonique dont l’élu, qui souhaite rester anonyme, est encore surpris aujourd’hui. "C’est inquiétant. J’ai été surpris que la préfecture me pose ce genre de question. J’en déduis qu’ils doivent s’attendre à connaître un pic du nombre de morts (du Coronavirus, ndlr)".
Moins alarmé, l’édile d’une commune proche de Saint-Valery-sur-Somme a reçu le même appel : "On m’a demandé si l’on disposait d’un caveau communal. On ne s’en sert que très rarement, quand une mort inattendue survient. Avec le coronavirus, il y aura forcément des gens dont la mort n’était pas prévue."
Aussi surprenantes qu’elles puissent paraître, ces questions sont pourtant légitimes dans la crise sanitaire que notre pays traverse.
Un décret pour anticiper l’augmentation du nombre de victimes
Le vendredi 26 mars, lors de la conférence de presse quotidienne sur l’évolution de l’épidémie, la porte-parole du ministère de l’Intérieur Camille Chaize prononçait une phrase passée presque inaperçue : "Il a été demandé à chaque préfet d’identifier des lieux où les corps pourraient être conservés dans la dignité, dans l’attente de leur inhumation ou de leur crémation, et dans certains cas dans l’attente d’un rapatriement de la dépouille à l’étranger". Le jour-même, la publication d'un décret autorisait notamment la mise en place de dépositoires (lieux où les corps des défunts peuvent être entreposés pour une durée de six mois maximum avant leur inhumation) et étendait à 21 jours (au lieu de six habituellement) le délai d’inhumation des personnes décédées. Autrement dit, l’Etat tente d’anticiper une augmentation inévitable du nombre de morts à travers le territoire français.
"Il n’est pas du tout question d’atteindre des dispositifs comme ceux en Espagne." Michaël Chevrier, sous-préfet de l’Oise en charge de la chaine funéraire se veut rassurant. Selon lui, l’enjeu consiste à surveiller la fluidité entre les différents acteurs de la gestion des défunts (depuis le moment de leur décès jusqu’à leur inhumation/crémation). "L’amélioration de la chaine funéraire est capitale. Quand vous avez des corps entreposés dans une morgue hospitalière plus de jours que nécessaire, c’est à ce moment-là que l’on obstrue inutilement les capacités de l’établissement".L’amélioration de la chaine funéraire est capitale
Pour cela, il est nécessaire que la communication entre familles, hôpitaux et opérateurs funéraires puisse se faire clairement et rapidement. Pour le moment, Michaël Chevrier assure que "l’Oise est très loin de ses capacités de saturation" malgré la centaine de décès que le département déplore.
Dans le cas où le nombre de morts deviendrait difficile à gérer, les préfectures peuvent s'appuyer sur le dispositif ORSEC de « gestion des décès massifs ». Il permet notamment de mettre en place des sites de "stockage" des corps alternatifs aux lieux habituels. Ici aussi, le sous-préfet rassure : "Avant d'en arriver là, il faut savoir que certains opérateurs funéraires peuvent procéder à une extension de leur chambre mortuaire".
Pour rappel en France et depuis le début de l’épidémie, plus de 3000 personnes sont mortes du coronavirus Covid-19. Mais ce chiffre n’inclue que les personnes décédées à l’hôpital, et pourrait être en réalité bien plus élevé.