Coronavirus-Port du masque : "Les gens nous demandent mais on n'en donne qu'aux soignants", le désarroi des pharmaciens

Vendredi 3 avril, lors de son point presse quotidien, Jérôme Salomon, le directeur général de la santé a encouragé le port du masque pour la population. Une annonce qui complique la position des pharmacies qui doivent faire face à une demande toujours plus forte de leurs clients.

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"On n'a pas de prises de bec mais on sent que le ton monte". Dans sa pharmacie de Vineuil-Saint-Firmin près de Chantilly, dans l'Oise, Christophe Blin se serait bien passé des préconisations de Jérôme Salomon.
 

Dans son point presse quotidien du 3 avril, le directeur général de la santé a encouragé le port du masque pour la population : il y a 3 semaines encore, la porte-parole du gouvernement déclarait qu'il était inutile d'en porter. Une nouvelle position partagée par l'académie de médecine : 
 
Une recommandation que les Français ont tôt fait de vouloir suivre dès le lendemain de sa formulation : "Depuis le début de l'épidémie, on nous demande des masques. Mais depuis deux jours, les demandes sont plus nombreuses, explique Christophe Blin. Et avec l'annonce de la DGS, c'est pire. Nos clients habituels savent qu'on n'a pas de masques à donner. Mais ceux qui viennent pour la première fois ou qu'on ne voit que rarement insistent pour en avoir. Ils trouvent toujours une excuse pour nous convaincre de leur en donner mais on n'en a pas pour les clients".

Des informations contradictoires


Une insistance que le pharmacien comprend : "Les informations changent tellement souvent. Elles sont même parfois contradictoires", déplore-t-il. Résultat : les gens ne savent plus ce qui est vrai et ce qui ne l'est plus, selon lui. Et de citer "l'information selon laquelle les médecins allaient prescire des masques qu'il faudrait ensuite venir chercher en pharmacie. Des gens sont venus dans ma pharmacie avec une ordonnance pour un masque. Sauf que cette information est fausse. Mais elle a eu le temps de circuler."
 

Les seuls masques dont les pharmaciens disposent proviennent de dotations de l'Etat, le nombre de masques attribués étant calculé en fonction du chiffre d'affaire de l'officine. A date irrégulière, ils reçoivent ces protections qu'ils ne sont en droit de distribuer qu'aux professionnels de santé de leur secteur : médecins de ville, infirmiers, infirmières, sages-femmes... Chaque profession a droit à un nombre précis de masques : 
 

Des clients tendus et agressifs


Mais l'annonce du directeur général de la santé a semé le trouble et fait souffler un petit vent de panique parmi la population. "On nous demande des masques depuis le début de l'épidémie mais on nous en demande plus depuis ce matin. Pour le moment, je n'ai aucune information me disant que je peux distribuer des masques aux clients. Et puis de toute façon, je n'en aurais pas assez, reconnaît Eddy Naillon, pharmacien à Amiens et président du syndicat des pharmaciens de la Somme. Et c'est délicat à expliquer aux gens. En général, ils comprennent quand on leur explique qu'on n'en a pas pour eux. Mais il y a toujours des énergumènes qui s'énervent : je me suis fait insulter parce que je n'avais pas de masques à donner."

On m'a même dit que je laissais crever les gens. Eddy Naillon, pharmacien à Amiens


Difficile de faire entendre raison quand l'emballement guette. "La demande était déjà forte mais depuis ce matin, les gens appellent directement pour avoir des masques, explique-t-on à la pharmacie des champs dans le quartier argentine de Beauvais. De toute façon, ils sont tendus et agressifs depuis le début de l'épidémie. Ils veulent des masques à tout prix mais pas seulement : ils veulent des gels hydroalcooliques, de la chloroquine, des thermomètres. Tout ça alors qu'ils ne respectent pas vraiment les mesures barrières. Et puis ils ne comprennent plus : il ne fallait pas de masques, maintenant il en faut."

Et comme le premier personnel de santé qu'ils trouvent c'est nous, à la fin c'est usant.

Seulement pour les soignants identifés


Une tension qui remonte de partout jusqu'à l'ordre des pharmaciens des Hauts-de-France. Son président, David Alapini, remarque l'agressivité grandissante des clients mais reste ferme et clair : les masques dont disposent les pharmaciens sont des dotations de l'Etat destinées uniquement aux personnels de santé identifiés. 

Installé depuis 18 ans à Vineuil-Saint-Firmin, Christophe Blin avoue un peu de fatigue : "Physiquement, on tient le coup parce qu'il ne faut surtout pas lâcher. Mais hier midi, mon assistante a un peu flanché. Parfois, ce n'est pas facile. En plus, ça va faire un mois et demi que nous, comme on est près du premier cluster, on est dedans. Et honnêtement, on commence à fatiguer." 

 
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