La crise du coronavirus a provoqué une hausse de la précarité. Les structures d’aide aux plus démunis ont multiplié les distributions alimentaires pendant et après le confinement. Elles doivent faire face à un afflux de nouveaux bénéficiaires. Plus 10% selon la Banque alimentaire du Nord.
C'est un exemple frappant, symbolique de la situation. La distribution quotidienne de «colis d’urgence », un dispositif improvisé durant le confinement, était vouée à disparaître. Cinq mois plus tard, rien n’a changé dans l’entrepôt du Secours populaire de Roubaix (Nord). Les bénévoles remplissent les caisses de denrées alimentaires de première nécessité, mais aussi de produits d’hygiène. « Du riz, du thé, du chocolat, des boissons, du shampooing, des sardines, du couscous et même des bonbons », nous montre Ahmed, bénévole. « Tout le monde a le même, on en a 170 aujourd’hui. On en refera au fur et à mesure ».
« Le confinement, ça a aggravé les choses »
A 14h, la distribution commence, rapide et efficace. Elle va durer deux heures. La file d’attente est certes moins impressionnante qu’en mai dernier, au plus fort du confinement, mais les besoins sont toujours réels. « Il y a beaucoup de monde, c’est toujours comme ça. C’est plus qu’avant. Depuis le confinement, des gens se sont inscrits, beaucoup de nouveaux bénéficiaires, on le voit tous les jours », nous dit Walid, un autre bénévole de l’association.850 familles supplémentaires sont venues grossir les rangs des quelque 7000 bénéficiaires des antennes de Roubaix, Wattrelos et Croix. Les habitués de la débrouille, comme Mina, venue ravitailler les sept membres de sa famille, assistent avec impuissance à cette évolution. « Le confinement, ça a aggravé les choses, ça n’a pas fait du bien… Il y a plus de chômeurs ! Roubaix, c’est souvent les petits boulots et là, il n’y a rien du tout ».
Huit euros par jour et par personne
Un afflux forcément dû à la crise du coronavirus pour Nora Chiheb, responsable de l’antenne roubaisienne : « Habituellement, on faisait 500 colis par mois, aujourd’hui on en fait 850 par semaine ! Les gens ont moins d’argent, automatiquement ils viennent demander de l’aide. On a des nouveaux bénéficiaires, beaucoup de travailleurs pauvres, ceux qui travaillent à temps partiel. Ils étaient justes auparavant, et là ils tombent sous le seuil de pauvreté. Avec 8 euros par jour et par personne pour vivre, il n’y a plus d’argent à la fin du mois pour s’alimenter».Des travailleurs pauvres, mais aussi des familles modestes, monoparentales, des retraités et parfois de jeunes célibataires. A 29 ans, Thiebaut est sans emploi. Au début du confinement, il est venu ici chercher de l’aide. « J’en avais besoin. J’ai traversé une situation assez difficile dernièrement et ça me fait beaucoup de bien que le Secours populaire soit là... Au niveau économique, le covid a accéléré la précarité, je pense ».
« On essaye tous les jours d’avoir des choses à mettre dans les colis »
La crainte de Nora Chiheb est de ne plus être en mesure de nourrir tout le monde. « On a été surpris, surtout quand on a commencé à faire les colis pendant le confinement. On ne s’attendait pas à voir autant de monde, jour après jour. Il était évident pour nous qu’après, il fallait continuer, qu’on ne pouvait pas laisser les gens dans la détresse. Donc, on a continué et on ne sait pas quand ça va s’arrêter. On essaye tous les jours d’avoir des choses à mettre dans les colis mais ce n’est pas évident. On essaye d’avoir des dons, des partenariats. Mais tout ça s’épuise ».L’aide financière de 37 000 euros apportée par le département du Nord et la ville de Roubaix au début de la crise s’épuise elle aussi. « C’est très inquiétant, parce qu’on se demande jusque quand on va pouvoir continuer à le faire, si on sera en capacité de distribuer, mais le besoin est réel », ajoute Nora Chiheb. En 6 mois, le Secours populaire de Roubaix a distribué l’équivalent de deux années de denrées alimentaires.