Programmateur musical reconnu, Patrice Budzinski avait travaillé notamment pour le Grand Mix à Tourcoing, l'Aéronef à Lille et le Printemps de Bourges.
Ses amis décrivent un programmateur talentueux, fédérateur et rempli de tendresse. Patrice Budzinski, 50 ans, est décédé lundi. S'il avait, depuis quelques années, quitté la région et son poste de directeur de l'Aéronef à Lille, à cause de problèmes de santé, pour vivre en Lozère, c'est bien une figure locale de la scène musicale qui est partie.
Cofondateur du lieu culturel Pharos à Arras, programmateur musical au théâtre d'Arras puis du Grand Mix à Tourcoing et enfin directeur de l'Aéronef à Lille, il était connu pour son flair musical et "sa science du public" selon son ami Alex Melis, qui a travaillé avec lui et pour qui Patrice joua un rôle de "mentor". "Il programmait des groupes pointus et exigeants tout en sachant comment ramener du public", précise-t-il. "C'était un défricheur de talents, spécialiste du rock au sens large", raconte un autre de ses anciens collègues, Boris Colin, directeur du Grand Mix. "En 2008, Bon Iver, aujourd'hui connu mondialement, a joué devant 250 personnes à Tourcoing au Grand Mix juste avant que sa popularité explose. C'était grâce à Patrice", continue son ami. "Le Grand Mix ne serait pas ce qu’il est sans Bud (son surnom, ndlr)", rappelle la page internet de la salle de concert.
L'inventeur des goûters-concerts
C'est d'ailleurs dans cette salle que Patrice Budzinski a mis au goût du jour les premiers goûters-concerts. Les groupes qui devaient jouer le soir dans la salle faisaient également une performance l'après-midi devant des enfants et leurs parents. "Il avait imaginé ces événements car lui-même étant père, il avait remarqué que ses enfants aimaient les styles de musiques comme le métal et que lui n'avait plus le temps d'assister aux concerts le soir", se souvient Alex Melis. Un concept repris ailleurs en France et en Europe selon lui.
Son talent avait largement dépassé les frontières de la région puisqu'il avait été l'un des programmateurs du Printemps de Bourges en 2004. "Ce qui m'intéresse dans ce festival, c'est la prise d'otages entre les spectacles populaires et la vitrine de tous les autres genres qui échappent aux logiques commerciales. C'est tout, sauf de l'élitisme. L'appétit culturel se forge sur ce type de rapport du public à la musique", répondait-il au journal l'Humanité à cette époque.
"Son apparence rugueuse et sans concession faisait qu'il incarnait quelque chose de particulier".
Avant de rejoindre des salles de concerts ou des festivals prestigieux, Patrice Budzinski a fondé, avec d'autres, en 1990, le lieu culturel Pharos, à Arras, pour lequel il avait commencé à programmer des concerts, en collaboration avec les populations défavorisées du quartier.
"Sous ses airs d'ogre, il était très humain et sensible"
Puis il a rejoint le théâtre d'Arras, où il s'occupait de la programmation musicale. Il en a profité pour donner un coup de jeune à ce lieu institutionnel en programmant ce que l'on appelait alors "les musiques actuelles", terme qui englobait notamment le rap et les musiques électroniques. "C'est une terminologie qui est apparue quand on a eu besoin de classer tous les courants musicaux issus de la pratique amateur", expliquait-il en 2000 alors qu'il était invité sur le plateau de France 3 Hauts-de-France.
Issu du bassin minier lensois, il détonnait dans le milieu culturel. "Son apparence rugueuse et sans concession faisait qu'il incarnait quelque chose de particulier", juge Alex Melis, qui estime que son ascension sociale "est un événément pour un gars de son milieu". Aujourd'hui à la tête du centre culturel de Lesquin, il conclut : "sous ses airs d'ogre, il était très humain et sensible".