La réouverture des lieux culturels pourrait intervenir à partir du 15 mai, d'abord pour les musées. Les professionnels du secteur espèrent mais ne veulent pas être déçus.
Lors d'une rencontre virtuelle avec les maires jeudi 15 avril, le président de la République a esquissé un scenario de réouverture des restaurants et des lieux culturels dès la mi-mai.
Selon les propos d'Emmanuel Macron, rapportés par les maires présents à la réunion, le calendrier de réouverture serait progressif : il évoluerait toutes les trois semaines. La priorité serait donnée à l'ouverture des terrasses des restaurants et aux musées dès le 15 mai. Au total, quatre phases seraient nécessaires avant de retrouver un retour à la normalité.
Pour ces structures plongées dans l'obscurité du tunnel du confinement, la lumière de ce calendrier de réouverture, même intermittente et incertaine, est observée attentivement. Bruno Gaudichon, conservateur du musée La Piscine à Roubaix rappelle le caractère précaire de ces annonces : "nous entendons cette date dans les médias mais nous n'avons aucune confirmation". Le musée est fermé depuis octobre 2020. "C'est devenu très long, nous avons hâte de rouvrir mais nous souhaitons ne pas être prévenus au dernier moment", demande le directeur.
Cette fermeture prolongée a déjà fait des dégâts : les expositions temporaires ne pourront pas être prolongées à l'infini et présentées au public. "Si nous rouvrons à la mi-mai, nous n'aurons pas d'expositions temporaires", regrette Bruno Gaudichon en citant notamment l'expositon Leopold Chauveau, qui ne sera présente à Roubaix que jusqu'au 8 mai.
De l'hibernation à la veille
Les musées devraient être les premiers à bénéficier de cette réouverture. "Les annonces de réouverture de certains lieux comportent un côté «bonne nouvelle»", exprime Laurent Coët, exploitant du cinéma Le Regency à Saint-Pol-sur-Ternoise (Pas-de-Calais) et vice-président de la chambre syndicale des exploitants du Nord Pas-de-Calais. Pour les cinémas, rien n'a encore été acté ni esquissé. "Nous n'avons pas entendu parler des cinémas et des théâtres, ce qui laisse à penser que nous ne serons pas dans la première salve de réouvertures le 15 mai", abonde-t-il. Le patron de ce cinéma du Pas-de-Calais se veut "pragmatique" : "nous avons arrêté d'espérer pour être déçus immédiatement après". Il confesse : "l’idéal serait qu’on rouvre le plus vite mais a priori ce n'est pas la volonté du gouvernement, alors nous l'acceptons par dépit."
Les professionnels de la culture s'observent, se jugent : "il faut qu’on se mobilise pour ne pas être les derniers une fois de plus. L’année dernière, les restaurants avaient rouvert un mois avant nous", remarque Laurent Coët. L’objectif c’est donc "d’être dans la deuxième salve qui arriverait trois semaines après le 15 mai". La petite déclaration du président de la République a tout de même actionné l'interrupteur de l'espérance : "On est passé de l'hibernation à la veille. Nous commençons tous à se préparer pour pouvoir rouvrir."
"Si c'est encore une annonce fausse, nous pourrions décider d'ouvrir quand même"
C'est une des différences qui sépare les cinémas des théâtres. Alors que les films pourront revenir directement à l'affiche dès la réouverture des lieux, les théâtres eux doivent respecter la saison des représentations qui se déroule habituellement de juin à septembre. La perspective de la mi-mai laisse donc peu de place pour anticiper. "La programmation d'une salle de spectacle ne se fait pas en un seul jour. Lors de la réouverture, nous ne pourrons pas jouer immédiatement. La saison commence en septembre et se termine en juin pour laisser la place aux festivals en été", affirme le comédien Stéphane Vonthron, membre des InterLuttants 59-62 et du SFA-CGT. Il occupe actuellement, avec d'autres, le théâtre Sébastopol à Lille.
Pour lui, la réouverture des théâtres ne sifflera pas la fin de la mobilisation des intermittants du spectacle. "La réouverture des théâtres est une revendication secondaire. En premier lieu, nous demandons l'abrogation de la réforme de l’assurance chômage. Ensuite nous demandons une seconde année blanche pour nous, les restaurateurs et les professionnels du tourisme". Le nouveau directeur du théâtre du Nord à Lille, David Bobée abonde et s'interroge : "pourquoi les théâtres sont-ils traités différemment qu'une église ou qu'une rue commerçante, qui elles ont le droit d'ouvrir ?" Il met en garde le gouvernement : "tous les mois, nous nous préparons à ouvrir pour le mois prochain. Alors, si c'est encore une annonce fausse, nous pourrions décider d'ouvrir quand même."