Des conducteurs d'Eurotunnel expriment leur peur dans une lettre après la multiplication ces dernières semaines de décès de migrants tentant de passer en Angleterre via le Tunnel sous la Manche.
« Aujourd’hui nous avons peur. » Des conducteurs de train d'Eurotunnel ont décidé d'exprimer publiquement ce qu'ils ressentent et ce qu'ils vivent depuis quelques mois. Depuis le 1er juin, 14 migrants sont morts en essayant de passer en Angleterre. Souvent en étant percutés par un train.Ce mardi, un migrant a été retrouvé mort par un agent de sécurité, il avait été percuté par une navette fret. Désormais, le danger est permanent et partout. Surtout la nuit. Alors, les conducteurs de train CGT ont écrit une lettre intitulée « Je suis conducteur... ». Ils y disent leur "peur de conduire, de percuter, d’écraser, d’électrocuter, de réduire en bouillie un pauvre hère (...) Alors on roule comme on peut ! Non plus les yeux fixés sur les instruments de bord mais sur les abords, la voie, les alentours, priant secrètement pour qu’il n’y ait pas un désespéré qui se jette sur le train ! (...) Là des barbelés, des policiers, des gens en armes, des chiens mais plus aucun arbre. Un tableau de guerre. Et des gens qui courent ! (...) Cela ne peut perdurer. (...) Pour la énième fois, nous interpellons les pouvoirs publics, les acteurs locaux, les décideurs de tous bords et toutes les bonnes volontés à nous venir en aide le plus rapidement possible (...) », selon des extraits cités par La Voix du Nord. "Combien de blessés encore? Combien de morts?, poursuivent-ils. Allons-nous devoir nous accommoder sur le long terme de cette comptabilité morbide? Jusque quand encore serons-nous hantés, durant notre activité mais aussi pendant nos repos, par ces images et ces situations surréalistes?"
Appel à l'aide
Les conducteurs déplorent en outre l'effet de la sécurisation des abords du tunnel sur le paysage: "là des barbelés, là des policiers, là des gens en armes, là des chiens mais plus d'arbres, plus aucun arbre. Un tableau de guerre", écrivent-ils. "Pour la énième fois, avec cette force et cette énergie du désespoir qui nous aident à nous maintenir à notre poste tant bien que mal, nous interpellons les pouvoirs publics, les acteurs locaux, les décideurs de tous bords et toutes les bonnes volontés à nous venir en aide le plus rapidement possible", concluent-ils.Un porte-parole de leur employeur, Eurotunnel, a indiqué à l'AFP "comprendre l'émotion décrite". "Le fait que la lettre s'adresse aux pouvoirs publics et non à la direction témoigne de la qualité du dialogue social entretenu tous les jours" au sein du groupe, a-t-il déclaré.
Près de 4000 migrants
Selon le décompte de la préfecture, entre 3.000 et 3.500 migrants, venus principalement d'Afrique de l'Est, d'Afghanistan et de Syrie, se trouvent dans la région du port de Calais dans l'espoir de rejoindre l'Angleterre, qu'ils considèrent comme un eldorado. En comptant les clandestins présents dans un camp de Grande-Synthe, à une quarantaine de km de Calais, environ 4.000 migrants sont présents dans la région.La nuit dernière, Eurotunnel a relevé 230 intrusions sur le site, 400 la nuit précédente, et 120 dans la nuit de dimanche à lundi.