C'est une institution. l'incontournable fête de fin d'année de l'école. La kermesse. Avec son spectacle qui dure des heures. Les costumes qu'on a tous achetés à la dernière minute. Un moment pourtant important pour nos enfants. Et dont ils sont privés pour la deuxième fois de suite.
"On n'a aucune consigne pour le moment. Ce sera certainement à chaque école de prendre la décision parce qu'on ne peut pas brasser nos élèves, explique-t-on au rectorat d'Amiens. Donc les fêtes d'école dans des gymnases, ça va être compliqué. C'est possible en plus qu'on ait aucune consigne particulière à ce sujet. Mais à mon avis, soit il n'y en aura pas soit elles seront réduites à peau de chagrin."
Un rendez-vous incontournable
Et effectivement, en passant plusieurs de coups de fils dans des écoles primaires de la région, les directrices ou directeurs qui ont le temps de nous parler confirment : "la fête de l'école ? Ah ben, non il n'y en aura pas cette année encore chez nous". Ce sera la deuxième année de suite que les élèves des Hauts-de-France et d'ailleurs ne pourront pas danser plus ou moins en rythme sur des chorégraphies travaillées avec leur enseignant.e depuis au moins trois mois.
Les enfants sont tristes. Mais bon. C'est comme ça.
Un renoncement difficile pour beaucoup d'enfants, et pour beaucoup moins de parents, avouons-le. Parce que la fin de l'école, c'est le point final de l'année scolaire. Un point final festif, fait de chamboule-tout, de poursuites effrénées - normalement interdites - entre camarades de classe dans la cours de récréation, de parts de gâteau achetées à l'association des parents d'élève et abandonnées à peine entamées sur les genoux de maman ou de papa. Sans oublier la tombola ou la roue des cadeaux. La kermesse de l'école, c'est une institution. Un incontournable. La source de moments d'ébahissement pour la famille et de tant de photos gênantes une fois l'enfant devenu grand.
Une transition en douceur vers l'arrêt des cours
"On en a parlé entre nous : on avait anticipé le fait que ce serait compliqué de mettre en place quelque chose, donc on a tiré un trait dessus. Un peu de mauvaise grâce, avoue Olivier Catel-Dobel, directeur de l'école élémentaire Paul Mille à Longueau dans la Somme. C'est la deuxième fois. On se dit qu'on n'a pas le choix."
À Beauvais, Caroline Tellier parle un peu fort au téléphone pour couvrir les bruits de la récréation. Entre deux enfants qui lui demandent un masque et trois qui courrent dans les couloirs - "retournez dehors immédiatement !" - la directrice de l'école élémentaire Jean Rostand située en Réseau d'éducation prioritaire met gentiment les choses au point : "Sincèrement, la fête de l'école, ce n'est pas la priorité ici. Pour beaucoup d'enfants, rien que le fait de ne pas aller à l'école, c'est difficile. Certains ne sont pas sortis de chez eux pendant le dernier confinement, explique-t-elle. Alors notre priorité, c'est de maintenir les activités extérieures notamment le sport. Mais c'est vrai que ça fait un pincement au coeur qu'il n'y en ait pas encore cette année."
Pour le moment, les enfants n'en parlent pas. C'est plus l'association des parents d'élèves qui en parle parce qu'elle gère beaucoup de choses.
La fête de fin d'année, ce n'est pas qu'une après-midi de danse, de chants et de jeux. C'est aussi l'occasion d'organiser en amont des temps scolaires différents : entre les répétitions, les essais de costume et les travaux manuels qui seront vendus par l'association des parents d'élèves, la kermesse permet une douce transition entre l'année scolaire et les congés estivaux. C'est aussi l'occasion pour les élèves de présenter à leur famille les projets dans lesquels ils se sont impliqués depuis le début de l'année. À Longueau, Olivier Catel-Dobel n'est pas encore sûr de la forme que cette transition va prendre : "On va peut-être faires des petites réunions particulières dans chaque classe mais sans les parents. Il faut savoir être raisonnable", explique-t-il avec regret.
S'adapter aux contraintes sanitaires
"On va faire des petites choses par classe mais pas tous ensemble parce qu'on n'a pas le droit de tous se rencontrer. On a quand mis en place un voyage de fin d'année à Fort Mahon mais ça ne remplacera pas la fête de fin d'année, ce sera un moyen d'être avec les élèves de manière différente", nous détaille la directrice d'une école primaire d'Amiens.
L'année dernière, au retour du confinement, la priorité, c'était le sanitaire.
A l'école Jean Rostand de Beauvais, Caroline Tellier sait déjà qu'elle ne peut pas priver les 157 élèves de tout. L'une des 11 enseignantes a travaillé toute l'année sur une initiation aux arts du cirque avec une association de Beauvais. Une représentation de ce que les enfants ont appris est prévue à la fin de l'année : "La difficulté, c'est qu'on ne peut se rassembler pour éviter les brassages. Donc, on mise sur les activités en extérieur. Tout peut se faire en extérieur mais on va rester classe par classe et sans brassage. Donc rien n'empêche d'inviter les parents d'une classe à la fois sur un temps donné en extérieur. On a aussi une classe Eau qui travaille toute l'année sur cette thématique. On a prévu une semaine complète avec les élèves en dehors de l'école pour travailler là-dessus. C'est déjà pas mal pour les enfants. C'est mieux que rien. Mais ça ne ressemblera pas à une fête d'école." Surtout quand on sait que l'école Jean Rostand se produit chaque fin d'année dans une salle de concert de la ville pour son spectacle de danse.
Amandine Lamour décroche alors qu'elle est en classe. "Je n'ai vraiment pas le temps. C'est pour quoi ?" La discussion s'engage pourtant quand même avec cette enseignante du RPI Gauville-Lignières-Morvillers-Fourcigny-Marlers dans la Somme : "Je vous avoue qu'on a surtout la tête dans le guidon pour finir l'année ! En plus, moi j'ai une classe de CE1/CE2 et j'ai l'impression qu'à leur âge, la fête de l'école, ce n'est pas encore quelque chose de ritualisé chez eux contrairement aux plus âgés."
D'autant qu'à la sortie du premier confinement l'année dernière, il restait peu de temps d'école. À peine deux semaines. La fête de l'école, les élèves n'avaient pas vraiment eu le temps d'y penser. Cette année, ils seront allés plus longtemps en classe avant de ranger leurs affaires. Le temps de se dire "peut-être que..."
On ne pourra pas leur dire vraiment au revoir.
Un rite de passage vers le collège
"Honnêtement, on ne leur en a pas du tout parlé en leur faisant croire qu'il allait y avoir une fête de fin d'année. C'est chez les grands, les pauvres CM2, qu'il y a surtout de la déception : ça fait deux fois de suite et c'était les deux dernières fêtes d'école pour eux, s'attriste Caroline Tellier. C'est dur pour eux : passer au collège sans fête d'école, franchement, c'est dur. Les émotions seront différentes."
Dur aussi pour les équipes éducatives de quitter des enfants dont beaucoup sont scolarisés dans l'école depuis si ce n'est la maternelle au moins le CP. "Moi, ça me manque. Le côté festif de fin d'année... avoue notre directrice d'école d'Amiens. Mais c'est quand mieux que l'année dernière : parmi ceux qui passaient en 6ème, il y en a qui ne sont pas revenus après le confinement et qu'on n'a pas revu du tout. C'était tristoune quand même."
Et Gabin, 10 ans, écolier en CM2 à Amiens de confirmer : "je vais passer en 6ème sans ma fête d'école. Je ne vais même pas pouvoir dire au revoir à mon école".