Nouveau rebondissement spectaculaire.
Par l'un de ces coups de force qui ont marqué la saga du Brexit, le Parlement britannique, appelé par Boris Johnson à se prononcer sur son accord
de sortie, l'a contraint samedi à demander un report, relançant l'incertitude à 12 jours seulement de la date prévue du divorce.
Il devait s'agir d'une séance historique et le vote s'annonçait serré. Les députés devaient décider s'ils approuvaient l'accord arraché laborieusement à Bruxelles par un Boris Johnson triomphant, permettant une sortie en douceur de l'Union européenne le 31 octobre, ou s'ils le renvoyaient dans ses cordes, lançant une nouvelle confrontation.
A la place, ils ont repoussé leur décision, approuvant par 322 voix (306 contre) un amendement suspendant tout feu vert du Parlement à l'adoption d'une loi d'application de l'accord. A défaut d'accord formellement approuvé, ce texte déclenche de facto une loi existante qui oblige Boris Johnson à demander à l'UE un report de trois mois du Brexit en cas de "no deal"... sans pour autant enterrer l'accord obtenu de haute lutte à Bruxelles.
Pour ses partisans, il vise à donner plus de temps aux députés pour débattre de l'accord dans ses détails sans risquer un "no deal" le 31 octobre s'ils n'ont pas fini. Nous avons voté "clairement pour éviter une sortie brutale sans accord de l'Union européenne", a salué le chef de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn. "Le Premier ministre doit désormais respecter la loi".
Mais arrivé au pouvoir fin juillet sur la promesse de réaliser le Brexit à tout prix le 31 octobre, Boris Johnson est vent debout contre tout report de
la sortie de l'UE, initialement prévue le 29 mars et déjà repoussée deux fois.
"Je ne négocierai pas de report avec l'UE", a-t-il déclaré après ce revers. "Un nouveau report serait mauvais pour ce pays, mauvais pour l'Union européenne et mauvais pour la démocratie", a-t-il ajouté.
"Je ne négocierai pas de report avec l'Union européenne", a réagi le Premier ministre Boris Johnson après l'approbation de l'amendement visant à donner plus de temps aux députés pour débattre de l'accord #Brexit
— franceinfo (@franceinfo) October 19, 2019
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Ne pas se laisser "attirer"
Il a appelé les 27 pays membres, dont l'aval unanime est requis, à ne pas se laisser "attirer" par un report. C'est à Londres de nous donner la marche à suivre "dès que possible", a réagi la Commission européenne. Inflexible, Boris Johnson a assuré qu'il présenterait "la semaine prochaine" au
Parlement la législation nécessaire à la mise en oeuvre du Brexit.
L'amendement voté samedi, qui porte le nom de son promoteur, l'ex-tory Oliver Letwin, laisse le Royaume-Uni en plein flou sur la manière dont il va sortir de l'Union européenne. La perspective d'un "no deal" est redoutée des milieux économiques, car il pourrait entraîner selon les prévisions du gouvernement lui-même des pénuries de denrées alimentaires, d'essence ou encore de médicaments.
Boris Johnson avait enjoint samedi aux députés d'adopter sans délai l'accord de divorce, à l'ouverture d'une séance exceptionnelle de la Chambre des communes, réunie pour la première fois un samedi depuis 37 ans. Arguant qu'il constitue "la meilleure solution possible", il avait indiqué que le texte permettrait de réunir à nouveau le pays, très divisé sur le Brexit depuis son vote par référendum en 2016. Très divisés, les députés avait rejeté à trois reprises le compromis négocié par l'ex-Première ministre Theresa May.
Arraché à l'issue de négociations laborieuses avec l'UE, ce nouvel accord règle les conditions du divorce après 46 ans de vie commune, permettant une sortie en douceur assortie d'une période de transition courant au moins jusqu'à fin 2020.
Nouveau référendum
Boris Johnson s'était démené ces derniers jours pour convaincre les députés, réussissant à convaincre les Brexiters les plus durs de son Parti conservateur. En revanche, les partis d'opposition ont opposé une fin de non-recevoir à l'accord.
Les unionistes nord-irlandais du DUP, pourtant alliés de Boris Johnson à Westminster, ont aussi dit leur opposition à un texte qui octroie un statut différent à l'Irlande du Nord, inacceptable pour eux. Pendant que le Parlement débattait de l'accord, des dizaines de milliers de manifestants ont réclamé dans le centre de Londres la tenue d'un second référendum, seul moyen selon eux de résoudre la crise.
"Le premier référendum, c'était comme un saut dans un train sans destination. Maintenant, nous en avons une, et nous avons besoin d'un second référendum", a dit l'un d'eux à l'AFP, Douglas Hill, 35 ans. L'accord de Boris Johnson est censé résoudre le casse-tête de la frontière irlandaise,
sur laquelle avait buté le processus jusqu'à présent. L'objectif est d'éviter le retour d'une frontière physique entre l'Irlande du Nord britannique et la république d'Irlande, membre de l'UE, pour préserver la paix sur l'île.
Pour cela, il maintient sur le papier l'Irlande du Nord dans le territoire douanier britannique mais prévoit un régime spécial pour les marchandises arrivant dans la province britannique, selon que celles-ci sont destinées à y rester ou à passer dans le marché unique européen.