Vols, braquages, prison et libération: avant de semer la mort à Bruxelles au nom du jihad, les frères kamikazes Ibrahim et Khalid El Bakraoui étaient des caïds endurcis dans les faubourgs bruxellois.
Et c'est la capture la semaine dernière du seul survivant du commando jihadiste à l'origine des attentats de Paris, Salah Abdeslam, qui a semblé pousser les deux frères traqués à passer à l'acte. Ibrahim, 29 ans, l'un des deux kamikazes qui s'est fait exploser mardi matin à l'aéroport de Bruxelles, avait été condamné en 2010 à neuf ans de prison pour avoir tiré sur des policiers à la kalachnikov après un braquage, puis libéré sous condition en 2014. A cette période, l'organisation Etat Islamique (EI) gagne du terrain en Irak et en Syrie au point de proclamer un "califat" sur des pans de ces deux pays. Des milliers d'apprentis jihadistes affluent dans la région. Ibrahim serait l'un d'eux. En juin 2015, il est arrêté par la Turquie à Gaziantep, tout près de la frontière syrienne, avant d'être expulsé. "Bien que nous les ayons informées que cet individu était un combattant terroriste étranger, les autorités belges n'ont pas été en mesure d'identifier ses liens avec le terrorisme", a souligné le président turc Recep Tayyip Erdogan sans le nommer. "Il n'y a, c'est certain, pas eu d'extradition" vers la Belgique, a répliqué le ministre belge de la Justice, Koen Geens. Selon lui, Ibrahim, qui était alors "un criminel de droit commun en liberté conditionnelle", a été renvoyé "vers les Pays-Bas".
Mardi, la police belge a retrouvé ce qui est qualifié de "testament" rédigé par Ibrahim, sur un ordinateur abandonné dans une poubelle dans la commune bruxelloise de Schaerbeek, au pied de l'immeuble où les assaillants ont notamment fabriqué leurs bombes et d'où ils sont partis en taxi vers l'aéroport avec des sacs noirs bourrés d'explosifs. Ibrahim El Bakraoui écrit "être dans la précipitation, ne plus savoir quoi faire" car il est "recherché de partout" et estime "ne plus être en sécurité", a raconté le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw. Le message ne comporte aucune référence connue à l'EI, qui a revendiqué les attentats de Paris et Bruxelles. Il stipule que "s'ils (les frères El Bakraoui) s'éternisent, ils risquent de terminer à côté de lui dans une cellule", sans préciser qui est ce "lui".
De l'école catholique au jihad
Khalid, 27 ans, s'est lui fait exploser à la station de métro Maelbeek, tout près des institutions européennes. Et comme son frère, il est passé par la case "prison". En 2011, il est condamné à cinq ans de prison pour des vols de voitures violents. De voyous au parcours nébuleux, les deux frères sont projetés à l'avant-scène médiatique la semaine dernière lorsque la traque de Salah Abdeslam s'intensifie après une perquisition dans un appartement à Forest, une commune de Bruxelles, qui tourne en fusillades. Le jeune Khalid, fiché pour "terrorisme" par Interpol, est soupçonné d'avoir loué ce logement sous une fausse identité. Et la police fait le lien avec un autre appartement loué à Charleroi également avec de faux papiers. Or c'est de cette ville du sud de la Belgique qu'étaient partis des commandos avant de commettre les attentats à Paris (130 morts), notamment Chakib Akrouh, membre du trio ayant semé la mort sur les terrasses parisiennes, et Abdelhamid Abaaoud, considéré comme l'un des architectes des attaques.Les frères El Bakraoui ont eu un complice, désormais identifié, selon des sources policières, parmi les deux kamikazes de l'aéroport de Bruxelles: il s'agit de Najim Laachraoui. Né au Maroc, Lachraoui est soupçonné d'être l'artificier de Paris. Des traces de son ADN ont été découvertes sur des explosifs utilisés dans les attaques de novembre. Il était activement depuis le 4 décembre. Comme les frères El Bakraoui, Laachraoui a grandi à Bruxelles, dans le quartier de Schaerbeek où il a fréquenté pendant six ans le lycée catholique Sainte-Famille. "C'était un élève normal", a déclaré un responsable de l'école. En 2009, Laachraoui obtient son diplôme en électronique, selon un document posté sur le site de l'établissement. Quatre ans plus tard, en septembre 2013, il part pour la Syrie parmi les premiers "contingents" de jihadistes venus d'Europe, pour combattre au sein de l'EI sous le nom d'Abou Idriss, selon des médias. En septembre, il réapparaît en Europe, contrôlé par la police sous une fausse identité, dans une Mercedes conduite par Salah Abdeslam.