Deux bureaux de vote séparés, un pour les élections régionales et un pour les élections départementales. C’est ce que demande le Ministère de l’Intérieur aux maires pour l’organisation des scrutins des 20 et 27 juin. Un véritable casse-tête.
La circulaire adressée aux maires est datée du 28 avril. Elle leur détaille les dispositions à prendre pour l’organisation des élections départementales et régionales des 20 et 27 juin, en cette période de crise sanitaire. Principale mesure : "les bureaux de vote et les opérations électorales doivent être physiquement dédoublées." Autrement dit : un bureau spécifique et autonome pour les départementales et un bureau spécifique et autonome pour les régionales. Les deux bureaux peuvent être dans une même salle, si cette salle est assez grande. Sinon, il faut trouver un autre lieu, si possible à proximité, pour éviter qu’un électeur fasse dix minutes de marche à pied pour aller d’une urne à l’autre. Question de bon sens.
Suit toute une batterie de consignes : possibilité de n’avoir qu’un président et qu’un secrétaire pour deux bureaux, quand ces bureaux sont dans une même salle ; pas plus de trois électeurs par bureau, masques à disposition pour les électeurs qui n’en ont pas, vaccination ou test récent pour tous ceux qui organisent le scrutin, limitation du nombre de personnes assistant au dépouillement… la liste est longue.
"Et maintenant… à nous de nous démerder ! Comme d’habitude !" peste le maire (DVG) de Coudekerque-Branche. Dans cette commune de 22 000 habitants, près de Dunkerque, il y a habituellement 17 bureaux de vote. "On passe donc à 34, explique David Bailleul. Il y a des bureaux que je peux facilement dédoubler parce qu’ils sont dans une école, et donc, avec des surfaces disponibles. Mais, ailleurs, là où les salles sont trop petites, ça va être très compliqué. Où trouver un endroit pour ouvrir un deuxième bureau de vote, sans qu’il soit trop éloigné du premier, sans bousculer les habitudes des électeurs, sans aggraver l’abstention qui sera déjà très forte ? Où trouver les présidents, les secrétaires, les assesseurs pour 34 bureaux de vote ? Tous vaccinés à temps ? Aujour d’aujourd’hui, je n’ai pas encore la solution."
Décidément, de choix en choix, nos gouvernants nous montrent qu’ils sont à côté de leurs pompes.
A cent kilomètres de Coudekerque-Branche, le village de Héricourt, dans le sud du Pas-de-Calais. Deux rues. 77 votants. "Des urbains parlant aux urbains, voilà ce qu’est cette circulaire", soupire le maire (SE) Mickaël Poillion. "Si je l’applique à la lettre, 30% de ma population deviennent assesseurs ! Et vue l’abstention qui nous attend, j’aurai peut-être plus d’assesseurs que de votants ! Vacciner tout le monde avant le 20 juin… c’est chaud. Les délais sont courts. Décidément, de choix en choix, nos gouvernants nous montrent qu’ils sont à côté de leurs pompes. Ils montrent leur incapacité à « relocaliser » les problèmes. La même circulaire pour mon village, pour Lille et Amiens. On vit en « absurdie permanente. Et nous, on doit s’adapter… et on s’adapte."
Héricourt dispose d’une salle des fêtes de 60 m2 qui pourra accueillir le bureau de vote des élections départementales et celui des élections régionales. "Heureusement, ironise Mickaël Poillion, sinon on finissait dans l’église ou chez l’habitant."
Cet agriculteur de 43 ans fait partie de ces élus qui avaient été scandalisés par la consultation express du 9 avril dernier, demandant à tous les maires de France si « oui ou non » ils étaient favorables à la tenue des scrutins de juin. "Un simple mail le vendredi soir avec réponse attendue avant lundi… quelle indélicatesse, quel amateurisme, quelle arnaque" estime Mickaël Poillion. "Il n’y avait pas d’urgence à voter pour les départements et les régions. Ca ne changeait rien." Sans hésiter, le maire d’Héricourt avait choisi le camp du non. Comme 40% de ses collègues.
Au moins, on ne nous demande plus de dépouiller dehors ! On avait commencé à embaucher des « voltigeurs » chargés d’attraper les bulletins emportés par le vent.
Bernard Gérard, lui, avait voté « oui ». Le maire (LR) de Marcq-en-Baroeul, située dans la Métropole Lillois, choisit l’humour. "Au moins, on ne nous demande plus de dépouiller dehors ! On avait commencé à embaucher des « voltigeurs » chargés d’attraper les bulletins emportés par le vent."
Plus sérieusement, le maire de cette ville de 40 000 habitants s’attend à "quelque chose de compliqué". Il lui faut dédoubler 28 bureaux de vote. Quelques-uns seront sur deux sites distincts. "Je commence à battre le rappel, explique Bernard Gérard. Rien que pour le personnel municipal, il faut trouver 168 personnes qui peuvent se libérer deux Dimanches d’affilée pour l’organisation et le bon déroulement des scrutins. 168 personnes vaccinées ! Il nous faut aussi doubler le matériel, comme les panneaux électoraux et les urnes. C’est un gros boulot."
Tous remontés les maires ? Il y en a un qui semble aborder les élections avec le plus grand calme – c’est dans sa nature - c’est le maire (DVD) de Steenvoorde, dans les Flandres. Jean-Pierre Bataille avaient trois bureaux de vote pour 3 300 votants, répartis sur deux sites, une salle des fêtes et une salle annexe. Le doublement des bureaux l’oblige à rapatrier les six bureaux dans un seul endroit : la salle de sports. "Je me dis que ce sera plus simple et mieux qu’avant."