Eurotunnel : les salariés sont retranchés dans un "camp de guerre"

Alors que les intrusions se multiplient sur le site d'Eurotunnel, le malaise grandit chez les salariés du groupe qui ont l'impression de se retrouver dans un "camp de guerre", selon Philippe Vanderbec, représentant syndical CGT et conducteur de train.

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Quelles sont les conséquences des intrusions massives pour les salariés ?
Philippe Vanderbec : "Aujourd'hui on est plutôt dans un camp de guerre. Le premier sentiment des salariés, c'est que c'est dramatique d'être confronté à une misère, c'est politique, ça nous dépasse. Ce sont des gens qui fuient des conflits, la guerre, et ils se retrouvent au bout de leur périple à Calais, sur le site Eurotunnel, que nous, pour nous protéger, pour pouvoir assurer correctement un service, nous sommes en train de nous décliner en camp retranché. On vient d'avoir un dixième décès sur le site. Sur l'année 2002 (autre vague migratoire, avec un afflux notamment de Kosovars, ndlr), grosso modo on a eu une dizaine de blessés sur le site sur une année. Aujourd'hui le moral des salariés est complètement en berne. Psychologiquement c'est compliqué. Voir des graves accidents, jusqu'à la mort, on n'est pas formé pour. Dans la population des conducteurs, on a du personnel féminin. Une quinzaine de conductrices. Ce n'est pas évident pour une dame de tirer un train la nuit et se demander, "est-ce que ce sera moi la prochaine personne qui va blesser ou tuer quelqu'un ? ".

De quelle façon le site est-il en train d'être sécurisé ?
"On a augmenté de manière drastique le barbelé "concertina", employé par les forces de l'Otan, avec des lames de rasoir. C'est pour protéger les bases militaires. L'entreprise a mis des grandes barrières pour protéger les plateformes. Le site d'Eurotunnel c'est une gare où on a toutes nos voies de départ, nos trains sont stationnés. On est en train de sécuriser un maximum les voies de départ par des grilles qui viennent d'Angleterre, de 5 mètres de hauteur, du grillage très épais, pour éviter qu'il soit découpé. C'est impressionnant. Côté humain on a en présence de manière systématique toutes les nuits toute la journée les CRS, la gendarmerie mobile. Notre sécurité interne, c'est pas une milice, ils ne sont pas prévus à cet effet, c'est simplement pour sécuriser le site".

Quelles sont les conséquences sur l'organisation du trafic ?
"En mode normal on tourne à 3 voire 4 départs par heure en mode fret la nuit. Aujourd'hui, alors que les attaques sont plus importantes vers 3H00 du matin, jusqu'à 6H00-7H00, si on arrive à faire une ou deux navettes c'est bien. Le créneau horaire des intrusions, est relativement assez court sur 24 heures puisque les journées sont assez longues. Quand on va attaquer les nuits d'octobre-novembre, les intrusions seront un peu plus massives, plus longues, et joueront sur le moral des salariés. Il faut le voir. On pourrait penser qu'on grossit les choses mais ce n'est pas du tout le cas. On est face à des gens qui sont déterminés pour obtenir le Saint-Graal, une liberté, ils cherchent quelque chose de l'autre côté qui est important à leurs yeux et ils se mettent en danger".
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