Plusieurs villes des Hauts-de-France ont décidé d'exonérer les restaurateurs des droits de terrasses. Une aide financière qui permet de relancer l'activité mise à mal depuis le début de la crise sanitaire.
Le moment tant attendu arrive à grand pas : il sera bientôt possible de s'attabler en terrasse pour prendre un verre ou dîner entre amis. Dans le quartier Saint-Leu d'Amiens, lieu privilégié des jeunes et des moins jeunes pour la vie nocturne, les bars et restaurants se préparent.
"On est hyper prudents, on est tous là avec nos mètres sur nos terrasses pour mesurer", plaisante le gérant du Ad'hoc, un bar-restaurant du quartier Saint-Leu à Amiens. Car le retour à la normale n'est pas pour tout de suite : pendant plusieurs semaines au moins, il faudra respecter une distance de deux mètres entre chaque table et organiser la circulation entre les tables. "On veut rouvrir, on veut pouvoir revivre sans que ça recommence, sans avoir à être reconfinés. On est optimistes, même si on sait que ça va être difficile."
A la réouverture, promis, nous accueillerons tout le monde doté d’un bonne esprit et ayant envie de renouer avec la BAMBOCHE, le partage, la convivialité, la bonne humeur, le rire, la joie pour que les soirées soient belles et les rencontres inoubliables pic.twitter.com/OnuHBwS6m2
— Thierry Martin (@Thierry15353782) April 28, 2021
Le "droit de terrasse", une redevance à payer à la commune
Difficile entre autres financièrement, car le retour des clients signifie également le retour de certaines charges. Notamment pour installer une terrasse : les commerçants doivent obtenir une autorisation d'occupation temporaire du domaine public délivrée par la mairie, et s'acquitter d'une redevance. Le tarif est fixé en fonction de la taille, de l'emplacement et de la durée d'ouverture sur l'année.
L'année dernière, après le premier confinement, de nombreuses villes ont proposé d'exonérer les restaurateurs de cette redevance aussi appelée "droit de terrasse" ou "droit de voirie", pour pallier le manque à gagner des trois mois de fermeture. Mais la deuxième vague a sévi et les restaurateurs ont dû accuser le coup avec sept mois supplémentaires de fermeture. La réouverture va se faire progressivement et commencer par les terrasses, le 19 mai.
"Moi, je paye environ 12 000 euros euros par an de droit de terrasse, explique Thierry Martin. Mais là, on va avoir utilisation à demi-jauge donc on ne fera pas les recettes habituelles. D'ailleurs, on dit demi-jauge, mais pour respecter les deux mètres entre les tables, je ne pourrais pas aller au-delà de 35 ou 40% d'occupation... et ce sera une partie de Tétris !"
Une exonération temporaire
En passant de 120 à 40 places, impossible évidemment de réaliser le chiffre d'affaires habituel. "Sans compter qu'il y aura encore le couvre-feu à 21h jusqu'au 9 juin... Les meilleures heures pour notre affaire, c'est à partir de 21h, jusqu'à 3h du matin. Donc les 150 000 euros de recettes qu'on fait habituellement aux mois de mai et juin, on ne les fera pas cette année."
Un constat partagé par de nombreux restaurateurs qui, comme lui, sont installés dans des quartiers qui vivent la nuit et dont les terrasses font le charme. Pour toutes ces raisons, la mairie d'Amiens, comme d'autres, a décidé de renouveler temporairement l'exonération du droit de terrasse. "Tout le monde était d'accord au conseil municipal. On exonère les terrasses pour tout le premier semestre, c'est à-dire jusqu'au 30 juin au moins, explique Nathalie Lavallard, adjointe en charge du commerce. On a également décidé d'autoriser certains à agrandir leur terrasses, et à ceux qui n'ont pas de terrasses d'en créer une, quand c'est possible."
Une mesure intéressante, voire essentielle, pour Thierry Martin, mais encore insuffisante. "On va avoir une utilisation incomplète de la terrasse jusqu'à la fin juin, et il faudra repayer dès le mois de juillet. Ca va être compliqué financièrement. J'espère que la mairie va faire un geste et appliquer l'exonération jusqu'à la fin de l'année."
Sur cette question l'élue au commerce se veut rassurante : elle travaille actuellement avec les représentants des commerçants et des restaurateurs pour proposer de nouvelles aides, et peut-être le renouvellement de l'exonération, partielle ou totale, au deuxième semestre 2021.
"C'est une priorité d'accompagner la sortie de crise"
À Compiègne dans l'Oise, le maire table d'office sur une exonération jusqu'au 31 août. Il ne peut en décider seul, et compte donc soumettre cette mesure au prochain conseil municipal. "Je n'ai aucun doute sur le fait que le conseil municipal me suivra, assure Philippe Marini. Nous avions pris les mêmes mesures en 2020, d'une part la gratuité des terrasses, et d'autre part l'extension des terrasses au cas par cas, en fonction de la voirie disponible et de l'avis des restaurateurs voisins, pour mieux respecter les distances et donner un petit coup de fouet à l'activité."
Pour Compiègne, qui compte une petite centaine de bars et restaurants, le droit de terrasse représente habituellement 50.000 euros de recettes pour la commune. Mais le maire n'est pas inquiet et ne craint pas de trou dans le budget. "C'est une priorité pour nous d'accompagner la sortie de crise. De toute façon, on avait décidé du budget de manière prudente, en sachant qu'on n'aurait probablement pas ces revenus-là, précise-t-il. D'autre part, il y a des dépenses qui n'ont pas été faites, comme les déjeûners et sorties culturelles pour les séniors que nous n'avons pas pu organiser cette année."
Le "village préféré des Français" investit
Mais pour de plus petites communes, les mesures d'aides aux restaurateurs et cafetiers représente une part importante du budget. À Cassel, dans les Flandres françaises, on compte une vingtaine de professionnels de la restauration, de la friterie au restaurant étoilé, pour 2 300 habitants. Dans cette commune élue "village préféré des Français" en 2018 et qui attirent chaque année de nombreux touristes, la mairie a décidé d'investir de belles sommes pour relancer l'activité.
La gratuité des terrasses a été décidée non seulement pour toute l'année 2020, mais aussi pour toute l'année 2021. "En termes de budget, c'est 4 500 euros de pertes de ressources par an. Ce n'est pas si énorme que ça, car déjà à l'origine, nos tarifs sont bas, explique Fabrice Duhoo, adjoint à la mairie en charge de l'essor économique. C'est sûr que pour une commune comme la nôtre, ça nécessite une vraie réflexion en termes de budget, mais on veut faire cet effort pour les soutenir." Et la municipalité a même décidé d'aller plus loin : pendant le premier confinement, des travaux ont été faits pour réaménager les terrasses. "On a profité de la fermeture pour tout refaire entièrement, car la structure se déformait à cause d'infiltrations d'eau." Coût de l'opération : 80 000 euros.
Repenser l'espace public
S'ils ne s'agit pas toujours de travaux aussi conséquents, d'autres communes repensent l'aménagement de l'espace public pour faciliter l'extension des terrasses existantes, ou la création de nouvelles terrasses. À Cambrai, l'élu délégué au commerce Alban Dobremetz rencontre tour à tour les restaurateurs pour évaluer leurs besoins. "Pour ceux qui n'ont pas de terrasses, ou des toutes petites, on a par exemple prévu de bloquer certaines rues. On travaille en concertation avec la police nationale pour assurer la sécurité et aider les restaurateurs à gérer l'afflux de monde." Un gros travail de préparation donc, mais il estime que ça en vaut la chandelle. "On veut redonner de la joie aux Cambraisiens, qu'ils puissent revivre, tout en gardant les mesures de sécurité."
En 15 jours, il a déjà rencontré 45 professionnels, sur les plus de 130 que compte la ville. "C'est important qu'ils ne se sentent pas seuls et qu'ils se sentent soutenus par la municipalité. On discute aussi avec eux pour voir s'ils ont bien touché les aides de l'Etat, et tout simplement pour savoir s'ils vont bien, eux, personnellement." Ici, l'exonération de la redevance est prévue jusqu'au 22 juin. "Ensuite, on en reparlera, on verra comment évoluent les mesures sanitaires. S'il y a encore la nécessité de mettre de la distance entre les tables, je pense qu'on rendra au moins gratuite l'extension."
Ailleurs, comme Lille et Tourcoing ont également fait le choix de petits aménagements urbains, comme la suppression de places de stationnement, pour permettre aux restaurateurs d'étendre leurs terrasses. Pour faciliter l'accès aux commerces, la mairie de Lille a même décidé de pérenniser la piétonnisation du centre-ville, expérimentée depuis mai 2020. Les villes de Laon et Soissons envisagent également de piétonniser certaines rues du centre-ville, pour concilier extensions des terrasses et impératifs de sécurité.
Des nouvelles qui tombent à pic pour les gérants de bars et de restaurants, quelques semaines avant le début de l'Euro de foot et la Fête de la musique, deux événements qui devraient aider l'activité à repartir.