Le tribunal correctionnel de Bruxelles rend lundi son jugement à l'encontre du jihadiste français Salah Abdeslam, qui risque 20 ans de prison pour sa participation à une fusillade avec la police, trois jours avant son arrestation en mars 2016 dans la capitale belge.
C'est la première fois qu'un tribunal statue sur le sort du seul membre encore en vie des commandos jihadistes qui ont attaqué Paris le 13 novembre 2015, faisant 130 morts. Cela se passera en son absence. Salah Abdeslam, incarcéré en région parisienne depuis deux ans, ne devrait pas être extrait de cellule pour la lecture du jugement, prévue à partir de 8h45.
Et sauf surprise, son complice présumé dans la fusillade, Sofiane Ayari, jihadiste tunisien de 24 ans, sera également absent, selon Luc Hennart, président du tribunal de première instance francophone de Bruxelles.
Lors du procès début février, où les deux prévenus répondaient notamment de "tentative d'assassinat sur plusieurs policiers dans un contexte terroriste", aucun d'eux n'avait voulu s'expliquer sur les faits. Et Salah Abdeslam avait assumé, pour sa première apparition publique depuis son arrestation, un profil d'islamiste convaincu en défiant la justice dès l'ouverture des débats.
Ce Français d'origine marocaine de 28 ans, ancien petit délinquant de la commune bruxelloise de Molenbeek, avait refusé de répondre aux questions, affirmant "placer sa confiance en Allah et c'est tout". Il n'était pas revenu le second jour, laissant Ayari seul face aux juges.
Son ADN sur les lieux
Le 15 mars 2016, c'est lors d'une perquisition de routine dans un logement supposé vide --dans le cadre de l'enquête sur le 13 novembre--, que des policiers belges et français avaient été visés par des tirs d'armes automatiques rue du Dries à Forest, autre commune de Bruxelles. Quatre d'entre eux avaient été blessés, et un jihadiste algérien de 35 ans tué fusil en mains en couvrant la fuite d'Ayari et d'Abdeslam --dont les enquêteurs retrouveront rapidement une empreinte ADN sur les lieux.
Ce raid policier avait précipité la fin de la cavale de celui qui était alors l'homme le plus recherché d'Europe. Abdeslam avait été arrêté le 18 mars à Molenbeek avec Ayari.
Au procès, accusation et parties civiles ont rappelé le contexte de la fusillade, survenue dans une des multiples planques belges de la cellule jihadiste à l'origine des attaques du 13 novembre. Un groupe dont d'autres membres allaient commettre une semaine plus tard, le 22 mars 2016, les attentats-suicides de Bruxelles (32 morts), également revendiqués par l'organisation Etat islamique (EI).
Pour justifier la peine de 20 ans de prison réclamée contre Abdeslam et Ayari --soit le maxmimum pour les faits jugés--, la représentante du parquet fédéral Kathleen Grosjean avait fustigé leur "ancrage sévère" dans l'idéologie de l'EI, et leur absence de regrets pour ces tirs d'une "extrême gravité".
"Folie médiatique et sécuritaire"
"En entendant "Police" à la porte, pourquoi n'ont-ils pas fui ? Le fait qu'ils soient restés signifie bien que leur but était de combattre l'ennemi, de tuer les policiers s'ils étaient découverts", avait lancé Mme Grosjean, décrivant "une véritable scène de guerre". Parmi les policiers blessés, un membre des unités spéciales touché à la tête n'a jamais pu reprendre le travail en raison de ses lésions cérébrales, avait raconté son avocat.
De leur côté, les avocats des prévenus avaient mis en garde le tribunal contre la tentation d'être influencé par "la folie médiatique et sécuritaire" entourant ce procès, et imploré son impartialité. "Ce dossier est pollué par tout ce que vous avez lu, vu, entendu", avait lancé Me Sven Mary, qui défend Abdeslam.
Ce lundi le palais de justice de Bruxelles vivra de nouveau sous haute sécurité pour le prononcé de la décision par la juge Marie-France Keutgen, qui a présidé l'audience.
Salah Abdeslam est un suspect-clé du 13 novembre 2015. Les investigations ont montré qu'il a déposé ce soir-là les trois kamikazes du Stade de France, près de Paris, avant d'abandonner une ceinture explosive. Ce qui laisse penser qu'il devait lui aussi mener une attaque suicide, même si au final la ceinture s'était avérée défectueuse. Le Français est aussi soupçonné d'avoir convoyé à travers l'Europe à la fin de l'été 2015 dix jihadistes. Parmi eux, un certain Sofiane Ayari, qui avait rejoint l'EI en Syrie fin 2014.