Un camp de migrants aux normes internationales, premier du genre en France, avec des bungalows chauffés, a ouvert ses portes lundi à Grande-Synthe (Nord), mais une mise en demeure de la préfecture sur sa sécurité pourrait suspendre le processus.
"Inquiet des dangers relevés par la commission communale de sécurité", le préfet Jean-François Cordet a "mis en demeure le maire de Grande-Synthe de rapporter sans délai l'arrêté municipal" de lundi qui autorise "malgré l'avis défavorable de ladite commission" l'ouverture de ce camp, a-t-il annoncé dans un communiqué lundi soir.
Plusieurs cars de migrants, transportant quelque 400 personnes selon la mairie, étaient arrivés dans la journée au camp dit "de la Linière" en provenance du camp illégal de Basroch, distant de 1,5 km. Dans ce dernier, vivaient jusqu'à présent 1.050 migrants dans des condition particulièrement insalubres.
Le maire (EELV) de Grande-Synthe, Damien Carême, était passé outre l'avis consultatif des représentants de la police et des pompiers venus sur place lundi et avait validé les dispositions de sécurité.
Mais la mise en demeure du préfet du Nord, lundi soir, pourrait suspendre l'ouverture du camp. Il a en effet enjoint M. Carême de "prendre sans délai les mesures compensatoires visant à assurer la sécurité des occupants, tout particulièrement durant les nuits". "Il s'agit de limiter les risques d'incendie, d'alerter les occupants lorsqu'un sinistre se déclare, de favoriser leur évacuation, d'alerter les services de secours et de faciliter leur intervention. La sécurité des personnes est en jeu et on ne peut méconnaître les règles l'assurant, quels que soient les motifs humanitaires", a expliqué la préfecture.
"C'est le bras de fer qui continue"
"C'est le bras de fer qui continue" avec l'Etat, avait réagi le maire plus tôt dans la journée, lorsque le préfet avait d'abord demandé l'organisation d'une commission de sécurité. "Je n'imaginais pas qu'ils étaient capables d'aller si loin en me mettant autant de bâtons dans les roues", avait-il protesté.La plupart des migrants du camp de Basroch, qualifié de "camp de la honte" par le préfet, sont des Kurdes irakiens. Comme Majied Kaveen, 35 ans, originaire de Kirkouk, qui y a passé 40 jours: "Certains y ont vécu neuf mois, je ne sais pas comment ils ont fait...", a-t-il dit à l'AFP, "très heureux" de "rejoindre un abri".
Constitué de petits bungalows en bois, chauffés et prévus pour quatre personnes, ce nouveau camp, monté par MSF et la mairie, sera géré par l'association Utopia56. "Il y a aujourd'hui 220 cabanons disponibles, pouvant loger au moins 1.500 personnes. On espère en avoir 375 à court terme", soit une capacité de 2.500 places, selon la coordonnatrice de MSF Angélique Muller. "Je pallie une faille de l'Etat", a déclaré M. Carême, qui disait ne plus pouvoir "supporter les images de ce camp et de ces enfants".
Situé dans la banlieue de Dunkerque, le camp de la Linière doit coûter 3,1 millions d'euros. MSF doit apporter 2,6 millions d'euros, Grande-Synthe
et la communauté urbaine de Dunkerque (CUD) 500.000 euros environ, a précisé Mme Muller. Le camp sera divisé en six zones, comportant chacune douches et toilettes, ainsi qu'un ou deux "espaces de vie: cuisine, école, etc.", a détaillé un responsable de MSF.
A la différence du Centre d'accueil provisoire jouxtant la "Jungle" de Calais et constitué de conteneurs, le camp ne sera pas clôturé: "On ne veut pas d'une prison à ciel ouvert", ont martelé MSF et la mairie. Dès le départ, le gouvernement s'y est déclaré hostile. "La politique de l'Etat n'est pas de reconstituer un camp à Grande-Synthe, mais bien de le faire disparaître" pour offrir des "solutions individuelles" aux migrants, avait indiqué mi-février
le préfet du Nord. "J'espère que les autorités (...) vont rembourser l'investissement fait et aussi venir en aide sur le fonctionnement estimé entre 2 et 2,5 millions d'euros par an", a cependant affirmé M. Carême.
Les "maraudes" de fonctionnaires spécialisés ont conduit plus de 580 migrants à demander l'asile et à rejoindre l'un des 102 centres d'accueil et d'orientation (CAO) répartis en métropole, d'après la préfecture. Depuis début janvier, 320 autres personnes ont été hébergées dans le Dunkerquois, dont 150 femmes et enfants, selon la même source. A une quarantaine de km, les travaux de démantèlement de la partie sud de la "jungle"
ont repris pour la seconde semaine consécutive.