Les Allemands sont à Noyon. Cette phrase est devenue une arme politique pendant la Première Guerre. La formule est née sous la plume d'un grand fauve. Le Tigre, Georges Clémenceau.
Depuis des années, Clémenceau distribue ses coups de patte, au Sénat et à l'Assemblée. Clémenceau est un va-t-en-guerre… Il veut secouer le gouvernement Viviani.
Politicien, Georges Clémenceau est aussi journaliste, patron du journal, l'Homme libre. Il multiplie les éditoriaux vengeurs.Mourir n'est rien, il faut vaincre… tel est son credo. Censuré, l'Homme libre devient l'Homme enchaîné. A l'été 1915, Clémenceau veut publier un article, condamnant l'inaction du gouvernement…… Son titre « les Allemands sont à Noyon », formule reprise neuf fois. Nouvelle censure. Qu'à cela ne tienne, le Tigre distribue lui-même l'article à ses collègues parlementaires.
Les Allemands sont à Noyon. La formule devient un totem. Clémenceau la réutilise régulièrement. « Les Allemands sont à Noyon, et nous politiquons…. Misère de misère…. » La France s'émeut. La petite ville de l'Oise est à la mode. Dans une lettre à une amie, Marcel Proust écrit : « Ce n'est pas facile d'avoir du bonheur ni même d'oser en souhaiter tant que les Allemands « sont à Noyon » et ailleurs ».
En mars 1917, les Allemands se retirent.Généraux et politiques se pressent à Noyon. Le président Poincaré décore le maire. L'histoire n'est pas terminée. En 1918, la ville est reprise. Le journal pro allemand La gazette des Ardennes ironise. Les Allemands sont toujours à Noyon. Mais le Tigre aura bel et bien le dernier mot. La guerre gagnée, il peut découvrir une ville devenue champ de ruines.