Judo : une élection en pleine tourmente, au milieu des révélations de violences sexuelles dans le Nord Pas-de-Calais

L'un des sports les plus pratiqués de France traverse une importante crise.

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Fortement secoué par une série de révélations de violences sexuelles, miné par une chute de pratiquants depuis la crise sanitaire, le judo français élit dimanche son président, un duel entre Jean-Luc Rougé, en poste depuis 2005, et son challenger, l'ex-judoka Stéphane Nomis.

500 000 licenciés

Il y a des climats plus sereins précédant des élections fédérales. Le judo, l'un des sports les plus pratiqués en France avec 500.000 licenciés, est en pleine catharsis. Et, comme d'autres, semble découvrir, abasourdi, l'ampleur du mal qui le frappe.

"Ce que traverse le judo est choquant, c'est d'ailleurs assez tendu en ce moment", reconnaît un ex-judoka ayant requis l'anonymat.Depuis près de trois semaines, le judo, comme d'autres sports avant lui, vit au rythme des révélations sur les violences sexuelles. La parole se libère, et les témoignages affluent notamment depuis le récit, dans le Parisien début novembre, d'une ancienne élève racontant avoir été violée par son entraîneur quand elle était mineure.

"Briser l'omerta"

Selon un dernier pointage, une trentaine de cas de violences sexuelles - sur près de 340 tous sports confondus - a été recensée dans le judo par la cellule mise en place en début d'année par le ministère des Sports. "Ca fait beaucoup", y reconnaît-on.
 
La ministre des Sports Roxana Maracineanu a décidé de déclencher une mission d'inspection, dont les conclusions tomberont bien après cette élection, dont les résultats sont attendus dimanche en fin d'après-midi.

"C'est bien que la parole se libère. Il faut briser l'omerta", estime Stéphane Nomis, 50 ans, ancien judoka international, désormais PDG d'une société informatique, et seul candidat face à Jean-Luc Rougé, 71 ans. "Je suis quand même surpris de l'ampleur que ça a dans notre sport, dont on aurait pu penser, vu notre code moral, qu'il ait été moins touché".

Cette tornade emportera-t-elle dimanche l'ancien champion du monde, en place depuis 2005 ? Difficile à dire, même si dans le camp présidentiel on s'attend à "une élection serrée".

"C'est bien que la parole se libère"

"On verra bien. Les gens me connaissent. C'est une période extrêmement difficile que traverse le judo. Je suis bien sûr catastrophé, c'est un vrai choc, et en même temps c'est bien que la parole se libère", a expliqué à l'AFP l'actuel président de la fédération.

Le président sortant a d'ailleurs prévu, s'il était réélu, de consacrer une vice-présidence à la lutte contre les violences sexuelles, ainsi qu'à celle contre le radicalisme. "C'est un vrai fléau, bien plus important que ce que l'on pensait", reconnaît-il.

Au moins une affaire pourrait éclabousser les hautes instances. Jeudi, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Lille pour des faits d'agressions sexuelles à l'encontre de trois victimes visant un ex-membre du comité de direction fédéral âgé d'une soixantaine d'années.

"Mais cela fait des années que le monde du judo bruisse de rumeurs le concernant", assure une ex-judoka sous couvert d'anonymat à propos de ce dossier devenu très sensible.

"Ce n'est peut-être que le début de l'histoire, d'autres victimes vont certainement se signaler", ajoute-t-elle. Sept dossiers concernant cet ancien président de la Ligue du Nord-Pas-de-Calais ont pour l'instant été recensés par la cellule, selon une source ministérielle.
 
Les instances l'ont-elles protégé ? La mission d'inspection et l'enquête judiciaire devraient éclaircir ce point sensible. "Il y en a qui doivent trembler en ce moment", estime la source proche du dossier.

"Les gens veulent du changement"

Cette affaire, comme les autres, pourrait peser lourd dimanche dans le choix qu'effectueront plus de 250 délégués départementaux.

"Il n'y a pas photo, les gens veulent du changement, assure Stéphane Nomis. Mais même avant ça les gens avaient ressenti un malaise. On arrive au bout d'un système de copinage, on est arrivé à la limite de ce fonctionnement."

En plus de ce climat délétère, le judo prend de plein fouet la fermeture des clubs depuis le reconfinement, et perd près de 2.000 adhérents par jour selon une source à la fédération.

Les difficultés économiques à venir pour les clubs, faire revenir sur les tatamis son demi-million de pratiquants, mobiliser les bénévoles dans les clubs : autant de dossiers qui, en plus de celui des violences sexuelles, s'accumulent sur le bureau du prochain président d'une fédération en pleine zone de turbulences.
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