Le blocage de l'A1 par des gens du voyage en procès à Amiens

28 août 2015, début d'un week-end de retour de vacances chargé. Pneus, palettes, poubelles, arbres brûlent sur l'A1, à l'instigation de plusieurs dizaines de gens de voyage. Ce blocage de plusieurs heures vaut à 12 d'entre eux de comparaître en justice mardi à Amiens.

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Quatre jours plus tôt, un homme de 73 ans avait tué au fusil une femme de 19 ans, sa fille de neuf mois et son beau-père, ainsi qu'un gendarme alerté par les tirs. Le drame s'était déroulé dans un camp de manouches à Roye (Somme), à quelques km de là. Le refus par un juge des libertés de laisser sortir de prison le fils de la victime la plus âgée ainsi qu'un proche, le temps d'assister aux obsèques, déclenche la fureur des nomades, qui bloquent l'autoroute Paris-Lille pour faire pression sur la justice.

Le lendemain, la cour d'appel d'Amiens invalide la première décision : ils bénéficieront d'une permission de sortie. Les gens du voyage lèvent aussitôt le barrage. Dans l'intervalle, les autorités ont dû fermer à la circulation l'A1, l'un des axes les plus fréquentés d'Europe, pendant près de 24 heures.

Trois mois passent. Le 23 novembre, 13 personnes sont placées en garde à vue, dont 12 seront renvoyées devant le tribunal correctionnel d'Amiens pour "entraves à la circulation de véhicules" et certains pour "dégradations par incendie" et "vols en réunion".

La fusillade comptait déjà parmi les gros titres de la semaine. Le blocage de l'A1 et surtout le revirement judiciaire sur la permission de sortie donnent une dimension polémique à l'affaire.


'On nous tombe dessus en premier' 

La justice et l'Etat sont notamment accusés d'avoir cédé devant la violence pour la première et de ne pas être intervenu de façon assez musclée pour le deuxième.  "Une telle manifestation, un tel blocage, sont inacceptables, et en tous points contraires à l'Etat de droit", s'était emporté Xavier Bertrand, alors candidat Les Républicains aux régionales en Nord Pas-de-Calais/Picardie.

Marine Le Pen avait pour sa part tweeté: "Autoroute A1 bloquée : une fois de plus un gouvernement dépassé, impuissant, indigne !

Mais pour Me Jérôme Crépin, l'avocat de trois des prévenus, "l'Etat a compris que l'institution judiciaire s'était trompée le vendredi soir". Après le drame, "toute la communauté a pris pour elle cette sanction" de priver d'obsèques certains de ses membres. "Ils se sont dit : on ne sort pas (de prison) parce qu'on est la communauté des gens du voyage", explique-t-il à l'AFP. "Il y a eu le sentiment que nous, les manouches, quand on fait quelque chose,
on nous tombe dessus en premier, et quand on est victimes on ne s'occupe pas beaucoup de nous+", renchérit Me Stéphano Daquo, avocat de deux autres prévenus.

Les deux avocats font une comparaison avec le mouvement des Bonnets rouges, en Bretagne en 2013. Les multiples dégradations et projectiles lancés vers les autorités n'avaient conduit qu'à cinq convocations devant le tribunal. 

"On ne fait pas pression sur la justice et sur l'Etat en bloquant une autoroute", rétorque Bernard Farret, procureur d'Amiens. D'autant, selon le magistrat, que "ceux qui sont poursuivis ne sont pas tous des proches des victimes". La société d'autoroute Sanef, qui avait annoncé avoir perdu un demi-million d'euros à cause du blocage (dont 100.000 euros représentant le coût des dégâts), ainsi qu'un supermarché et un fast-food proches, où avaient été volés des pneus et des palettes, ont porté plainte. Elles pourraient se constituer partie civile mardi.
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