Carottes à Bercy, bureaux de tabac factices, radars encapuchonnés: plusieurs centaines de buralistes ont manifesté mardi dans au moins 80 villes contre le paquet de cigarettes neutres que veut instaurer le gouvernement.
A moins d'une semaine de l'examen du texte au Sénat, la Confédération des buralistes dénonce une mesure qui, selon elle, entraîne des "fermetures nettes de nombreux établissements". "Supprimer les buralistes ne fera pas baisser le tabagisme", proclamaient des pancartes à Toulouse, où la proximité de l'Andorre très bon marché permet à de nombreux fumeurs de s'approvisionner à moindres frais. Une tente aux allures de bureau de tabac factice avait été remplie de paquets neutres, sans logo de marque mais recouverts d'images choc, et baptisée "Tabac chez Marisol", en référence à la ministre de la Santé, Marisol Touraine.
"C'est le musée des horreurs", a déclaré à l'AFP Gérard Vidal, président de la chambre syndicale régionale des buralistes. "On n'a jamais été contre une politique de santé, mais elle ne passe plus par le prix aujourd'hui. Elle passe par la prévention, et par une harmonisation des prix avec les pays voisins", a poursuivi M. Vidal, signalant "la proximité d'Andorre, où le paquet est à 2,95 euros" contre environ 7 euros en France.
A Paris, quatre tonnes de carottes, en référence au symbole stylisé des bureaux de tabac, ont été déversées près du ministère des Finances. Le paquet neutre, "c'est une fausse bonne idée. Cela ne va pas améliorer la santé publique, mais augmenter les trafics", a jugé Philippe Barier, "simple fumeur" venu manifester à Paris avec une cinquantaine de personnes, parfois déguisées en kangourous, clin d'oeil à l'Australie, où le paquet neutre est en place.
Mobilisation à Lille et Arras
La protestation a pris différentes formes à travers la France, de Bordeaux à Caen, en passant par Limoges ou Auch. Dans le Nord pas-de-Calais, les buralistes s'en sont pris à des radars fixes à Arras. A Lille, les manifestants ont accroché aux ballons 100 cartes postales, pour autant de bureaux fermés dans la région depuis le début de l'année.
Le projet de loi santé
Le Sénat entamera lundi l'examen du projet de loi de Santé. La Chambre a supprimé le 22 juillet l'idée du paquet neutre, préférant appliquer une directive européenne, préconisée par les buralistes, qui prévoit de faire passer l'an prochain à 65% la taille des avertissements sanitaires et des photos choc sur chaque face du paquet (contre 30% et 40% sur une seule face aujourd'hui), mais sans supprimer le logo de la marque.Le ministère de la Santé veut cependant aller plus loin et a annoncé la réintroduction du projet de paquet neutre par amendement. Pascal Montredon, président de la Confédération des buralistes, a indiqué à l'AFP avoir été reçu lundi par le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert. Les buralistes dénoncent aussi l'éventualité d'une hausse du prix du paquet à 10 euros, proposée par la députée PS Michèle Delaunay. "On ne peut pas continuer
à creuser la différence de prix avec les autres pays", estime Pascal Montredon. Selon les industriels, la contrebande représente un quart de la consommation en France.
Mme Delaunay a réitéré sa proposition dans un communiqué mardi, la jugeant nécessaire, aux côtés d'autres mesures, "pour sortir du tabac d'ici 2030".
"La Cour des comptes a calculé qu'entre 2004 et 2011, le montant du soutien aux buralistes, toutes aides confondues, s'est élevé à 2,6 milliards d'euros. Quels autres commerces ont bénéficié de telles sommes ?", a-t-elle interrogé dans un communiqué, appelant les buralistes à "arrêt[er] l'agitation" et à "conti[nuer] à travailler positivement ensemble."