"Journée santé morte", "blocage sanitaire", "black friday"... Les professionnels de santé sont invités à faire grève vendredi contre le projet de loi de Marisol Touraine et le tiers payant généralisé. Plus de 80% des cabinets devraient être fermés dans le Nord Pas-de-Calais.
Généralistes, spécialistes et chirurgiens (CSMF, MG France, FMF, SML, Bloc) font front commun avant le retour du projet de loi santé en deuxième lecture à l'Assemblée
nationale lundi prochain, rejoints par d'autres professionnels, comme les dentistes ou les infirmiers libéraux. Des cabinets seront fermés, des opérations programmées dans les établissements privés annulées et les urgences pourront être redirigées vers l'hôpital public.
"Il y aura des blocages sérieux dans certaines villes où les médecins sont extrêmement motivés", comme à Toulouse, Lyon ou Grenoble, estime Lamine Gharbi, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), qui "lutte" contre un texte visant à "réduire en miettes la médecine libérale et l'hospitalisation privée". Dans le Nord Pas-de-Calais, plus de 80% des cabinets de médecins généralistes devraient fermer, selon les syndicats. Des spécialistes (dentistes, chirurgiens...) devraient aussi participer au mouvement.
Opération escargot
Une opération escargot sera aussi organisée autour de Lille. D'Englos vers Lille sur l'A25 et de Lesquin vers Lille sur l'A1 notamment. Aux heures de pointe, à partir de 7h.Le ministère de la Santé a assuré avoir pris toutes les dispositions pour que "chaque patient puisse être pris en charge dans de bonnes conditions". Mais la Fédération hospitalière de France fustige ceux "qui font fi de leurs obligations" et laisseront "seuls les hospitaliers publics répondre aux besoins de santé des Français".
L'objectif de la grève ? "Montrer clairement à toute la France que le monde des libéraux est réveillé et ne laissera pas passer (le projet de Marisol Touraine) sans rien faire" explique Eric Henry, président du Syndicat des médecins libéraux. La mobilisation prendra diverses formes (grève des gardes, opérations escargot, rassemblements à partir de vendredi, manifestation devant l'Assemblée lundi) et se poursuivra "en fonction de ce top départ d'un mouvement unitaire massif", prévient Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF.
Pourquoi cette grève ?
C'est surtout la généralisation du tiers payant à tous les assurés d'ici à 2017 qui est dans le viseur des praticiens depuis plus d'un an. Concrètement, les patients n'auront plus à avancer les frais d'une consultation, les médecins étant remboursés directement par l'assurance maladie et les mutuelles.Peser sur les décrets
Mesure de "justice sociale" ou "usine à gaz" ? Les médecins, qui redoutent des retards de paiement et de nouvelles tracasseries administratives, ont tranché depuis longtemps.
S'ils se disent favorables à un "tiers payant social" pour les patients les plus modestes (bénéficiaires de la CMU-C ou de l'aide à la complémentaire santé), ils appellent à refuser son application à tous.
"Nous ne le ferons pas. Nous ne pouvons pas gérer la complexité du système d'assurance maladie", résume Claude Leicher, rappelant qu'il existe plus de 500 complémentaires
santé. Le gouvernement a toujours promis que le dispositif serait "simple". Mais le rapport commandé aux organismes d'assurance maladie, qui avaient jusqu'au 31 octobre pour
proposer des pistes de mise en oeuvre, se fait toujours attendre. A défaut de pouvoir empêcher le vote du texte, les médecins espèrent bien peser sur les décrets d'application.
Il leur faudra d'abord renouer le dialogue avec le gouvernement. Non contents de boycotter la grande conférence de santé voulue par le Premier ministre Manuel Valls le 11 février, les syndicats organiseront le même jour des "Assises de la médecine libérale" afin de présenter un socle commun de propositions en vue de leurs négociations avec l'Assurance maladie en 2016.