L'écrivain Yann Moix s'en prend violemment à Emmanuel Macron dans une tribune consacrée aux violences policières présumées à Calais, une semaine après la visite du Président de la république. "Le Calais que vous avez visité, monsieur le Président, ne se trouve pas à Calais."
"Vous avez affirmé, dans votre discours de Calais, que «ceux qui ont quelque chose à reprocher au gouvernement s’attaquent à sa politique, mais qu’ils ne s’attaquent pas à ses fonctionnaires.» Je ne m’en prendrai ici qu’à vous. Et à vous seul."Le ton est sec, sans concession. L'écrivain et polémiste Yann Moix a décidé, dans une tribune publiée par Libération, de répondre point par point au discours d'Emmanuel Macron à Calais.
Le Président de la République avait dit vouloir conjuguer le « devoir d’humanité » et l’« ordre républicain ». Devant les forces de l'ordre à Calais, il avait aussi affirmé qu'il ne laisserait "personne caricaturer" leur travail, mais les avait appelés à être "exemplaires" vis-à-vis des migrants. "Je m'étonne que des commentateurs aient pu écrire ce qu'il ont écrit", avait également dit Emmanuel Macron, semblant notamment viser Yann Moix.
Depuis plusieurs semaines, l'écrivain met clairement en cause l'exemplarité des forces de l'ordre. Dans l'émission "On n'est pas couché", il avait pris à partie Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, accusant des CRS de gazer les couvertures ainsi que l'eau potable des migrants autour de Calais.
"Je l'ai vu et filmé"
Ce dimanche, dans Libération, une semaine après el discours d'Emmanuel Macron, il réitère ses accusations : "J’affirme, M. le Président, que vous laissez perpétrer à Calais des actes criminels envers les exilés. Je l’ai vu et je l’ai filmé.
J’affirme, M. le Président, que des fonctionnaires de la République française frappent, gazent, caillassent, briment, humilient des adolescents, des jeunes femmes et des jeunes hommes dans la détresse et le dénuement. Je l’ai vu et je l’ai filmé.
J’affirme, M. le Président, que des exilés non seulement innocents, mais inoffensifs, subissent sur notre territoire des atteintes aux droits fondamentaux de la personne. Je l’ai vu et je l’ai filmé."
Il publie également des extraits du film qu'il tourne actuellement à Calais (Re-Calais, diffusion prévue en avril sur Arte).
"Le Calais que vous avez visité, monsieur le Président, ne se trouve pas à Calais."
Yann Moix poursuit : "Saccages d’abris, confiscations d’effets personnels, pulvérisation de sacs de couchages, entraves à l’aide humanitaire. Tel est le quotidien des exilés à Calais, monsieur le Président. Hélas, vous ne connaissez rien de Calais. Le Calais que vous avez visité mardi dernier n’existe pas : c’était un Calais pipé ; c’était un Calais imaginaire et vide ; c’était un Calais sans «migrants». Un Calais sur mesure, un Calais de carton-pâte. Le Calais que vous avez visité, monsieur le Président, ne se trouve pas à Calais."
Il rappelle également que le défenseur des droits a condamné les violences vues à Calais et cite les conclusions de la «mission IGA-IGPN-IGGN relative à l’évaluation de l’action des forces de l’ordre à Calais et dans le Dunkerquois» d’octobre 2017 – mission qui dépend du ministère de l’Intérieur : «L’accumulation des témoignages écrits et oraux, bien que ne pouvant tenir lieu de preuves formelles, conduit à considérer comme plausibles des manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie policière, principalement à Calais. Ces manquements portent sur des faits de violences, sur un usage disproportionné des aérosols lacrymogènes, la destruction d’affaires appartenant aux migrants ainsi que le non-respect de l’obligation du matricule RIO [le référentiel des identités et de l’organisation].»
"Monsieur le Président, vous avez instauré à Calais un protocole de la bavure"
L'écrivan Yann Moix fustige dans une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron la politique migratoire de la France, et plus particulièrement le traitement infligé aux migrants à Calais. Vidéo à l'appui, il affirme avoir filmé sur place des "actes de barbarie".
"Les policiers n'exercent pas de violences physiques à l'encontre des migrants"
Avant de conclure pour appuyer sur les images qu'il produit : "Comme on se demande à partir de combien de pierres commence un tas, je vous demande, monsieur le Président, à partir de combien de preuves commence un crime. (...) Vous menacez en tout, monsieur le Président, des gens qui ne nous menacent en rien. Votre politique ne fait pas que trahir nos valeurs, elle les insulte. Les mesures antimigratoires sont toujours populaires. Mais voulant faire plaisir à la foule, vous trahissez le peuple."
La préfecture du Pas-de-Calais a immédiatement répondu à la vidéo et la tribune de Yann Moix avec une série de tweets : "L'usage du gaz lacrymogène se fait dans le respect de la réglementation. Il est utilisé pour mettre fin aux tentatives d'intrusion sur la rocade, sur les sites du port et du tunnel sous la Manche et pour stopper les débordements et les rixes entre migrants."
#Calais #migrants @libe l'usage du gaz lacrymogène se fait dans le respect de la réglementation. Il est utilisé pour mettre fin aux tentatives d'intrusion sur la rocade, sur les sites du port et du tunnel sous la Manche et pour stopper les débordements et les rixes entre migrants https://t.co/ODHipd9KPl
— Préfet Pas-de-Calais (@Prefet62) 21 janvier 2018
#Calais #migrants @libe le gaz lacrymogène est utilisé pour mettre fin également aux tentatives de montées dans les poids-lourds. Il ne se fait pas en direction des points d'eau ou pendant la distribution des repas
— Préfet Pas-de-Calais (@Prefet62) 21 janvier 2018
#Calais #migrants @libe les #policiers n'exercent pas de violences physiques à l'encontre des migrants
— Préfet Pas-de-Calais (@Prefet62) 21 janvier 2018
Le dernier tweet précise que des sanctions seront prises si des faits de violences policières sont avérés.#Calais #migrants @libe Si des faits de violences policières sont avérés, ils seront condamnés et leurs auteurs sanctionnés
— Préfet Pas-de-Calais (@Prefet62) 21 janvier 2018
La semaine dernière, cinq intellectuels ou syndicalistes, dont certains "partisans de la première heure" d'Emmanuel Macron, avaient aussi interpellé le président de la République sur sa politique d'immigration qui "contredit l'humanisme" par ailleurs affiché, dans une lettre ouverte publiée par le quotidien Le Monde.