Sharko! Les aficionados de Franck Thilliez ont adoré les enquêtes du commandant venu du Nord, ils plongeront avec délice et cruauté dans le flash back de sa jeunesse au 36 Quai des Orfèvres, là où tout à commencé. Un livre qui me plaît.
Minitel, walkman, cassettes et cabines de téléphone. Marche arrière toute! Un auteur a le pouvoir de remonter le temps, de rajeunir son héros, d’en lisser les traits et de faire jaillir quelques souvenirs de sa jeunesse.
De Sharko commandant de police né sur les terres du Nord, nous connaissons l’intelligence supérieure et la force de travail. Franck Thilliez lève un coin du voile sur l’année charnière, celle où tout s’écrit déjà peut-être, 1991, la première enquête au fameux 36 Quai des Orfèvres, arène sanglante incontournable.
"Le 36, la fosse aux lions"
Notre héros a une fiancée lilloise, un appartement parisien et une enquête cauchemardesque qui va le faire vaciller, tant l’auteur des faits "artisan du macabre", parvient à tisser une toile d’araignée de l’horreur dans plusieurs arrondissements de la capitale.
Des femmes disparaissent. Celles qui survivent n’ont plus d’humain que le nom, marquées au fer rouge par tant d’atrocités infligées à leurs corps et à leurs âmes.
Pourquoi de tels châtiments ?
Les bandes rivales du 36 entrent dans des nuits sans sommeil et les cernes dévorent les visages des enquêteurs. Les mouches prolifèrent tout comme les serpents dans des lieux tels qu’on aurait quelque pudeur à y envoyer même son pire ennemi.
Sharko petit gars "échappé d’une ville du bassin minier" y perdra sans doute la croyance en l’autre et la petite étincelle de bonté que nous cherchons inlassablement dans chaque être croisé.
L’auteur si fidèle à sa région nous emmène un jour de Noël triste sur la tombe de Brigitte Dewèvre, assassinée à Bruay-en-Artois, un tel choc pour la ville qui en changera de nom. Et si la vocation de Sharko était finalement née en voyant le cadavre de la fille d’ouvriers en 1972?
Le roman et le réel
Seulement voilà, et il faut bien y venir, les violences faites aux femmes nous horrifient chaque jour un peu plus, et ceci n’est hélas ni cinéma, ni littérature. On ne compte plus le nombre de féminicides à la une des journaux.
Alors il devient difficile, et parfois même insupportable de supporter la lecture de certaines pages car le réel résonne alors douloureusement en nous, tout comme il convoque notre impuissance.
Être flic c’est être seul, même dans une ville qui ne dort jamais. Franck Thilliez l’a compris, mieux que quiconque. Sharko sortira différent de cette première enquête. Le prix à payer ?Depuis 1991, où qu’il aille, la noirceur est désormais sa maison.