40 ex-salariés de Buitoni accusent leur direction de "tromperie" et l'attaque devant les prud'hommes

Une quarantaine d'ex-salariés de l'usine Buitoni de Caudry (Nord) ont décidé d'affronter leur ancienne direction devant les prud'hommes de Cambrai. Ils dénoncent "la tromperie" orchestrée par Nestlé, qui les aurait écartés du plan de sauvegarde (PSE) quelques mois avant la fermeture de l'usine, en leur proposant un congé de fin de carrière.

"Ça fait 2 ans que le scandale a éclaté, mais on n'a toujours pas pu passer à autre chose." Après 40 ans passés au service qualité de l'usine Buitoni, Valérie Bracq tourne difficilement la page de son long parcours professionnel à Caudry. Une carrière dont la fin est apparue subitement, forcée par l'un des plus gros scandales sanitaires de la décennie.

En 2022, deux enfants sont décédés après avoir mangé une pizza Buitoni - dont l'usine de Caudry est emblématique du Nord - qui contenait la bactérie E. coli. Plusieurs dizaines de personnes ont également été intoxiquées et hospitalisées, menant à la fermeture de l'usine nordiste en mars 2022. Et deux ans plus tard, la bataille judiciaire menée par les salariés n'est toujours pas achevée.

Mauvais timing ou mascarade ?

Un nouveau volet judiciaire initié par une quarantaine d'ex-salariés, a débuté ce vendredi 17 mai 2024 devant le Conseil des prud'hommes de Cambrai. Parmi ces 40 plaignants, Valérie Bracq joue les porte-parole. Elle raconte.

"En septembre 2022 la direction de Nestlé affirmait qu'elle allait faire redémarrer l'usine en relançant une ligne de production. Mais pour ça, il fallait baisser les effectifs. Elle a donc proposé de négocier un congé de fin de carrière avec les salariés les plus âgés." Pour soutenir les collègues les plus jeunes, qui avaient encore un avenir dans cette usine qui était supposée renaître, les 40 salariés ciblés ont tous accepté l'accord, unanimement.

En septembre 2022 la direction de Nestlé affirmait qu'elle allait faire redémarrer l'usine en relançant une ligne de production. Mais pour ça, il fallait baisser les effectifs.

Valérie Bracq, ancienne salariée de Buitoni

Mais deux mois plus tard, tous déchantent. Le redémarrage a duré quelques semaines début 2023, sans qu'aucun produit ne soit commercialisé, très vite suivi d'une nouvelle annonce de fermeture, cette fois-ci définitive, début mars 2023.

"Avec ce congé, nous n’avons pas bénéficié des compensations négociées dans le plan social... On a l’impression d’avoir affaire à une mascarade mise en scène par Nestlé, qui s’est débarrassé des plus anciens salariés en faisant miroiter un redémarrage de l’usine", relate Valérie.

On a l’impression d’avoir affaire à une mascarade mise en scène par Nestlé, qui s’est débarrassé des plus anciens salariés en faisant miroiter un redémarrage de l’usine

Valérie Bracq

Une indemnisation 5 fois inférieure au PSE

Un acte manqué, que les 40 salariés voient plutôt comme une tromperie, ou pire, certains parlent même d'une trahison de la part d'une direction qui les a employés pendant parfois 40 ans.

"Le PSE (plan de sauvegarde de l'emploi) a quand même amélioré les primes de licenciement. On n'est pas jaloux, mais il y a des personnes qui sont parties avec des sommes conséquentes avec seulement 10 ans d'ancienneté", ressasse Valérie, n'osant pas donner le montant exact de leurs indemnisations, mais soufflant que certains sont repartis avec une somme cinq fois supérieure à celle que les plus anciens avaient reçue.

"Si on avait su que l'usine allait fermer on n'aurait jamais signé. C'était pour sauver l'usine, pour que les jeunes gardent leur emploi. Mais ça s'est retourné contre nous."

Si on avait su que l'usine allait fermer on n'aurait jamais signé. C'était pour sauver l'usine, pour que les jeunes gardent leur emploi. Mais ça s'est retourné contre nous.

Valérie Bracq

Tourner la page du préjudice moral

Cette différence de traitement peine à passer dans la conscience du groupe de plaignants. Car au-delà du préjudice financier, les 40 ex-salariés de Buitoni évoquent également le préjudice moral provoqué par le scandale de la bactérie E-coli.

"Le préjudice, on l'a vécu comme tout le monde. On a été désignés de la même façon dans la presse, parmi nos voisins et aux yeux des Français. On a passé notre vie à l'usine, on est associés à Buitoni... Mais nous les montants n'ont pas suivi", assène Valérie, qui s'emporte légèrement.

Évoquer le sujet du scandale sanitaire n'a rien d'aisé pour la travailleuse, qui sera enfin à la retraite au 1er juillet. Pendant ces quelques mois, Valérie explique son "pincement au cœur" au moment de rappeler son long passage chez Buitoni : "Quand on parle de notre carrière on a du mal à le dire. On évite tout ce qui est lié à la marque Buitoni."

Quand on parle de notre carrière on a du mal à le dire. On évite tout ce qui est lié à la marque Buitoni.

Valérie Bracq

Lors de cette première audience chez les prud'hommes, les 40 salariés espèrent donc un peu de compassion, mais cherchent surtout la résilience, pour enfin pouvoir laisser la colère et les mauvais souvenirs entre les quatre murs de Buitoni.

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