La récolte du houblon a commencé dans le Nord. Elle doit durer 3 semaines. Après des années de crise, la production et les surfaces repartent à la hausse. Frémissement ou réelle embellie ? Explications en 3 questions-réponses.
Pourquoi le houblon a-t-il décliné dans le Nord ?
Au début des années 1970, les Flandres, terres brassicoles, comptaient 500 hectares de houblon. C'était la belle époque, mais déjà la crise pointait. En 2015, il ne restait plus que 27 hectares.
La concurrence de l'Allemagne est passée par là, avec son recours à une main d’œuvre moins chère venue des pays de l’Est.
« On a travaillé à perte pendant plusieurs dizaines d’années. 2005-2015 ont été très compliquées », confie Thierry Beck, qui cultive son houblon sur 3 ha à Bailleul.
« Le problème, c’est que lorsque le prix du houblon passe en dessous d’un certain seuil parce que la main d’œuvre est moins chère ailleurs, vous n’arrivez pas du tout à vous aligner. »
Corollaire de ces décennies de disette, le nombre de houblonnières a fondu. Dans le Nord, seuls sept planteurs ont résisté. Ils sont toujours là aujourd’hui.
Après les années noires, vers une sortie de crise ?
Depuis 3 ans, la courbe s'inverse enfin. De 27 hectares en 2015, on est passé à 35 aujourd'hui.
La consommation de bière est à la hausse. Les Français en boivent 32 litres par an en moyenne.
L’essor fulgurant des micro-brasseries témoigne de ce succès. Il s’en est créé une par jour en France en 2018.
"On est passés depuis 2014 de 900 à 1600 brasseries, ce qui fait quasiment un doublement, cela explique la hausse de la demande ", explique Gautier Coudevylle, brasseur à Méteren. "On essaye toujours de travailler en local c’est plus intéressant pour tous les brasseurs. Après, on a une partie importée d’autres pays".
Car il s’agit de répondre au goût du consommateur. Et comme la vigne, le houblon est une plante de terroir. Du lieu de culture dépend son goût, son arôme.
"Ce n’est pas pour rien qu’on parle de vigne du Nord en parlant du houblon", poursuit le brasseur. "Le houblon des Flandres va avoir des caractéristiques de fruits rouges, herbacées ou poivrées, ou alors des saveurs d’agrumes doux".
Très aromatiques et très amères, l'essor de certaines bières américaines comme l'IPA (Indian Pale Ale) ne profite pas forcément aux houblonniers locaux.
"Les houblons utilisés pour les IPA sont des plantes qui nécessitent beaucoup d’ensoleillement, ils viennent des Etats-Unis ou de Nouvelle-Zélande pour l’essentiel", poursuit le brasseur.
"Les variétés américaines sont protégées et nous contraignent à payer des royalties, cela porte un peu préjudice aux planteurs du Nord", complète Christophe Gombert, président du syndicat des planteurs de houblon du Nord.
L'embellie est-elle durable ?
"On a un bel avenir devant nous", veut croire le président des houblonniers nordistes.
Deux jeunes planteurs viennent de se lancer, portant à neuf leur nombre dans la région. Les nouveaux arrivés ont choisi de miser sur le bio.
A l’heure de sa première vraie récolte, Riquier Thévenin, qui s'est installé à à Godewaersvelde, parie sur la qualité et le consommer local.
"Je vais devoir évoluer, m’adapter, parce qu’en effet, il y a plusieurs jeunes qui veulent faire du houblon. L’offre va augmenter. La demande des brasseurs va elle aussi évoluer. J’espère que ce que je produis va continuer de répondre à leur demande. Il y a un risque, un peu de stress, mais j’ai confiance".
Un pied de houblon a 20 ans de durée de vie. Bien le choisir est donc essentiel. Suivre la tendance du moment a aussi ses limites.