Alors que les cimetières arrivent à saturation, de nombreuses tombes sont dans un état de délabrement avancé en raison d'un entretien défaillant depuis des décennies. Pour pouvoir récupérer une concession, les maires doivent suivre un protocole précis et trouver les éventuels descendants des défunts.
Début septembre, le maire d'Hallencourt, dans la Somme, lançait un appel dans la presse locale pour retrouver les héritiers de vingt-six concessions abandonnées. Six semaines plus tard, l'avis de recherche a porté ses fruits : "Deux personnes se sont manifestées et vont reprendre les concessions. Une d'elles est une personne âgée, habitante de Péronne. Elle va faire faire les travaux nécessaires pour rendre la tombe de sa tante digne", révèle Frédéric Delohen, maire d'Hallencourt.
Quand on parle de reprise de concession, on parle d'exhumation, ce n'est pas anodin.
Frédéric Delohen, maire d'Hallencourt
La concession est transmise hors succession aux héritiers du défunt pour une durée de 15, 30, 50 ans ou perpétuelle. Les communes ne proposent pas toujours chaque type de concession, la perpétuelle tend d'ailleurs à disparaître, l'entretien de la sépulture n'étant plus aussi régulier après deux ou trois générations.
Comme la loi l'y oblige, Frédéric Delohen doit informer les ayants droit de l'extinction de la concession et de leur droit de la renouveler par courrier (si leur identité est connue) et par l'installation de panneaux dans le cimetière. Les descendants du défunt auront ensuite deux ans pour se manifester. "Quand on parle de reprise de concession, on parle d'exhumation, ce n'est pas anodin. Ce n'est pas quelque chose que l'on fait de gaieté de cœur", confie-t-il.
Éviter la saturation des cimetières
L'opération est pourtant nécessaire : des sépultures abandonnées et délabrées peuvent s'avérer dangereuses pour les visiteurs et les murs d'un cimetière ne sont pas toujours extensibles : "Si l'on n'anticipe pas, d'ici à quatre ans, on sera à saturation. La reprise nous protège pour les dix ans à venir et nous permettra de travailler à l'extension du cimetière sur un terrain à côté", assure Frédéric Delohen.
Une extension parfois impossible. En particulier dans les villes, où le foncier disponible est plus rare. À Amiens, les huit cimetières ne sont pas complets, mais il faut régulièrement récupérer des caveaux : "Notre objectif est de 200 reprises par an. On n'y arrive pas toujours. Cette année, on sera à environ 150", explique Ahmed El Idrissi, chef de l'unité décès à la ville d'Amiens, qui précise que "pendant longtemps, il y avait une réticence des élus à la reprise de concessions. C'est un sujet sensible".
C'est pourquoi les procédures sont strictement encadrées par la loi. La concession doit avoir plus de 30 ans (50 ans pour les "morts pour la France"), la dernière inhumation remonter à 10 ans au moins, la famille ou la personne chargée de l'entretien de la concession être informée et un délai d'attente d'un an à partir du constat d'abandon respecté.
Des procédures administratives complexes
À Amiens, tout est géré en interne, de la gestion administrative à l'exhumation. Moins structurées, les petites communes font de plus en plus appel à des entreprises spécialisées. La municipalité de Domart-en-Ponthieu, dans la Somme, a déboursé près de 30 000 € pour bénéficier de cette expertise. Une somme importante pour ce village de 1 100 habitants, mais justifiée selon le maire Nicolas Maréchal : "Ils s'occupent de tout. En matière funéraire, on n'a pas le droit à l'erreur, les lois changent énormément".
Un avis que partage Frédéric Delohen : le maire d'Hallencourt souligne la variété des services réalisés par le gestionnaire, notamment la numérisation des concessions, une base de données qui "nous facilitera la tâche lors de la revente des concessions".
Chaque commune définit ses tarifs. À Hallencourt et Domart-en-Ponthieu, ils n'excèdent pas quelques centaines d'euros. À Amiens, en revanche, la fourchette est large : de 317,50 € pour 15 ans à 7 527,50 € pour une concession perpétuelle.
Après exhumation, les ossements des défunts sont replacés dans des ossuaires. Une évidence pour Frédéric Delohen : "Ces gens enterrés ont fait partie de l'histoire de notre commune, elles resteront au cimetière".