"Une belle course", de Christian Carion, sorti le 21 septembre 2022, est un film sur le temps qui passe inexorablement. Une histoire émouvante, portée par le talent de Line Renaud et Dany Boon, mais aussi par la bande originale signée Philippe Rombi.
Le Cambrésien Christian Carion était ce vendredi 7 octobre 2022 l'invité de Vous êtes formidables pour présenter son dernier film, Une belle course, avec Dany Boon et Line Renaud. Interviewé sur l'émotion véhiculée par le film, le réalisateur a bien sûr mis en avant le talent des acteurs, mais aussi la plus-value apportée par la bande originale.
"C'est l'histoire d'une dame âgée, jouée par Line Renaud, résume-t-il. Elle ne peut plus rester chez elle et qui appelle un taxi pour se rendre à l'EHPAD. Elle doit traverser tout Paris et demande au taxi de faire un détour et de passer par les endroits qui ont compté dans sa vie, qu'elle veut revoir une dernière fois."
"Il y avait une vraie «ch'ti connection» (à prononcer à l'anglaise), entre Dany, Line et moi-même, on s'est vraiment beaucoup amusés à faire ce voyage."
"On a fait le tour du monde avec ce film, quarante pays, et sur tous les continents on constate la même émotion. Ces deux-là ont su toucher quelque chose qui est universel."
Dany Boon est un Bourvil, capable de passer de la comédie au drame.
Christian Carion
Dany Boon, sobre et épatant dans ce rôle à contre-courant, fait la fierté du réalisateur, qui l'a déjà dirigé dans Joyeux Noël et a beaucoup misé sur lui : "C'est un grand acteur et je savais où j'allais avec lui. Pour moi, c'est un Bourvil capable de passer de la comédie au drame, on n'en a pas tant que ça dans le cinéma français."
Quant à Line Renaud, "elle porte le film de tout son cœur", à tel point que par moments, Christian Carion ne savait plus s'il avait affaire au personnage du film ou à l'actrice nordiste de 94 ans.
"Et puis il y a Paris, ajoute-t-il, ville que j'aime et que je déteste à la fois, ça dépend des horaires. Un Paris merveilleux, qui devient plus qu'un décor, le troisième personnage central du film. Et les chansons embellissent le tout."
Une musique très présente
La musique d'Une belle course, très présente, est signée Philippe Rombi. Il a régulièrement travaillé avec François Ozon ou Christophe Barratier, a composé le thème de Boîte noire de Yann Gozlan, avec Pierre Niney.
Il avait déjà collaboré avec Christian Carion en 2005 sur Joyeux Noël, pour lequel il avait été nommé pour le César de la meilleure musique originale. Il a aussi composé en 2021 deux titres pour l'album de Sheila Venue d'ailleurs.
"Il a beaucoup travaillé sur les flash-back, détaille Christian Carion, avec une direction très années 50. Il fallait qu'on ressente la culture américaine, le jazz, toutes ces voix de femmes noires américaines."
Dans le cinéma français, la musique sort de 25 ans de prison !
Christian Carion
"Je tenais à ce qu'il y ait de la musique et à ce qu'on l'entende, complète-t-il. Dans le cinéma français, la musique sort de vingt-cinq ans de prison ! (Rires) On a un rapport compliqué au cinéma avec la musique en France... Il y a même eu une longue période durant laquelle avoir recours à la musique pour son film, c'était vulgaire. C'est en train de changer..."
Pour la rubrique Le portrait audio de l'émission Vous êtes formidables, Christian Carion a choisi de mettre en avant quatre compositeurs de films incontournables.
1 - Bernard Herrmann (1911-1975) pour Psychose
Pour le réalisateur cambrésien, la scène de la douche dans Psychose d'Alfred Hitchcock n'aurait aucun sens sans sa musique, "un son de violon insupportable qui vous glace", et le cinéaste américain doit une grande partie de sa carrière au génie de créateur de Bernard Herrmann.
"Quand on regarde cette scène tournée en six jours en 1960, analyse Christian Carion, il ne se passe pas grand-chose à l'image, pourtant on se retrouve mal à l'aise sans vraiment comprendre pourquoi. Moi, je peux vous dire que c'est clairement à cause du son ! C'est vraiment une leçon, on devrait montrer cette scène dans toutes les écoles de cinéma."
"On dit que le son, c'est 50% du film, poursuit le réalisateur, et que les images représentent l'autre moitié. C'est faux. Le son, c'est beaucoup plus fort. Il va au plus profond de vous, jusqu'à votre inconscient."
2 - Georges Delerue (1925-1992) pour Le Mépris
"La musique du film Le Mépris de Jean-Luc Godard est dans la tête des gens pour l'éternité, s'enflamme Christian Carion, les yeux brillants. Le Roubaisien Georges Delerue a signé là un moment éternel, vous écoutez ça, vous êtes au cinéma, vous entendez Jean-Luc Godard, vous entendez Laurent Gerra imitant Jean-Luc Godard, peu importe mais on est surtout dans le temple du cinéma comme on l'aime, comme moi je l'aime en tout cas."
Le réalisateur parle particulièrement de Camille, l'un des thèmes du film de 1963, avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli, adapté du roman d'Alberto Moravia.
3 - François de Roubaix (1939-1975), pour Le vieux fusil
Quand Christian Carion a vu Le vieux fusil de Robert Enrico au cinéma en 1975, il est sorti en sifflotant la musique, signée François de Roubaix.
"Quand j'entends ça, sourit-il, je vois Romy Schneider et Philippe Noiret à vélo. C'est les jours heureux avant le drame. Cette musique, elle est bouleversante. L'entendre et l'avoir en tête aussitôt, pour moi c'est la marque des grands. Et de Roubaix était un grand."
4 - Ennio Morricone (1928-2020), pour Mission
La musique du film Mission, de Roland Joffé, Palme d'Or 1986, fait instantanément pleurer Christian Carion, qui a même les larmes aux yeux au bout de quelques secondes sur le plateau de Vous êtes formidables.
"À chaque fois, je suis pris, concède-t-il. Quand Roland Joffé a montré le film à Morricone, ce dernier a refusé de faire la musique, il disait que le film était si fort qu'il n'en avait pas besoin. Finalement, il a su trouver sa place et aujourd'hui la BO est indissociable de l'histoire."
Christian Carion est le dernier réalisateur français à avoir collaboré avec Ennio Morricone, pour En mai, fais ce qu'il te plaît, sorti en 2015. Sa rencontre avec le compositeur italien était "unique, dans tous les sens du terme" et il affirme avoir énormément appris à son contact.
"Il m'intimidait, raconte-t-il, on est tout petit face à un géant comme lui. C'est juste un monument du cinéma. C'est quelqu'un qui n'a vécu que pour ça. Il se trouve qu'il a eu des enfants mais on peut le dire, sa vie c'était le cinéma et ce thème de Mission est l'une de ses plus belles partitions."
On est tout petit face au géant qu'est Ennio Morricone !
Christian Carion
Ennio Morricone, séduit par le scénario du film, annonce à Christian Carion : "Je vais le faire. J'avais dit que je ne ferais plus de films de guerre, mais celui-ci n'est pas un film de guerre puisque ce sont des gens qui cherchent la paix, donc je vais les accompagner."
"À presque 90 ans, se remémore le réalisateur, il était comme un enfant, stressé à l'idée de me décevoir. Je me suis dit que les très très grands sont d'abord et avant tout très très humbles. C'est ça la leçon."
Christian Carion, qui se bat depuis des années pour la réimplantation d'un cinéma à Bapaume, se dit "triste de constater qu'on a perdu quarante pour cent du public en salle depuis la pandémie" et espère que les gens retrouveront le chemin des cinémas pour y apprécier les films - et leur musique - à leur juste valeur.