Plus de 6 mille suspects arrêtés, près de 800 millions d'euros et des tonnes de drogue saisies. C'est le bilan exceptionnel de la coopération transfrontalière entre Europol et Eurojust. Résultat : la découverte et le démantèlement d'un réseau de messagerie cryptée de criminels européens. La conférence de presse a été donnée conjointement par les autorités judiciaires françaises et néerlandaises, ce mardi 27 juin au tribunal judiciaire de Lille.
Tout commence par une saisie de drogue au Havre. Les enquêteurs découvrent alors que les suspects communiquent entre eux via un système de messagerie cryptée ultra-perfectionnée dont les serveurs sont hébergés à Roubaix, dans le Nord. Se sentant en confiance avec l'outil, "indétectable et intraçable", les criminels de plusieurs pays européens communiquent des photos et des messages sur des échanges d'armes ou des livraisons de drogues.
"On s'est retrouvés à la table de grands criminels", assure Carole Etienne procureur de Lille dont la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) a été chargée de l'enquête.
Des chiffres qui donnent le tournis
Finalement, après de nombreux mois d'enquête qui ont mobilisé les services judiciaires européens, (Eurojust) les services policiers européens, (Europol) : 6 558 suspects arrêtés, 739 millions d'euros en espèces, des tonnes de drogues (163 tonnes de cannabis, 103 tonnes de cocaïne, 3 tonnes d'héroïne) et près de 300 maisons saisies. Quelque 920 armes ont également été confisquées, 83 bateaux et 40 avions.
100 assassinats ou enlèvements évités
Par ailleurs, une centaine d'assassinats ou d'enlèvements a été évitée. Les forces de l'ordre sont intervenues pour protéger un magistrat (on ne connaît pas sa nationalité). La communication des procureures néerlandaise et française avait pour but, non seulement de se féliciter de la coopération réussie des services de police et justice entre les deux pays, mais aussi de corriger de nombreuses informations "parcellaires ou inexactes" de médias européens.
Sur ce point, "contrairement à certaines allégations", l'enquête française a été menée conformément aux règles de droit applicables. En d'autres termes, la chambre correctionnelle de la cour de cassation a validé le procédé : capter le système informatique et le modifier en vue de la progression de l'enquête n'a pas été illégal, assure la procureure Carole Etienne.
Au total, 123 pays ont été concernés par l'enquête et 115 millions de messages de 60 000 utilisateurs internationaux d'EncroChat enregistrés. L'essentiel a été analysé et a abouti aux arrestations citées plus haut. Trois ans d'enquête auront été nécessaires. Les conversations se sont traduites par des délits et des crimes au Canada, en République dominicaine, en Espagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, à Hong Kong ou au Panama, entre 2017 et 2021. En France, 84 procédures ont été ouvertes suite à ces écoutes d'EncroChat.