Coronavirus : la fermeture du site de Lauwin-Planque est loin de faire l’unanimité chez les salariés d’Amazon

Depuis jeudi 16 avril, le site d'Amazon à Lauwin-Planque est fermé, officiellement pour nettoyer les espaces de travail. La situation ne satisfait ni les salariés qui veulent reprendre le travail, ni les syndicats pour qui la fermeture est simplement un moyen d'éviter les sanctions financières. 

La fermeture du site nordiste d'Amazon depuis le jeudi 16 avril divise les salariés. Pour preuve, une pétition contre la fermeture des entrepôts a récolté 14 000 signatures depuis le 15 avril. "Les syndicats n'ont à aucun moment pris la peine de demander l'avis des gens qui continuent de travailler. Ils sont censés représenter les travailleurs ? Ils ne sont jamais venus nous voir", fustige l'internaute Nabor, signataire de la pétition. 
 

Un syndicat a bien assigné Amazon en justice mais la condamnation n'exige pas la fermeture des entrepôts

 

Or, les syndicats ne sont pas directement responsables de la fermeture des sites. "C'est la direction qui a pris cette décision, pas les syndicats", rappelle Gaël Begot, CGT. Mohamed Manhajay, le créateur de la pétition, est pourtant persuadé qu'ils "ont poussé à la fermeture". Effectivement, l'Union syndicale Solidaires (SUD), majoritaire entre autres sur le site de Lauwin-Planque, a mené une action en justice contre Amazon France et conduit à la condamnation de l'employeur. Les revendications portaient sur le non-respect des mesures sanitaires. Si "la fermeture des entrepôts" était "demandée au tribunal à titre principal", selon le syndicat SUD, la décision de justice n'exige pas la fermeture des entrepôts.
 

"Ils ne ferment pas pour la santé du personnel mais par peur de l'amende.

Gaël Begot, délégué CGT à l'entrepot de Lauwin-Planque



Mardi 14 avril, le tribunal judiciaire de Nanterre somme en revanche la firme américaine de limiter ses ventes aux produits essentiels. Si Amazon ne respecte pas cette condition, l'entreprise devra s'acquitter d'une amende d'un million d'euros par infraction constatée. Deux jours plus tard, Amazon décide de fermer tous ses sites de production en France pendant cinq jours, après le vote du comité social et économique (CSE), "officiellement pour nettoyer les lieux", selon Emilien Williatte, délégué CGT. Pour Gaël Begot à Lauwin-Planque "ils ne ferment pas pour la santé du personnel mais par peur de l'amende.
 

Mohamed Manhajay ne croit pas non plus à la version du nettoyage. "La nourriture représente 10% de nos ventes. Si on restait ouvert, il n'y aurait pas eu assez de travail pour tout le monde. Une équipe de jour de 300 à 400 personnes suffit pour cela", estime le travailleur de Lauwin-Planque.

SUD est selon lui bien responsable de la fermeture des sites : le syndicat avait mis en avant plusieurs problèmes de distance de sécurité notamment au niveau des tourniquets et des vestiaires. Des problèmes inexistants pour Mohamed Manhajay, en charge du respect des mesures sanitaires sur son lieu de travail. "La direction a mis le paquet : chacun a son tube de gel personnel, il y a des lingettes de partout et les tablettes sont sans cesse désinfectées", raconte-t-il. Gaël Begot reconnaît, avec moins d'enthousiasme, les efforts de son employeur : "Ils ont mis trop de temps à le faire mais c'est vrai qu'on était bien équipés."
 

La notion de "produit essentiel", nerf de la guerre


La décision du tribunal judiciaire de Nanterre porte surtout sur l'exigence des ventes aux produits essentiels - auparavant exigée par l'Etat. Or, la notion d'"essentiel" pose problème à l'entreprise. "Si je veux acheter une pelle par exemple, c'est possible en grande surface, mais est-ce vraiment un produit de première nécessité ?", s'interroge Mohamed Manhajay. Il trouve injuste que le même produit ne puisse pas être vendu et livré par son entreprise, alors qu'il est physiquement disponible en rayon chez la concurrence.

Les dirigeants eux-mêmes expriment leur perplexité : "Qu'est-ce qu'une infraction ? Un coupe-ongles, un gel démêlant entrent-ils dans la définition du produit essentiel ?", s'interrogeait un porte-parole d'Amazon suite à la décision de justice la semaine dernière. Une attitude qui fait rire jaune Gaël Begot, de la CGT : "avant jeudi dernier, la direction ne s'embarrassait pas avec ces questions."

 

Depuis, les syndicats négocient chaque jour avec la direction du site nordiste pour les conditions de réouverture. "Nous voudrions que le retour au travail se fasse sur la base du volontariat et que les travailleurs qui ne se sentent pas en sécurité puissent rester chez eux payés à 100%", assume le délégué CGT. Depuis la fermeture du site, les quelque 10 000 salariés d'Amazon en France sont payés normalement. Une situation qui pourrait ne pas durer si les fermetures se poursuivent, alors que l'entreprise vient d'annoncer que les entrepôts resteraient clos deux jours de plus que prévu
 

La peur d'une fermeture prolongée et de l'arrivée du chômage partiel



"J'ai peur qu'on ne rouvre pas de sitôt", avoue Mohamed Manhajay. Il craint, comme de nombreux salariés, de se retrouver au chômage partiel si la situation s'enlise.

Les 14 000 signataires de la pétition qu'il a créée il y a cinq jours sont plus nombreux que les 3 000 travailleurs, salariés ou intérimaires, du site de Lauwin-Planque. Surtout, ils dépassent les 10 000 travailleurs embauchés en France par l'entreprise. Ce chiffre si important est le signe pour Gaël Begot d'une "pétition contre les syndicats", qui dépasse le cercle des travailleurs d'Amazon uniquement. "Ils ne comprennent pas qu'on est de leur côté", se désole-t-il. 
 

Pour le moment, les six entrepôts fermés depuis jeudi midi, dont Lauwin-Planque, resteront clos jusqu'à mercredi compris. Amazon a fait appel de la décision de justice.   


 
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