Coronavirus - Covid-19 : la justice ordonne à Amazon de limiter son activité "aux produits essentiels"

Amazon n'a plus le droit de vendre des produits non essentiels.

C'est une victoire pour les syndicats d'Amazon. Le tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné mardi à l'entreprise américaine, qui possède trois sites dans les Hauts-de-France (Boves, Lesquin , Lauwin-Planque) d'établir une évaluation des risques inhérents à l'épidémie de Covid-19 pour tous ses entrepôts et de restreindre en attendant son activité aux seuls produits essentiels, selon le jugement obtenu par l'AFP.

Depuis le début de la crise du coronavirus, de fortes tensions sont apparues au sein d'Amazon entre salariés et direction. Manque de gel hydroalcoolique, non-respect de la distanciation sociale, absence de masques... De nombreux salariés ont fait valoir leur droit de retrait et l'entreprise a déjà été mise en demeure début avril de mieux protéger ses salariés.
 
 

Produits alimentaires, d'hygiène et médicaux


La juridiction estime que la société a "de façon évidente méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés". Elle lui enjoint de restreindre son activité "aux seules activités de réception des marchandises, de préparation et d'expédition des commandes de produits alimentaires, d'hygiène et médicaux, sous astreinte d'un million d'euros par jour de retard et par infraction constatée".
 
Cette restriction s'applique "dans les 24 heures" et pour un mois. Amazon devra obligatoirement associer les représentants du personnel à l'évaluation des risques.

Le tribunal était saisi par SUD (Union syndicale Solidaires), premier syndicat dans l'entreprise, soutenu par Les Amis de la Terre. L'intervention des Amis de la Terre a été déclarée irrecevable. Le tribunal a écarté la demande "à titre principal" déposée par le syndicat d'arrêter totalement l'activité des entrepôts au motif qu'ils rassemblent plus de 100 salariés en un lieu clos.
 

En revanche, il fait droit à la demande "à titre subsidiaire" d'arrêter la livraison de produits non essentiels tant que n'aura pas été mise en oeuvre une évaluation des risques et les mesures nécessaires pour protéger la santé des salariés. Le tribunal condamne en outre Amazon à verser des dommages
à SUD à hauteur de 4800 euros.
 

Appel


Amazon, "en désaccord avec la décision", a indiqué faire appel. Mais la décision étant de droit exécutoire, l'appel n'est pas suspensif. "Nous évaluons actuellement ses implications pour nos sites logistiques français", ajoute le groupe dans un communiqué.  Amazon, qui employait en février près de 6.500 salariés en CDI et 3.600 intérimaires dans ses six entrepôts français, assure avoir distribué sur ses sites "plus de 127 000 paquets de lingettes désinfectantes, plus de 27 000 litres de gel hydroalcoolique, ainsi que plus de 1,5 million de masques" et avoir "mis en place des contrôles de température et des mesures de distanciation sociale" notamment.

Amazon "n'est pas resté les bras croisés" depuis le début de l'épidémie, reconnaît Laurent Degousée, codélégué du syndicat SUD-Commerce à
l'origine de la plainte (portée par l'Union syndicale Solidaires) dans une conférence de presse téléphonique. Mais l'entreprise a procédé à "un empilage de mesures sans aucune évaluation". Ainsi, les prises de température de salariés à l'entrée des sites occasionnent des queues, et donc des contacts favorisant une éventuelle contamination. Le tribunal mentionne pour sa part les portiques qui équipent tous les sites, "une source de contamination importante" aux heures de pointe, la manipulation des colis par plusieurs intervenants, les situations de travail rapprochées...

Surtout, le tribunal reproche à Amazon de n'avoir produit "aucun procès-verbal de réunions des CSE (comité social et économique) ni du CSE
central depuis le début de l'épidémie".
 

Absence de dialogue social

  

"Il y a dès lors lieu de considérer que les instances représentatives du personnel n'ont pas été associées à l'évaluation des risques que la direction aurait menée", relève la juridiction. "Ce jugement rappelle à toutes les entreprises que les syndicats et les représentants du personnel sont les interlocuteurs incontournables et que l'employeur ne peut pas faire les choses de manière unilatérale et superficielle", a commenté l'avocate Judith Krivine, qui défend SUD-Solidaires.

"Les salariés ont des propositions à faire, un colis pourrait par exemple être traité par une seule personne de bout en bout, au lieu de le passer de main en main", relève-t-elle.

Tatiana Campagne, déléguée de SUD sur le site de Lauwin-Planque (Nord) se félicite que le tribunal ordonne à Amazon de limiter ses livraisons
aux seuls "produits alimentaires, d'hygiène et médicaux, sous astreinte d'un million d'euros par jour de retard et par infraction constatée". "Ils vont enfin appliquer ce qu'ils disent faire depuis trois semaines, et qui n'est aucunement respecté", souligne-t-elle, citant pêle-mêle la livraison d'"alcools,
livres, coques de téléphone, boucles d'oreilles, vernis à ongle..."


Amazon avait annoncé le 21 mars cesser ses commandes "moins prioritaires" pour privilégier les produits d'hygiène ou de base pour la maison. Selon Tatiana Campagne, le resserrement sur les produits essentiels fera baisser les volumes "d'un facteur dix ou quinze".

 Au-delà du cas d'Amazon, le jugement "constitue un point d'appui alors qu'on nous dit qu'on va rouvrir un certain nombre de commerces", a estimé Laurent Degousée.


 
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