Fred Rister est décédé ce mardi à l'âge de 58 ans. Dans l'ombre, discret, modeste, il était peu connu du grand public. Voici 10 choses à savoir sur ce compositeur désormais reconnu.
Mort à l'âge de 58 ans, le Français Fred Rister se définissait comme "le plus célèbre des inconnus": ancien coiffeur, il était à l'origine de tubes planétaires comme "I Gotta feeling" des Black Eyed Peas et co-compositeur de l'ombre de David Guetta. Voici son parcours en 10 chapitres. Entre anecdotes et moments fondateurs.
1. Une enfance dunkerquoise
Frédéric Riesterer est né à Malo-les-Bains (Nord) en juin 1961. Un lieu chargé d'émotion et de nostalgie pour lui. "Quand je viens ici sur la plage, la chanson qui me vient, c'est "Procol Harum , Whiter shade of pale" parce que que je suis marqué par la plage de Malo. Un coucher de soleil, une glace en famille...", racontait-il à Delta FM, radio locale en 2012.
Fred Rister a toujours habité dans la région : "Je n'ai pas quitté le Nord comme jamais je ne renierai ma musique". Une statue à son effigie, commandée par son épouse, pourrait prochainement être installée dans le parc de Malo.
2. Coiffeur
Très jeune, Fred Rister souhaitait déjà devenir compositeur. Mais il devient d'abord coiffeur. Il obtient son CAP à 17 ans. Il deviendra manager d'un salon avant d'arrêter complètement à la fin des années 80.
"Fils d'ouvrier tranquille", "aimé de (ses) parents" et titulaire d'un diplôme de coiffure, il gagnait "tranquillement (sa) vie" mais "quelque chose (lui) manquait", a-t-il raconté dans son autobiographie.
3. 1er tube en 1991
"C'est au Stardust, la boîte mythique de La Panne (en Belgique), assis dans la cabine du DJ, qu'un soir tout changea. La musique, cette musique, me percuta pour la vie", écrivait Fred Rister pour décrire le début de sa passion.
Au cours des années 1980, il entre comme animateur bénévole chez Radio Corsaire et opte pour le nom de scène de Fred Rister. Il se lance aussi dans la musique et fonde avec Patrice Swynghedauw le groupe Interdit. Leur morceau "Tu veux de l’amour, c’est de la mélancolie" connaît un succès d'estime. "On a fini par signer chez Scorpio, j'ai alors cédé les parts que j'avais dans un salon de coiffure à Dunkerque. Ce n'était pas un tube mais on est quand même passé chez Jacques Martin et Christophe Dechavanne ! », a-t-il raconté à La Voix du Nord.
En 1991, il produit "I Wanna be Your Lover Too" pour Sony. Un titre qui restera 4 semaines N°1 du Top 50. Son 1er tube.
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Fred Rister travaille parallèlement dans diverses radios locales, comme Wit FM à Bordeaux, avant d’être animateur sur NRJ. Il continue sa carrière musicale avec moins de réussite même si le groupe Anaklein, avec sa femme Isabel comme chanteuse, produira deux tubes dance "Emotion" et "I've Got A Music"à la fin des années 90.
4. La Belgique, son 2ème pays
A partir de 1995, Fred Rister est DJ résident d’une des plus grandes discothèque d’Europe, le Cap’Tain, en Belgique, qui devient son 2ème pays du coeur.
“On a beaucoup de choses à apprendre de ce petit pays qui est tourné vers l’extérieur contrairement à la France où on est un peu conservateurs, un peu repliés sur nous même. La Belgique est un pays extraordinaire”.
5. Guetta, la rencontre magique
Au début des années 2000, alors qu'il est au creux de la vague musicalement et financièrement, Joachim Garraud, un ami de David Guetta, le contacte pour travailler avec le DJ français. Il refuse d'abord avant de se lancer quelques mois plus tard. En 2006, il compose "Love is gone". Succès fulgurant.
"J'écris Love Is Gone, on le retravaille ensemble. Ça a été un vrai succès mondial, le vrai lancement de David. Depuis, tout le monde veut son Love Is Gone... Britney Spears, Rhianna, Madonna, etc. ont concacté David pour qu'on leur écrive un titre. Moi, je ne veux pas savoir pour qui on écrit. Je veux continuer à faire mes petites chansons... », racontait-il à la fin des années 2000.
Suivent un album entier avec Guetta plein de tubes : "When love takes over", "Memories", "Who's that chick"...
Ensemble, David Guetta et Fred Rister, ont, selon les spécialistes révolutionné la dance music en jouant avec les genres. "Moi je m’en fous personnellement de ces courants musicaux. Ça deviendra pas plus un tube parce qu’elle est plus techno, parce qu’elle est plus house, tout ça c’est ridicule. Quand c’est une bonne chanson, c’est une bonne chanson", racontait l'artiste.
Fred Rister, jusqu'à un passé récent, était quasiment inconnu. Il est resté dans l'ombre. Par choix. "C'est David Guetta l'artiste, moi je travaille avec plaisir pour les autres sans chercher la gloire", avait coutume de dire ce musicien atypique. "J’ai pris le parti d’arrêter ma carrière de DJ, c’était un choix personnel, on ne m’a pas mis le couteau sous la gorge, parce que ça devenait trop confus. Donc mon rôle à moi, c’est de rester en studio".
Anecdote parlante : début 2010, les deux complices ont réçu le prix au Grammy Awards de la Meilleure chanson dance de l'année pour When Love Takes Over à Los Angeles. « David est monté seul sur scène où il m'a remercié. Puis il s'est jeté dans mes bras pour me dire « Merci mon Fred ».
David Guetta a rendu hommage à son complice ce mercredi sur Instagram : "Fred Rister et moi avons partagé quelques-uns des moments les plus importants et les plus beaux de ma vie : produire des disques comme «I Gotta A Feeling» qui est resté 16 semaines en première position en Amérique, «Memories» ou «When love takes over». Ces disques ont changé la culture de la dance music mais aussi de la musique pop. Je me souviens de chaque seconde; de choisir des accords ensemble pour travailler sur des sons de batterie pendant des heures, apprendre ensemble et les uns des autres."
"Nous avons vécu nos rêves et bien au-delà (...) Ces disques ont changé la musique électronique mais aussi la musique pop", a ajouté David Guetta, soulignant que Fred Rister était "la personne la plus fidèle" qu'il a rencontrée, "un homme à la fois talentueux, humble, généreux et discret".
6. Mélancolie
La recette du succès selon Fred Rister ? La mélancolie. Un terme surprenant quand on parle de dance music, de discothèque et de techno. Mais c'est bien cette touche spéciale, cette façon de composer en ajoutant une note triste ou des accords mineurs qui ont fait la force du Nordiste : "Les personnes avec qui j’ai pu travailler, dont David en premier lieu, ont toujours accepté cet aspect-là dans mon travail, au contraire, même je pense pouvoir dire que c’est cela qui leur plait et pour cela entre autres qu’ils me sollicitent. Après je ne perds jamais à l’esprit qu’il faut garder un tempo rapide car l’essentiel est que les gens aient envie de se trémousser, mais comme je ne cherche jamais cette mélancolie de façon artificielle qu’elle s’impose à moi, elle s’intègre parfaitement dans le rythme du morceau."
«C'est un magicien des accords qui arrive toujours à trouver le truc qui donne la chair de poule. Il donne une profondeur d’âme à la musique commerciale. Il y a une sorte d’immédiateté et de sensibilité dans sa vie qu’il fait ressortir à sa manière», analyse David Guetta.
Pour Antoine Baduel, président de Radio FG, pionnière en France de l'électro, "Fred Rister a fait partie des musiciens et producteurs qui ont permis de populariser cette musique au-delà des spécialistes". "Ses compositions ont été très structurantes pour le monde de l'électro au point de devenir des hymnes, des morceaux iconiques. Ses expériences d'animateur et de DJ lui ont donné une oreille capable d'identifier quel morceau pouvait avoir une
crédibilité dans l'underground mais aussi une résonance auprès du grand public", a souligné M. Baduel.
Une mélancolie qui transparait aussi dans son autobiographie sortie en 2018, "Faire danser les gens". Il s'y confie, sur sa vie, ses hauts, ses bas, son combat contre la maladie et sa success story : "Ce livre, c’est comme un exutoire, une manière de laisser une trace, même si rien n’est fini et que les projets fourmillent dans sa tête", racontait-il au moment de sa sortie. Un livre salué par la critique et qui a notamment remporté le Prix de la Brasserie Barbès.
7. I Gotta feeling, "the" tube
En 2008, Fred Rister et David Guetta reçoivent un coup de fil de Will i am, le chanteur du groiupe américain Black eyed peas. il est à la recherche de tubes pour son prochain album. Les deux complices lui font écouter la maquette de "I gotta feeling", normalement destiné à figurer sur un amlbum de Guetta. Mais Will i am sent le tube : « Je veux cette putain de chanson pour mon album ! » s'écrit-il.
Le son est envoyé par mail au chanteur américain qui le renvoie avec les paroles. "Il en a fait une tuerie", s'enthousiasme alors Fred Rister. Le morceau restera 14 semaines numéro 1 des ventes aux États-Unis dans le Billboard. Il entre dans le livre des records.
"I gotta feeling" est devenu et resté un hymne : Coupe du monde de football de 2010, Jeux Olympiques d'Hiver au Canada la même année, Coupe du monde de rugby en Nouvelle-Zélande... Dans les stades, on entend encore souvent : "I gotta feeling that tonight's gonna be a good night
That tonight's gonna be a good night..."
8. Fan du LOSC
Fred Rister possèdait un studio à Wervicq-sud, une petite ville de la banlieue lilloise, d'où il travaillait sur ses morceaux. Il y a donné en 2012 une interview pour LOSC TV car il était fan du club lillois.
"Quand je vais voir le LOSC, je ressens les mêmes sensations que quand je compose une chanson dans mon studio. En émotion, c'est très très fort, quelquefois limite au bord des larmes", racontait-il.
9. Il a choisi d'arrêter sa chimio
Toute sa vie, Fred Rister a lutté contre la maladie. Au milieu des années 80, les médecins lui diagnostiquent une tumeur au côlon et il se fait opérer. 20 ans plus tard, il est soigné pour un cancer du colon. Il enchaîne alors les périodes de rémission et de soins.
En 2017, son neuvième cancer ne peut être guéri que par une chimiothérapie quotidienne. Un traitement lourd et contraignant qu'il décide d'arrêter pour vivre pleinement le temps qu'il lui reste.
«Il veut le droit de partir en toute dignité. Je l'ai pris à partie avec tous les potes pour l'en dissuader mais il n'y a rien à faire. C'est dur d'accepter une telle décision», expliquait au Figaro fin 2018 son ami musicien, DJ LBR.
Fred Rister répondait avec émotion dans La Voix du Nord : « Je ne suis pas courageux. Celui qui a du courage est celui qui prend ses traitements : j’encourage à prendre les traitements".
10. Il "voulait un miracle"
En 2018, Fred Rister sort de l'ombre et accepte pour une fois de se mettre dans la lumière en signant sous son propre nom un morceau de dance music très personnel, touchant et direct, "I Want A Miracle" ("Je veux un miracle"), au profit encore de la recherche contre le cancer. Ce sera son dernier single...
"Ce single est très important pour moi. Peu d’entre vous le savent, mais depuis de très nombreuses années, je lutte contre le cancer. J’en ai eu 9 en 30 ans ! Rémissions puis rechutes… Celui qui me touche aujourd’hui sera le dernier, puisque je le sais maintenant : mes jours sont comptés… Alors, ce n’est pas juste une chanson “de plus”, non… C’est un bout d’espoir pour ceux atteints par cette maladie." "Le temps qu'il me reste à vivre, je veux le vivre pleinement", expliquait-il alors à ses fans.
Les paroles de "I want a miracle" sont fortes et simple : "Je veux un miracle, montre-moi un signe... Parce que je ne me sens pas prêt maintenant, pour dire au revoir..."
Fred Rister est décédé ce mardi. Il concluait ainsi son autobiographie : « Faire danser les gens, longtemps après ma mort. La vanité des vanités. Comme ce serait consolant. »