A peine reconduit dans ses fonctions, le ministre de l'intérieur affiche ses ambitions. Gérald Darmanin fera sa rentrée sur ses terres à Tourcoing, ce dimanche 27 août. 400 personnes invitées pour une après-midi de réflexion. Université d'été d'un nouveau genre ? Moment pour jauger ses forces, quatre ans avant la présidentielle ? Retour sur quelques moments forts d'une carrière fulgurante.
C'est un pas de côté très remarqué en cette rentrée politique. Ministre plutôt loyal jusqu'alors, Gérald Darmanin a décidé d'afficher ses ambitions personnelles. Ce dimanche 27 août, il donne rendez-vous à 400 convives dans son fief de Tourcoing pour un "après-midi de réflexion" sur les "attentes des classes populaires".
Alors, Gérald Darmanin se sent-il pousser des ailes ? Pense-t-il à la présidentielle de 2027 en se rasant le matin ? Dans son dernier ouvrage Le Temps des combats sorti ce 22 août, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy lui ouvre clairement la voie :
Saura-t-il franchir une autre étape, voire l'étape ultime, celle qui mène à la présidence de la République ? Je le lui souhaite.
Nicolas SarkozyLe Temps des combats
Gérald Darmanin, présidentiable ? Dans une interview accordée à nos confrères de La Voix du Nord ce jeudi 25 août, le ministre de l'intérieur trace les grandes lignes de ce qui ressemble à son futur programme.
- Un programme social tourné vers les classes populaires : "Ça vous surprendra peut-être mais je suis d’accord avec une partie des analyses de François Ruffin sur le sentiment de déclassement d’une partie de la population", ose-t-il.
- Un programme économique appelant à un effort des grandes entreprises : "On doit mettre la pression sur les propriétaires du capital pour qu’ils cèdent quelques pourcentages de bénéfices au profit d’une augmentation des rémunérations. Ça me paraît nécessaire pour la paix sociale".
- Sans oublier le refrain sécuritaire : "un retour de l’autorité à l’école et dans la rue, davantage de fermeté de la justice et des forces de l’ordre".
Ce programme, cette ambition sont nés et ont grandi sur les terres du Nord. Nous en avons choisi quelques temps forts dans nos archives.
Ses origines, légitimité auprès des classes populaires ?
Elles constituent le socle du programme qu'il profile. Les classes populaires seront donc au coeur de la réflexion menée ce dimanche 27 août à Tourcoing. Suivant la méthode de son ami Sarkozy qui parlait à "la France qui se lève tôt", Gérald Darmanin choisit de se mettre aux côtés des petits, de cette "marmite sociale qui bout". A ses yeux, l'ignorer reviendrait à laisser les clés du pouvoir à Marine Le Pen en 2027.
S'il pense pouvoir parler de ces classes populaires, c'est que le ministre de l'intérieur en est lui-même l'héritier, loin du modèle des énarques. Né en octobre 1982 à Valenciennes dans le Nord, il est le fils d'une femme de ménage et d'un tenancier de bistro.
Un récit qui fait partie du story-telling indispensable à l'image présidentiable qu'il veut se forger. Dans nos archives, Gérald Darmanin raconte ainsi le parcours de ce grand-père tirailleur algérien dont la photo trône sur son bureau. "Il a versé son sang pour la France", nous confiait-il lors d'une interview. "Il a démontré qu'on pouvait très bien être français et musulman, être un grand patriote. Mon grand-père, c'est la République".
Lors d'un reportage en 2019, il revenait une nouvelle fois sur ce lien familial fondateur :
durée de la vidéo : 00h00mn29s
Hommage de Gérald Darmanin à son grand-père tirailleur
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©FTV
Tourcoing, le laboratoire ?
Ces classes populaires, Gérald Darmanin les côtoient à Tourcoing. La troisième ville du Nord est l'une des ses plus belles prises politiques. Conseiller municipal d'opposition UMP à partir de 2008, il y forge ses armes.
Première étape en 2012 quand il est élu député de la 10ème circoncription du Nord. Il devient l'un des plus jeunes membres de l'Assemblée nationale et dénonce dans l'hémicycle la concentration du pouvoir : "Il y a des socialistes qui gouvernent tout dans le Nord Pas-de-Calais, depuis toujours… Région, département, grandes villes, communautés urbaines…"
Tourcoing est à gauche depuis 25 ans. En 2014, il se lance dans la campagne des municipales. Décrocher cette ville serait un tour de force dont l'écho dépasserait largement la région. Pendant la campagne, le jeune député n'hésite d'ailleurs pas à nationaliser le débat :
Une prise dont il tire aujourd'hui encore une fierté et sur laquelle il appuie ouvertement sa légitimité. "J'ai gagné toutes mes élections sous les couleurs de la majorité présidentielle dans un coin qui n’est pas spontanément pro-Macron. Qui d’autre a fait ça ?", insiste-t-il dans son entretien à La Voix du Nord de ce 25 août. "Au bout de six ans, je me sens légitime pour lever le doigt".
Dans la ville populaire de Tourcoing, Gérald Darmanin a su montrer un autre visage, une bière parfois à la main. Maître de la communication, il offre des frites au Nouvel An à ses administrés. La presse n'est jamais loin et il le sait.
Entre droite sociale et conservatisme de droite
C'est donc dans le Nord que Gérald Darmanin a trouvé sa légitimité, qu'il a forgé son identité politique. Non sans quelques détours idéologiques, voire quelques erreurs politiques. Quand en 2013, la France est secouée par le débat du mariage pour tous, le jeune député montre un visage très conservateur.
Comme tant d'autres dans son camp, il se dresse farouchement contre le texte de loi porté par Christiane Taubira. En septembre, il s'exprime sur le plateau de La Voix est libre sur l'antenne de France 3 Nord Pas-de-Calais.
Une droite avec laquelle il a pris des distances sans jamais lui tourner totalement le dos. Après l'affaire Fillon et le naufrage historique de son parti, Gérald Darmanin choisit Emmanuel Macron. Un choix qui le mène vers son premier porte-feuille ministériel.
En mai 2017, il est nommé Ministre de l'Action et des Comptes publics. A 34 ans, il est la plus jeune recrue du gouvernement. La droite sociale déjà sur les lèvres.
Le Rassemblement national dans le viseur
Le Rassemblement national est à ses yeux le plus grand ennemi désormais. "Si on n’améliore pas, avec le monde économique, la condition des classes populaires, les populistes gagneront en 2027", affirme-t-il à nos confrères de La Voix du Nord.
En juin dernier après les émeutes, c'est une nouvelle fois sur ses terres du Nord qu'il vient constater les dégâts et réaffirmer son autorité. Le Ministre de l'Intérieur veut se montrer déterminé dans une région où le Rassemblement national est très implanté.
A la veille d'un automne compliqué avec la loi sur l’immigration, Gérald Darmanin semble anticiper les coups. Ce n'est pas un hasard s'il balaie le sujet en cette fin août : "Dimanche, je dirai que la question sociale est essentielle. C’est ça qui ferait élire Marine Le Pen en 2027, pas la question migratoire. En 2007, rappelons-nous, Nicolas Sarkozy n’est pas élu sur l’identité nationale, mais sur la question du travail".
Nicolas Sarkozy toujours. Le mentor n'est jamais loin.