VIDÉO. Grande-Synthe : elle porte plainte contre l'État après le triple assassinat de sa sœur et de ses parents

La sœur d’Isabelle Thomas, une enseignante tuée avec ses parents par son ex-compagnon violent en 2014 à Grande-Synthe, a assigné l’État pour faute lourde. Le jugement est attendu pour le 23 mars.  

"On peut pas juste accepter ce qu'il s'est passé, être fataliste et dire que c'est normal. Non, c'est anormal", martèle Cathy Thomas. Sept ans après le triple assassinat de ses parents et de sa soeur, par l'ex-conjoint de cette dernière, elle a décidé d'assigner l'État en justice pour faute lourde. Le jugement est attendu pour le 23 mars prochain. 

 




Isabelle avait déjà déposé des mains courantes à de nombreuses reprises et plusieurs plaintes pour alerter sur la dangerosité de Patrick Lemoine, son ex-conjoint. "Ma soeur a le courage de porter plainte une première fois alors qu'il lui avait dit que si elle s'enfuyait et qu'elle portait plainte il la tuerait et il tuerait les personnes de sa famille qui l'aideraient" détaille Cathy Thomas.

 

"Il ne se passe rien, c'est un cauchemar"




"Ce soir là, elle est passée par chez moi et ce n'était plus de la terreur. Je pense qu'il n'y a même pas de mot dans le dictionnaire pour décrire dans quel état psychologique elle était. Et malgré son état de vulnérabilité intense, elle a écouté son avocate et elle a osé aller reporter plainte. Je sais que pendant quelques jours après, elle est restée enfermée chez mes parents, sans bouger, elle pleurait et elle ne sortait plus du tout. Moi je me dis alors "c'est bon ils vont l'interpeller, ils vont lui faire peur, ils vont le mettre en détention, il va se passer quelque chose". Et là, il ne se passe rien. C'est un cauchemar", se souvient-elle.  

Finalement, Isabelle Thomas trouve refuge au domicile de ses parents, à Grande-Synthe. Le 4 août 2013, l'ex-conjoint, décrit comme "extrêmement violent" et "dépressif" se rend dans la commune du Nord. Patrick Lemoine suit la voiture où se trouvait son ex-femme avec ses parents. Après une course poursuite dans les rues de la commune, la fusillade éclate sur un parking de la ville, en face de l'Atrium. 


"Il tue maman en premier, pour faire souffrir ma soeur, il tue mon papa en deuxième, et il tue ma soeur en dernier"



Patrick Lemoine tue la mère de son ex-conjointe, Marguerite Thomas de deux balles dans la nuque. Rolland Thomas, le père, est tué d'une balle dans la tempe alors qu'il essayait de faire fuir son poursuivant à l'aide d'un cric. Patrick Lemoine tue ensuite Isabelle Thomas, son ex-petite amie, de trois balles dans la tête.  "Il les abat en pleine rue, c'est horrible, il prend bien son temps. Il tue maman en premier, pour faire souffrir ma soeur, il tue mon papa en deuxième, et il tue ma soeur en dernier", narre Cathy Thomas, qui connaît le déroulé avec précision puisque sa soeur était, pendant le triple meurtre, en communication avec Police Secours, le numéro 17.  "C'est ce qu'on lui a dit de faire !", déplore Cathy Thomas. "La police lui a dit, quand elle a déposé la main courant : "oh, mais si il vous suit et il vous embête, appelez le 17"". 

Après la fusillade, Patrick Lemoine prend la fuite vers son domicile en Belgique, avant d'être placé en détention. Il finit par mettre fin à ses jours avant son procès, deux mois après les faits. 

Aujourd'hui, la soeur d'Isabelle Thomas décide d'assigner l'État en justice pour faute lourde : "Ce combat, c'est pour dénoncer ce qu'il s'est passé et tous les efforts que ma soeur a fait avant et qui n'ont servi à rien. On a déposé une requête contre l'État pour mettre en cause sa responsabilité, parce que le système judiciaire est insuffisant pour protéger les femmes victimes de violence".
 

"Ça ne m'aidera pas à apaiser mon chagrin, mais ça m'aidera à me sentir utile...et vivante"




Dans son viseur, l'insuffisance de la prise au serieux du contrôle judiciaire. "Il aurait pu être placé en détention provisoire, même s'il n'avait pas de casier comme on nous l'a expliqué. Cet homme avait étranglé Isabelle Thomas au point de lui laisser une marque de 10 cm, c'était plus une tentative de meurtre que des violences. On aurait aussi pu lui imposer le port d'un bracelet électronique", estime la pénaliste spécialiste des violences faites aux femmes, Me Isabelle Steyer, auprès de nos confrères du Parisien. "Surtout, ce contrôle judiciaire aurait dû être révoqué car M. Lemoine a régulièrement continué à suivre, harceler et menacer Isabelle. Sa dangerosité a été très mal appréciée", poursuit-elle. 

L'audience s'est tenue lundi 10 février devant la première chambre civile du tribunal judiciaire de Paris, le verdict est attendu pour le 23 mars, date de la délibération, très attendue par Cathy Thomas : "Si l'État est condamné pour faute lourde, et bien ce sera un grand soulagement. Je ne dirais pas un grand bonheur, parce que le bonheur, je ne sais plus trop ce que c'est. Mais un grand soulagement : ça va m'aider à avancer, ça ne m'aidera pas à diminuer ma peine. Mais vous dire que je le fais au nom de mes parents et de ma soeur. De me dire que ça peut aider, peut-être sauver des vies : mes parents et ma soeur seraient peut-être fiers de moi. Ils sont morts tellement désespérés que moi, je ne peux pas être désespérée, il faut que je porte cet espoir et cette voix : la voix de ma soeur, la voix de mes parents et celle de toutes ces femmes. Et donc ça m'aidera pas à apaiser mon chagrin, mais ça m'aidera à me sentir utile...et vivante". 
 
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