En réaction aux témoignages révélés par nos confrères de la voix du Nord, la direction du Sdis 59 a lancé une enquête interne sur deux actes présumés de harcèlement dans le cadre professionnel, remontant à 2018 et 2019. Nous apprenons également que six agents ont été récemment sanctionnés après le suicide d'une jeune pompier de la caserne d'Hautmont, en novembre 2020.
La réaction n'a pas tardé. Lundi 30 mai, la direction du service départemental d'incendie et de secours du Nord (Sdis 59) a diffusé un communiqué sur Twitter à la suite des révélations de la Voix du Nord, publiées le même jour. "L'administration prendra toujours les décisions les plus fermes face au harcèlement", est-il indiqué. Dans son enquête en deux volets, le quotidien rapporte les témoignages de plusieurs femmes sapeurs-pompiers se disant victime de harcèlement sexiste et sexuel dans leur milieu professionnel.
Trois femmes prennent la parole dans les colonnes journal local pour raconter des faits qui se seraient déroulés entre 2010 et 2019. Attouchements, humiliations, remarques sexistes ou encore chantage sexuel, elles dénoncent des relations malsaines avec certains collègues masculins au sein de plusieurs casernes du département.
Mains aux fesses et "humiliations"
Il y a, entre autres, l'histoire de Sarah (prénom d'emprunt), qui évoque à la Voix du Nord sa "descente aux enfers" après avoir partagé une vidéo intime à son compagnon de l'époque, également collègue de travail, qui l'a diffusé à d'autres hommes. "On ne me parlait plus que pour m’insulter ou me rabaisser, y compris en intervention. On m’appelait la nuit, on me menaçait de diffuser la photo sur les réseaux et de pourrir ma carrière si je ne répondais pas aux avances d’untel." La difficulté à alerter la hiérarchie sur ces actes de harcèlement revient dans le récit de plusieurs soldates du feu.
Véronique, autre sapeur-pompier citée par le quotidien, rapporte son expérience douloureuse au début de sa prise de poste, dans les années 2000, au sein d'une caserne du bassin de la Sambre. Avec, au cours d’une manœuvre sur une échelle, son formateur qui lui colle ses deux mains aux fesses. "J’ai répondu du tac au tac en le giflant. Sur le coup, ça a fait rire les gars autour de nous."
Contactée, la direction dit ne pas avoir été informée des deux cas de harcèlement les plus récents, datant de 2018 et de 2019. Dans son communiqué, elle annonce l'ouverture d'une "enquête interne" pour faire toute la lumière sur les faits. A partir des éléments collectés, le conseil disciplinaire du Sdis pourrait ensuite donner un avis consultatif pour attribuer une sanction aux auteurs présumés. In fine, c'est l'administration, par la voix de son président Jacques Houssin, qui proclame le verdict.
Suicide à Hautmont : 6 sapeurs-pompiers sanctionnés
Dans son dossier, la Voix du Nord revient également sur le suicide, en novembre 2020, d'une sapeur-pompier volontaire âgée de 23 ans. Avant de mettre fin à ses jours, la jeune femme aurait fait part d'actes de harcèlement lors de ses gardes à la caserne d’Hautmont, près de Maubeuge. Aucun procès n'a eu lieu, les protagonistes mis en cause n'ont jamais été condamnés par la justice.
Toutefois, des sanctions ont été décidées en interne à la suite d'un conseil de discipline qui s'est tenu mercredi 4 mai 2022. Selon le Sdis, six sapeurs-pompiers, dont trois professionnels et trois volontaires, étaient "impliqués" dans le suicide de cette agent, à divers degrés. Parmi les professionnels, deux ont été révoqués et le troisième a été exclu 18 mois, dont 6 mois avec sursis. Chez les volontaires, deux contrats ont été résiliés et le troisième a reçu un blâme.
Concernant les professionnels, des sanctions plus légères avaient été proposées en amont par le conseil de discipline. En effet, cette instance collégiale réunissant des élus du conseil d'administration, des représentants syndicaux, ainsi qu'une juge du tribunal administratif, optait pour une mise à pied de deux ans pour deux des protagonistes et d'un mois seulement pour le troisième. "Face à la gravité de la situation des faits, les sanctions ont été majorées", explique l'Etat major du Sdis.
Une plateforme d'alerte indépendante
"Depuis plusieurs années, le Sdis 59 a mis en œuvre des mesures pour lutter activement contre toute dérive", assure la présidence des sapeurs-pompiers du Nord, dans son communiqué. En avril dernier, une plateforme de signalements indépendante a été mise en place via le site alerte.sdis59.fr. Elle est gérée par Delphine Pollet-Panoussis, professeure de droit public à l'Université catholique de Lille.
Dans une vidéo publiée sur le compte Youtube du Sdis 59, cette dernière explique l'intérêt de ce dispositif. "Cette plateforme garantit toute la protection des données à caractère personnel, précise-t-elle. Et le signalement peut éventuellement se faire de façon anonyme." Elle mentionne également la protection spécifique qui entoure les agents lanceurs d'alerte. "Ils bénéficient d'une protection large et multiforme, avec la confidentialité et une irresponsabilité pénale et civile pour les faits dénoncés". Avant de préciser : "cette protection est conditionnée à la bonne foi de l'agent."
Près de 7.200 agents travaillent au sein du service départemental d'incendie et de secours du Nord. Ce qui en fait le plus gros corps de pompiers territoriaux du pays (hors Paris et Marseille, où les pompiers sont des militaires).