L'aînée des deux soeurs, âgée de 25 ans a été condamnée à 4 ans de prison dont trois avec sursis. Sa soeur, à deux ans de prison avec sursis pour l'avoir assistée. Le tribunal correctionnel a comparé leur action à un trafic de stupéfiants. L'avocat de la défense estime le jugement "scandaleux" et réfléchit à faire appel.
Le tribunal correctionnel a demandé le maintien en détention de l'aînée, estimant qu'il n'y avait "pas assez de réflexion par rapport à la gravité des faits".
Initialement prévu le 17 août dernier, le procès des deux sœurs soupçonnées d'avoir réalisé des injections illégales de botox sur plus de 600 patients s'est ouvert mercredi 13 septembre devant le tribunal judiciaire de Valenciennes.
Elles agissaient sur Snapchat et Instagram et attiraient leurs nouveaux clients sous le pseudonyme du "Docteur Lougayne". Deux sœurs nordistes proposaient des injections illégales de botox et d’acide hyaluronique. Un procédé permettant de relaxer les muscles du visage et de faire disparaître les rides.
26 plaintes déposées
Depuis le lancement de leur activité au début de l’année 2021, au moins 600 patients seraient tombés dans le piège des pseudo-docteures. Les deux sœurs, qui ont officié à Lille, Valenciennes, mais aussi à Paris ou à Bordeaux, se rendaient dans des appartements, aux domiciles des clients ou dans des salons d’esthétique loués pour l’occasion.
Avec des séances facturées entre 200 et 400 euros, elles auraient engrangé en moins de deux ans 120 000 euros de bénéfices.
Au-delà de l’illégalité d’une telle pratique, certains patients présentent aujourd’hui des complications sévères. En cause notamment, les seringues et les fioles d’acide hyaluronique et de botox utilisées, pour certaines périmées.
Début juillet, un rapport d'analyse des produits retrouvés lors des perquisitions indiquait la présence de "toxine botulique", interdite à la vente libre et dont "l’injection ne peut être faite que par un médecin", indiquaient les enquêteurs. Le taux de bactéries mesuré dans certains produits s’est même révélé cinquante fois supérieur aux seuils maximums autorisés.
"Je suis méconnaissable, totalement détruit du visage"
26 victimes ont porté plainte, parmi lesquelles Benoît, Lillois de 53 ans. Après avoir reçu plusieurs injections de botox depuis décembre 2021, le responsable juridique qui n’en était pas à son coup d’essai avec la chirurgie esthétique, a vu son visage "se déformer".
Réactions cutanées inhabituelles, crevasses, pustules, gonflements... Benoît est aujourd’hui obligé de mettre du scotch sur sa paupière gauche pour pouvoir travailler et consulte une infirmière tous les deux jours pour recevoir des perfusions.
Je suis obligé de mettre du scotch sur ma paupière gauche pour pouvoir travailler. Sinon elle m'obstrue totalement la vue.
Benoît, victime de 53 ans qui a déposé plainte
"Je suis méconnaissable, totalement détruit du visage", soupire le Lillois. Benoît assure qu’il a reçu des intimidations et des menaces de mort des deux sœurs et de leur entourage lorsqu’il a formulé des demandes de remboursement. Malgré le traumatisme, le cinquantenaire l'assure, il sera présent au procès. "Après ce qu’elles m’ont fait, j’irai jusqu’au bout", assure-t-il.
12 chefs d'accusation
Arrêtées une première fois en mai 2023 à Valenciennes, les deux sœurs ont été placées en garde à vue. Lors de la perquisition, les enquêteurs ont retrouvé "une centaine de seringues et de fioles d’acide hyaluronique et de botox, pour la plupart d’origine étrangère", ainsi que "14 000 euros en liquide", deux véhicules haut de gamme et des objets de luxe.
Laissées libres le temps de diffuser un appel à témoins pour retrouver d'éventuelles victimes, les pseudo-docteures ont de nouveau été placées en garde à vue mercredi 12 juillet 2023 après les multiples investigations menées par les gendarmes de la Section de recherches de Lille. Au terme des auditions, l’une des deux sœurs a été placée en détention provisoire, l’autre sous contrôle judiciaire.
Âgées d'une vingtaine d'années, elles sont notamment poursuivies pour exercice illégal de la profession de médecin, mise en danger de la vie d’autrui, blessures involontaires, escroquerie, travail dissimulé et blanchiment. Contacté, leur avocat n'a pas souhaité répondre à nos questions avant le début du procès.