Une cinquantaine d'agents en charge de la prévention et de la protection de l'enfance dans le Nord ont manifesté au pied de l'hôtel du département à Lille. Au-delà des plans d'urgence, ils réclament des moyens supplémentaires sur la durée car les enfants sont "en danger".
Casserolades et portraits d’enfants placardés sur les vitres de l’hôtel du département du Nord. Ce vendredi 15 mars 2024, les agents de la prévention et de la protection de l’enfance du Nord ont crié leur "détresse" et leur "colère" sous les fenêtres du département du Nord, en charge de la protection des mineurs. Une manifestation sous les fenêtres de la direction alors qu’une instance pour parler des conditions de travail de santé et de sécurité des agents devait être organisée. Instance finalement délocalisée en préfecture.
Parmi la cinquantaine de manifestants, Valérie. Masque blanc sur le visage et pancarte accrochée autour du cou, elle est travailleuse sociale dans le Nord depuis 12 ans. La professionnelle témoigne : "on voit les enfants aller de plus en plus mal et les dispositifs ne se mettent pas en place". Un exemple, lorsqu’elle amène une jeune fille en souffrance dans un foyer d’urgence de la métropole lilloise et tombe sur... des lits de camp. "Ce ne sont pas des conditions humaines acceptables. Les enfants sont entassés, dorment sur des lits de fortune dans les couloirs, décrit-elle. Quand on amène des jeunes là-bas, on n’a pas envie de les laisser". Une situation catastrophique qui s’explique selon elle par le "manque criant de moyens".
Malgré les mobilisations depuis 2018, la situation "empire"
La situation est "tout bonnement catastrophique", indique Olivier Treneul, représentant de SUD, syndicat majoritaire au département. Les professionnels de l’aide sociale à l’enfance, de la protection maternelle infantile et des services sociaux du Nord alertent "depuis des mois sur la dégradation de leurs missions et des situations de mise en danger des enfants (qu’ils doivent) normalement protéger... en vain".
En 2018 déjà, un mouvement social des professionnels de l’enfance avait eu lieu dans le département. Quatre ans plus tard, les travailleurs sociaux et médico-sociaux s’étaient de nouveau fait entendre en signant une tribune avec les juges des enfants du tribunal de Lille pour dénoncer la prise en charge insuffisante des enfants placés, le manque de moyens financiers et les conditions de travail difficiles.
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Dans la foulée, le département annonçait un plan d’urgence pour la protection de l’enfance, prévoyant notamment la réouverture de 150 places en foyers dans le Nord. Un pansement, qui n’a rien changé à la situation, selon le représentant syndical, bien au contraire. "La situation empire, assure Olivier Treneul. Depuis 2018, année durant laquelle les collègues ont pris conscience de la dégradation de toute la chaîne de prévention de protection de l’enfance dans le Nord, se sont succédé des plans d’urgence. Et depuis ? L’employeur est uniquement en gestion de crise et n’est absolument pas à la hauteur des besoins criants sur le terrain".
1 100 enfants "en danger" dans le Nord
Le Nord est le département de France qui compte le plus d’enfants placés. 11 000, selon le dernier décompte. Le manque de moyens dénoncé par les manifestants a un "impact direct" sur les mineurs, détaille le représentant syndical. Aujourd’hui, "plus de 1 100 enfants qui devraient être protégés à la suite d’une décision de justice ne le sont pas, ou très mal". Des enfants qui sont "soit à la maison alors qu’ils ne devraient plus y être parce qu‘ils sont en danger, soit passent d’un foyer à un autre, d’une famille d’accueil à une autre. Et c’est insupportable".
À la situation, s’ajoute une brutalité de l’employeur. Il est dans le déni, refuse d’entendre la parole du terrain alors que des collègues exercent des droits de retrait, organisent des opérations de boycott pour ne pas se rendre aux audiences dans les tribunaux. Plein de choses se passent, les alertes se multiplient... et en face un ventre mou qui nie totalement sa première responsabilité qui est celle de protéger l’enfance, sa mission.
Olivier Treneul, représentant syndical SUD au département du Nord
Pour matérialiser cette détresse, les manifestants ont placardé ce vendredi 15 mars 2024 des photos d’enfants sur la façade du département. Les clichés ont été générés par l’Intelligence artificielle, les histoires racontées sont bien réelles. "Helena, 3 ans à la pouponnière par manque de place – souffre de dépression", "Amid, rêve d’une famille d’accueil, mais il n’y a pas de place" ou encore "Hugo, 6 ans d’attente pour une place"... Des témoignages accompagnés d’un message : "le département n’est pas là pour lui".
Contactés, les services du département du Nord n’ont pas répondu à nos sollicitations à l’heure où nous écrivons cet article. Les manifestants annoncent de leur côte une nouvelle mobilisation d'ampleur jeudi 21 mars 2024 à Lille.