Prise en charge insuffisante des enfants placés, manque de moyens financiers, conditions de travail difficiles... Ensemble, différents professionnels de la protection de l'enfance signent une tribune pour dénoncer les manquements du département du Nord dans la protection des enfants.
Ils seraient près d’un millier d’enfants, victimes notamment de violences intrafamiliales et confiés au département par la justice, à ne pas être protégés convenablement dans le Nord. Tel est le signalement de la tribune publiée ce lundi 17 octobre par trois syndicats de professionnels de la protection de l’enfance.
Travailleurs sociaux et médico-sociaux, juges des enfants du Tribunal de Lille, avocats et avocates… Autant d’acteurs qui dénoncent “d’une même voix” l’état jugé "catastrophique" de la chaîne de prévention et de protection de l’enfance dans le département du Nord, dont la responsabilité incombe au Conseil départemental.
Les syndicats SUD des personnels du département du Nord, de la Magistrature et des Avocats de France exhortent donc cette institution gouvernementale à “prendre les décisions immédiates qui s’imposent afin d’être à la hauteur de la situation décrite par tous les professionnels”.
Une vie sans attaches
À savoir, comme détaillé dans la tribune, des enfants, déjà victimes de traumatismes importants, ballotés d’un endroit à un autre ou d’un matelas à un lit de camp dans des couloirs de foyers de l’enfance, “sans savoir où ils seront le soir même, ni le lendemain”. Et les plus jeunes ne sont pas épargnés : “des bébés passent des journées entières dans l’attente d’un lieu d’accueil dans des bureaux”, dépeignent les syndicats.
Des bébés passent des journées entières dans l’attente d’un lieu d’accueil dans des bureaux.
Tribune publiée lundi 17 octobre
Coupes budgétaires
Une “maltraitance” et une “violence” institutionnelle "condamnant des enfants à un avenir chaotique”, s’insurgent ces professionnels de santé, qui rappellent que malgré une mobilisation en 2018, “la situation a continué à se dégrader”. En cause notamment, la suppression de postes de travailleurs sociaux et médico-sociaux - plus de 300 entre 2015 et 2019, ainsi que de 700 places en foyers de l’enfance, ou encore le financement de clubs de prévention suspendus et la baisse drastique des allocations mensuelles d’aide sociale à l’enfance.
La chaîne de prévention et de protection de l’enfance ainsi démantelée n’a pas pu et ne peut plus faire face.
Tribune des professionnels de la protection de l'enfance
Et ce alors qu’en deux ans, les mesures de placement ordonnées par les Juges des Enfants ont augmenté de 10%, notamment suite à la crise sanitaire et aux confinements qui ont contribué à l’augmentation des violences au sein du foyer familial. Or, d’après les signataires de cette tribune, “la chaîne de prévention et de protection de l’enfance ainsi démantelée n’a pas pu et ne peut plus faire face”, assènent ces travailleurs sociaux dont les conditions de travail ont été impactées par l’absence de moyens, alors même que le compte administratif 2021 de l’Assemblée départementale fait état d’une amélioration des finances publiques.
Notre enquête auprès des jeunes :
REPORTAGE / VANLATON Martin, MORVAN Antoine, DA FONSECA Antonio, LEDEZ Thibault, THORON Antoine et DUPLOUICH Nicolas.
La nécessité d'actions
Face à cette situation décrite comme “insupportable”, près de la moitié des équipes de travailleurs sociaux d’Aide Sociale à l’Enfance du département, décidés à “arrêter de cautionner les dysfonctionnements et défaillances” du conseil départemental, exercent depuis le mois de juin un droit de retrait partiel. L’objectif avancé ? “Contraindre” l’institution à “rendre des comptes”.
À la suite de cette mobilisation, un plan d’urgence pour la protection de l’enfance a été annoncé, en juin. Il prévoit notamment la réouverture de 150 places en foyers sur l’ensemble du département. Une mesure jugée insuffisante puisque d’après les professionnels, elle correspond “à peine” aux besoins du secteur Roubaix-Tourcoing et ne prévoit aucune garantie de financement pérenne.
La tribune publiée en ce jour constitue ainsi un nouvel appel à la responsabilité.